Des groupes qui ont fait plus de 10 ans d’underground sont nombreux à voler en éclats après leur succès. Express est une exception à cette règle qui gouverne le rap sénégalais. Depuis 2010, le groupe surfe sur un succès qu’il a mis 10 ans à construire. Et pourtant, ce n’était pas évident au vu de leur parcours.

Dans un pays de 15 millions d’âmes, où le taux de bancarisation ne dépasse pas les 15%, jeter les bases d’un marché de la musique en se focalisant sur le système bancaire, c’est peine perdue. Ainsi, l’industrie du disque, si elle veut exister, devra s’appesantir sur le caractère prescriptif de ses acteurs pour attirer les annonceurs. En somme, il est nécessaire d’avoir un contact direct entre l’artiste et son public. Seulement, quand on est issu du milieu hip-hop, une musique sous la domination du mbalax et que le simple fait d’accéder aux cadres d’expression culturelle soit considéré comme une victoire, il faudra 2 fois plus d’effort pour se faire un nom. Et si on a la malchance d’être d’une des régions les plus pauvres d’un pays pauvre, autant dire que la mission est juste impossible.
Pourtant, 3 jeunes ont réussi ce pari. Brah, King Selmind et Jah Man, les membres du groupe Express de Diourbel, surfent depuis 2010 sur un succès qu’ils ont mis 10 ans à construire. En 2000, Brah et King Selmind, guidés par une passion débordante du rap, collaborent sur un morceau tout en évoluant chacun dans son groupe. A cette période, c’est juste une activité qu’il faut allier avec les études, mais rien de sérieux. C’est le début d’une longue histoire. Trois ans plus tard, le groupe s’agrandit. Jah Man le rejoint. C’est un apport de taille. Sa voix couplée aux textes hardcore de Brah et Selmind permet d’atteindre une cible beaucoup plus large. Le manque de moyens, conjugué à l’image du rap, une musique qui n’est pas la préférée des Sénégalais, contraint le groupe à faire 10 années d’underground. En 2010, le titre Sama baat est le tube de l’année. Il annonce l’album Ken démoul nu dess qui est sacré Album de l’année aux Tubes de l’année. La formule est simple pour Express : Sur une musique moderne, ils évoquent pour la plupart des thèmes accessibles. Les valeurs sénégalaises, le vivre ensemble et l’amour du prochain, voilà entre autres le message du groupe.
Loin des clichés du rap, Express affirme sa «sénégalité» dans un milieu de plus en plus tourné vers l’extérieur. Aux clashes, ils imposent un verbe soigné. «Les groupes de rap sénégalais qui tournent le plus dans le monde ne sont pas insolents.» Ce constat lucide de Brah donne un aperçu leur état d’esprit. Une clairvoyance qui va être récompensée du titre d’Album de l’année avec Biir ak biiti en 2014. C’est cette même année que le grand public découvre Express, avec le single Reer. Une invite au retour à la source agrémentée par la voix de Jah Man au refrain. Une belle réussite qui n’est pas sans conséquences. Jah Man est très sollicité au point de poser un débat sur la solidité du groupe. Et depuis lors, Express surfe sur cette vague de succès. Des pubs par-ci, des tournées internationales, des propositions de travail par-là, le groupe a l’embarras du choix.