Elle ne soufflera pas la 88ème bougie : Lilyan Kesteloot n’est plus. Le Professeur de littérature africaine et critique littéraire a rendu l’âme mercredi dernier à Paris. L’Afrique a perdu l’un de ses plus vaillants défenseurs.
La faucheuse a une fois de plus frappé fort. Le Professeur de littérature africaine et critique littéraire, Lilyan Kesteloot, est décédée ce mercredi à Paris, à l’âge de 87 ans. La littérature noire perd ainsi l’une de ces plus grandes spécialistes. Cette passion pour la littérature subsaharienne, Lilyan Kesteloot, Belge de naissance et Africaine de cœur, a commencé à l’arroser quand elle a lu pour la première fois, dans les années 1950, le Cahier d’un retour au pays natal du Martiniquais Aimé Césaire. 10 années plus tard, elle matérialise cet amour avec sa thèse Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature. Soutenue en 1961 à l’Université libre de Bruxelles, cette thèse «révèle au monde la galaxie naissante des lettres modernes africaines», selon Rfi.
En 1962, Lilyan Kesteloot inscrit son nom dans l’histoire en étant la première à réunir dans Neuf poètes camerounais les grands noms de la poésie camerounaise.
Si elle est autant aimée sous nos tropiques, son travail consistant à rappeler que les auteurs africains n’ont pas que le modèle occidental comme référence y est pour quelque chose. Son intérêt pour l’oralité noire a grandement contribué à éclairer les thèmes et l’esthétique de la littérature africaine. Désormais, on se souviendra d’elle comme la spécialiste qui a su relier les textes modernes de nos auteurs au fond littéraire de nos cultures. En un mot, elle a reconnu ce que bon nombre de ses compatriotes ont préféré ignorer.
Amoureuse de la plume du Président-poète, Lilyan Kesteloot a été chargée par Senghor, lors de l’ouverture du Département spécial de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), d’assurer la collecte des traditions orales de l’ouest africain. Il ne serait pas de trop d’utiliser l’adjectif exceptionnel pour sanctionner le travail qu’elle y a abattu tant elle s’est donnée corps et âme pour réussir.
Des épopées africaines, en passant par la traduction des mythes, sans oublier la réécriture des récits africains co-signée avec Amadou Hampâté Ba, elle laisse derrière elle une marque indélébile. A l’Ifan, pas moins de 2 000 enregistrements sonores peuplent la sonothèque qui fait figure dorénavant d’héritage.
Dans les cérémonies de présentation de livres, sa voix n’a jamais été de trop. C’était un véritable régal de l’entendre s’épancher sur un sujet. Ses analyses rigoureuses sur les thèmes qui concernent l’Afrique faisaient frémir le plus conservateur des Africains. La journaliste Tirthankar Chanda affirme que «tous les amoureux des Senghor, Césaire et de leur postérité féconde ont une dette à l’égard de Lilyan Kesteloot», mais en réalité c’est l’Afrique tout entière qui a plus qu’une dette envers elle.
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