Le tumulte autour de l’appareil de radiothérapie de l’hôpital Le Dantec pourrait servir de prétexte pour procéder à une radioscopie du ministère en charge de la santé et de poser la question cruciale de la redevabilité des autorités qui nous gouvernent.
Et pourtant, ce n’est que la face visible de l’iceberg. En effet, cet épisode peut être considéré comme un symptôme gravissime ou une crise aiguë du cancer invasif qui se répand, progressivement, depuis plusieurs décennies, au sein du système sanitaire sénégalais.
La confiance quasi-unanime accordée à l’équipe actuelle du ministère de la Santé, créditée, dès son installation, de préjugés extrêmement favorables pour solutionner les maux dont souffre le système socio-sanitaire sénégalais, semble céder la place à un scepticisme de plus en plus prononcé sur la pertinence des stratégies qu’elle est en train de mettre en œuvre.
Il faut savoir, qu’au moins, depuis le mois d’avril 2016, à l’occasion d’une nième panne de l’appareil de radiothérapie, la présidente de l’Association cancer du sein, Mame Diarra Guèye Kébé avait déjà tiré la sonnette d’alarme et réclamé l’achat d’une nouvelle machine.
On a visiblement affaire à de sérieuses entorses aux procédures comptables et financières (amortissement), de suivi-évaluation ainsi qu’au non-respect des normes techniques, allant jusqu’à la mise en danger des personnels et des patients.
Après les victoires conquises de haute lutte et avec l’appui des partenaires techniques et financiers sur les maladies infectieuses (paludisme, tuberculose, sida…), les autorités sanitaires semblent avoir du mal à négocier convenablement le tournant épidémiologique marqué par la progression inexorable des maladies non transmissibles (affections cancéreuses, rénales, cardiovasculaires, métaboliques, maladies mentales…), communément désignés sous le vocable de «maladies à soins coûteux».
Dans la nouvelle approche qui doit être celle de la politique sanitaire nationale, les autorités sanitaires doivent, au-delà du soutien encore indispensable des bailleurs de fonds, se donner les moyens de mise en œuvre de stratégies éprouvées sous d’autres cieux.
C’est ainsi qu’il est urgent de s’atteler à la mise en place d’un processus de mise aux normes des structures sanitaires sur le plan des plateaux techniques et à l’élaboration d’une carte sanitaire cohérente répondant aux impératifs d’une prise en charge globale de la santé des citoyens sénégalais.
Cette démarche devra permettre de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l’offre de soins en vue de satisfaire de manière optimale la demande de santé. En effet, il est capital que puissent être définis les structures et les équipements nécessaires à la prise en charge des soins ainsi que leur localisation, sans distinguer le secteur public et le secteur privé.
En effet, la carte sanitaire est établie sur la base d’une mesure des besoins de la population, compte tenu des données démographiques et épidémiologiques et des progrès des technologies médicales, après une analyse approfondie de l’offre de soins existante.
La carte sanitaire doit être actualisée au moins tous les cinq ans. La carte hospitalière, qui est une composante de la carte sanitaire, définit de façon précise la nature des services, le nombre de lits par établissement et leur répartition par catégorie, la composition du plateau technique, notamment les gros équipements et l’inventaire des postes destinés aux professionnels de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes) … etc.
Il va de soi que la prise en charge de ces maladies non transmissibles –dites à soins coûteux – implique de procéder à de nouveaux investissements, dont le cadre juridique doit être amélioré pour permettre une mobilisation plus rapide des financements de l’Etat et des partenaires extérieurs.
Il est également impératif de financer le Plan cancer élaboré par des experts nationaux chevronnés, loin des mirages du Dakar Medical City prévu par le Plan Sénégal émergent.
En fin de compte, cette dramatique affaire de l’appareil de radiothérapie de l’hôpital aurait dû amener nos autorités à faire preuve de plus d’humilité et d’esprit d’autocritique, car ne dit-on pas que  «gouverner, c’est prévoir» !
Nioxor TINE