Les magistrats sénégalais soutiennent leur collègue Ibrahima Hami­dou Dème qui a démissionné avec fracas du Conseil supérieur de la magistrature.

L’Union des magistrats sénégalais (Ums) fait dans la solidarité de corps pour défendre le substitut général près la Cour d’appel, qui entend déjà le souffle de la sanction réclamée par certains caciques du pouvoir après sa sortie au vitriol pour dénoncer le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. «Suite à la démission de notre collègue Ibrahima Hamidou Dème de son poste de membre élu du Conseil supérieur de la magistrature, des voix se sont élevées pour le jeter en pâture et des menaces de sanctions de radiation ou de rétrogradation ont été brandies à son encontre», s’indigne le Bureau exécutif de l’Ums. Il «apporte son soutien sans faille au collègue Ibrahima Hamidou Dème  et continuera à mener toute action appropriée pour la sauvegarde des intérêts matériels, moraux et professionnels des magistrats» et «réaffirme sa détermination à œuvrer pour le renforcement  de  l’indépendance de la justice».
Le magistrat Ibrahima Hamidou Dème répète des propos franchement critiques qu’avait déjà ressassés l’association des magistrats. Dans son communiqué, elle rappelle «qu’elle a toujours dénoncé, avec vigueur, les maux que le collègue Dème a évoqués dans sa lettre de démission notamment le dysfonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature».  Le monde de la justice a gardé un fort mauvais souvenir de la réforme judiciaire qui avait porté l’âge de la retraite de certains hauts magistrats à 68 ans. Ces déclarations risquent de renforcer une relation plutôt tendue jusqu’ici entre les juges et le pouvoir exécutif. Cette nouvelle affaire et les déclarations, qui l’accompagnent, poussent le Bureau exécutif de l’Ums à condamner «fermement les menaces proférées contre les magistrats d’où qu’elles  proviennent et rappelle que la Justice ne saurait être gérée par de l’intimidation» et «invite les uns et les autres à plus de sérénité, de mesure et au respect scrupuleux des principes qui gouvernent l’Etat de droit».
Ce feuilleton n’a pas plu à la Chancellerie, qui a remis M. Dème sur le droit chemin. Dans une note, elle a expliqué que la procédure de consultation à domicile, dont l’usage systématique a poussé le magistrat à démissionner du Csm, est légale. «Elle est prévue par les dispositions de l’article 6 de la loi organique n°2017-11 du 17 janvier 2017 portant organisation et fonctionnement du CSM qui prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature se réunit, au moins deux fois par an, sur convocation de son président. Toutefois, en cas d’urgence, le Conseil Supérieur de la Magistrature peut statuer par voie de consultation à domicile», explique le ministère de la Justice qui soutient que tout membre du Csm est «soumis à la seule autorité de la loi». En revanche, il n’avait pas condamné M. Dème en précisant que «d’éventuelles sanctions disciplinaires ne peuvent être prises envers un magistrat que par ses pairs. Ni le président de la République ni le ministre ne peuvent le faire». Les juges forment déjà un front pour défendre Ibrahima Hamidou Dème promis à l’échafaud…

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