Ranérou, ville enclavée dans le Ferlo, est dans une situation socio-économique compliquée. Mais les lundis, la ville devient animée.

Ranérou rompt un peu son relatif enclavement tous les lundis à la faveur de son marché hebdomadaire qui fait converger une fois par semaine plusieurs centaines de personnes dans cette commune de la région de Matam. Au cœur du Ferlo, coincée entre Linguère et Matam dans une zone sylvopastorale du nord-est du Sénégal, à 426 km de Dakar, la commune de Ranérou-Ferlo revit pratiquement au rythme de ce rendez-vous marchand. Tôt tous les lundis, la ville érigée en commune en 2002 est assaillie par une foule, marchands et acheteurs, les uns cherchant à écouler leurs produits, les autres en quête de bonnes affaires et de provisions, le temps que la semaine passe. Ils arpentent donc les allées de ce marché, sous une chaleur impitoyable, investissant tous les coins et recoins dès les premières heures de la matinée, certains guidés par des haut-parleurs déployés ça et là.
A bord d’un camion-conteneur, Modou Thiam, la quarantaine entamée, tient un petit commerce de produits cosmétiques dont certains sont exposés sur une grande natte.  «C’est une habitude pour les habitants de Ranérou de se déplacer chaque lundi pour venir faire leurs provisions de la semaine», confie-t-il, avant de se faire interpeller par des clientes se renseignant sur le prix de certains de ses produits. Modou Thiam, après avoir fini avec ses clientes, désigne deux jeunes garçons âgés d’au moins dix ans qui l’aident dans sa tâche. «Ces enfants viennent chaque lundi avec l’aval de leurs parents pour trouver quelque chose à ramener à la maison», explique le commerçant, sans doute pour mieux dire combien ce marché hebdomadaire est couru. Non loin de là, Ramata Sy, accompagnée de Coumba Babou, portent chacune des plats sur lesquels sont posées théières et petites tasses. A l’évidence, la vente du thé est le gagne-pain de ces dames. Une activité qui «ne rapporte pas grand-chose», si l’on en croit Coumba.
Elle dit que ses gains vont de «500 à 1 000 francs par jour» ; ce qui ne représente «pas beaucoup de chose, mais il faut travailler», ajoute-t-elle. Son nom ne le laisse pas présager, mais Ndèye Faye maîtrise parfaitement le pulaar, langue dominante dans ces contrées du Ferlo, une zone d’élevage principalement. «Je suis de Touba, mais je quitte Ourossogui pour venir à Ranérou chaque lundi pour écouler mes produits», avance la jeune dame, le pagne bien noué à la taille.  «Je vends des tricots, mais avant cela, je prépare le petit-déjeuner que je vends le matin avant d’exposer mes autres produits», raconte la femme d’affaires en puissance qui dit également vendre du poisson fumé. «Je fais également du défrisage et la majeure partie de mes clientes» pour la plupart de la zone déboursent entre «1 000, 1 500 ou 2 000 francs pour cela», poursuit Ndèye Faye. La jeune femme soutient qu’en période de vaches maigres, ses revenus ne dépassent pas 25 mille francs Cfa, une mauvaise affaire compte tenu du prix du transport entre Ourossogui et Ranérou, «sans compter les bagages qui entraînent des frais supplémentaires».
Natif de Thiès (ouest), Moussa Mbaye a un certain sens du marketing, lui qui a ingénieusement recours à des blagues et autres plaisanteries pour entretenir la bonne humeur de ses clients potentiels et mieux les attirer.  C’est que ce commerçant quitte Linguère chaque dimanche soir pour être présent tôt lundi matin et espérer vendre le maximum de produits – bagues, lunettes et autres sous-vêtements, «un peu de tout quoi», des produits féminins principalement, avant de rentrer le soir.
Les choses ne sont pas toujours simples, jure-t-il, «mais nous nous débrouillons pour rentrer chaque semaine avec quelque chose». Quelque part en sortant du marché, des abris faits avec des pagnes attirent l’attention, en même temps que le bruit continu de machines à coudre à l’œuvre. Sous une tente de fortune, des tissus sont exposés, alors que des tailleurs s’activent à satisfaire la clientèle. Daouda Dème, natif de Linguère, mais installé à Ranérou, vend des tissus, les tailleurs sous la tente assurant la couture. «C’est une sorte d’entreprise, nous nous rencontrons chaque lundi», explique-t-il.  A son avis, la pluie qui a tardé à tomber sur Ranérou a contribué à diminuer la fréquentation du marché. «Avec la chaleur et la pluie qui tarde à tomber, il n’y a pas une grande affluence», souligne le vendeur.
Aps