Les demandeurs de visa et autres services au consulat d’Espagne à Dakar vivent le calvaire. Il faut se réveiller à 4h-5h du matin pour s’inscrire sur une liste afin d’accéder à l’intérieur pour le dépôt. Pathétique ! Pour de nombreux demandeurs, les Espagnols veulent tout simplement pousser les gens à abandonner leur désir d’aller dans ce pays. Malgré la galère, les candidats au voyage supportent ce traitement dégradant.

La matinée est aussi glaciale que la colère qui se répand sur le trottoir. «On ne peut pas madame. Certains d’entre nous ont dormi ici. Nous avons besoin de nous dégourdir les pieds.» C’est la réponse d’un demandeur de visa à une policière qui tentait de remettre de l’ordre dans cette pétaudière.
Le consulat d’Espagne à Dakar rappelle le couloir de la honte de celui de la France où les demandeurs de visa étaient traités de manière inhumaine. Très strict sur le respect des règles de sécurité, le flic demande encore aux uns et aux autres de se mettre dans les rangs. La tension commence à monter. Les nerfs s’échauffent. Devant l’insistance de la dame, il enrage : «Ne me dites pas de dégager. Comment je peux rentrer ici.» L’homme persiste : «Il n’est pas question d’exécuter un quelconque ordre.» Parce que, dit-il, il reconnaît sa place et attend son tour pour suivre la queue. Face à la détermination des demandeurs, le policier s’adoucit pour éviter un incident. Cette scène se répète chaque matin depuis quelques jours devant le consulat d’Espagne à Dakar.
La représentation diplomatique est située sur l’avenue Nelson Mandela, à quelques jets de pierre de l’Assemblée nationale. Ici pour un simple dépôt, il faut montrer patte blanche. Deux policiers et un Agent de sécurité de proximité (Asp) veillent sur les lieux. Las d’attendre leur tour chez l’agent consulaire, certains candidats au voyage et demandeurs d’autres services se sont mis à terre pour tenter de tromper le temps. Ils grignotent un morceau de pain, d’autres sirotent leur tasse de café ou manipulent leur téléphone. Ceux qui sont plus endurants préfèrent rester debout dans la queue avec le cœur lourd. Tête baissée, visage fermé, ils paient le manque de sommeil auquel ils sont astreints depuis plusieurs semaines. Dans la mêlée, des vendeurs de café et d’autres petits marchands slaloment entre les fils humains à la recherche d’éventuels acheteurs. Le décor est triste.
Ces hommes, femmes et enfants qui ont opté pour l’émigration choisie au moment où des milliers de jeunes périssent au fond de la mer en tentant de traverser la méditerranée ne sont pas aussi exemptés des peines, car la voie légale est assortie de contraintes depuis que le consulat d’Espagne a décidé de revenir sur l’externalisation de son service de visa. Les conditions d’accueil sont dégradantes. Assise calmement au pied du mur du consulat, son voile soulevé sous l’effet du vent frisquet du matin, Mme Doucouré, 20 balais au compteur, court après son passeport depuis presque un mois. Elle est venue récupérer le précieux sésame, mais elle est tétanisée par la peur de voir sa demande rejetée. Après un appel reçu du consulat, elle s’est pointée ce mardi pour savoir la suite de sa requête introduite. Elle ne bénéficie par contre d’aucun traitement de faveur.
De nationalité gambienne, habillé d’un costume noir assorti d’une chemise blanche, barbe abondante, la quarantaine, assis à même le sol, M. Nimaga est gonflé d’amertume. Il renseigne qu’il est là depuis les premières heures de l’aurore. Son compatriote Mamadou Diawara s’est approché de nous pour déverser son chagrin. Il raconte : «Je suis à Dakar depuis 8 jours. Et je suis là depuis 4h 30 minutes du matin. Je vous assure qu’on souffre. Il faut payer de l’argent pour passer. Personnellement, j’ai remis la somme de 20 mille francs Cfa à un démarcheur qu’on appelle Fousseynou pour juste m’inscrire sur la liste, mais jusqu’à présent j’ai mes papiers, mais je fais toujours des va-et-vient entre chez moi et le consulat.» Sur place, il est difficile de corroborer ces accusations. Vêtu d’une tenue de sport, un quidam qui s’est rendu compte de la longue file d’attente n’a pas hésité à nous faire comprendre qu’il va passer par les démarcheurs afin que son dossier soit traité à temps. Un artiste sénégalais qui a souhaité gardé l’anonymat a aussi étalé son calvaire. Il dit : «J’ai déposé ma demande de visa le 13 décembre 2016 et je devrais quitter Dakar le 22 dernier pour l’Espagne. Mais voilà que jusqu’à présent j’ai du mal à savoir l’état de mon dossier.» Selon lui, son dossier a été pris en charge au départ par le centre qui était en collaboration avec les autorités espagnoles basées à Dakar. A sa grande surprise, déplore-t-il, il a été informé que le contrat qui liait les deux entités est arrivé à terme et que les dossiers ont été transférés au consulat. «Ce qui est à l’origine de la bousculade à ce niveau», dit-il, en soutenant que les Espagnols veulent juste décourager ceux qui veulent rallier leur pays : «Après Barça ou barsakh, c’est la galère à Dakar.»

Le consulat injoignable
Pour avoir la version du consulat d’Espagne à Dakar, Le Quotidien a joint, avant-hier, dans la journée ses services. L’homme au bout du fil nous a recommandé d’appeler un numéro afin de joindre les autorités consulaires pour plus d’éclairages. Mais toutes nos tentatives sont restées sans succès. Le mail envoyé n’a pas connu aussi de réponses après 48 h. Les colonnes du journal leur sont ouvertes.

msakine@lequotidien.sn