Pour les dix ans du Partcours, les espaces artistiques de Dakar rivalisent de propositions. A Sicap, «l’Atelier Fer et Verre» de Germaine Anta Gaye fait le pari de remonter le temps. «Il était une fois…», réunit, en plus de la maîtresse des lieux et de Serigne Ndiaye, Bounama Sall Ndiaye, Maxon Diao, Itaf Benjeloun et Roughiatou Thiam.Par Mame Woury THIOUBOU

– Sur l’Avenue Bourguiba, le bruit des moteurs et les klaxons des voitures sont un vacarme constant. Dans un des immeubles bordant l’avenue, l’Atelier fer et verre s’annonce par des effluves particuliers. De la fumée d’encens s’échappe du lieu et conduit le visiteur qui se laisse happer dans une antichambre au décor suranné. Un lit ancien en fer sur lequel un drap brodé à la main est tendu. Sur les murs, des femmes à la coiffure imposante, posent sur des photos en noir et blanc. Une radio énorme et antique est posée à côté d’un fauteuil aux coussins fleuris. Ici encore règnent de bonnes senteurs échappées d’un encensoir posé au sol. En boubou brodé bleu, la maîtresse de maison ac­cueille ses visiteurs avec grâce et nonchalance. Tout l’espace est empreint de cette douceur de vivre, de cette élégance saint-louisienne qui caractérise la maîtresse des lieux. Pour sa participation à la 10e édition du Parcourts, l’Atelier de l’artiste Anta Germaine Gaye est resté fidèle à lui-même en présentant «Il était une fois…», une exposition collective à laquelle participent également Serigne Ndiaye, Maxon Diao, Itaf Benjeloun, Bounama Sall Ndiaye et Roughiatou Thiam. Dans cette arrière-cour d’immeuble, le concept de l’exposition est venu se poser et s’intégrer tout naturellement. «Un lieu de vie commune, de tâches ménagères, de petites activités artisanales devient un espace investi par la création artistique», souligne la note de présentation. Quand les artistes s’approprient l’espace, tout prend un autre sens et l’espace résonne d’histoires centenaires que sûrement, les vieux mortiers qui composent les sculptures de Bounama Sall Ndiaye pourraient raconter. Une façon de redonner une nouvelle vie à ces vieux mortiers que le temps a fini par sculpter. En attestent ces empiècements en fer rouillés et marqués par le temps. Des clous, des bouts de fer pour faire tenir la pyramide. Certaines pièces sont même mangées par les termites. «En Afrique, nous socialisons nos œuvres d’art pour vivre avec elles alors qu’ailleurs, on en fait quelque chose d’esthétique», souligne l’artiste en rappelant que ces mortiers sont des éléments-clés dans les lieux de culte traditionnels appelés khamb. Installé à Yenn, l’ancien mécanicien à Dakar Dem Dikk, la société de transport, a puisé dans ses aptitudes pour faire parler le bois. Le «yatou kel», bâton en bois qui accompagne chaque acte des bergers peuls, sert ici de matière première à l’œuvre de l’artiste. Les fils de fer qui relient les tiges de bois en font autant d’arabesques et de liaisons esthétiques.
Maîtres incontestés de la technique du sous-verre, Anta Germaine Gaye et Serigne Ndiaye sont les auteurs de cette chambre saint-louisienne des années 50 qui accueille le visiteur et qui renferme la mémoire d’une intimité spirituelle ancestrale. Après la traversée ou la plongée dans ce passé, la cour ouvre un nouveau chapitre de vie. «Il y a nous, les artistes acceptés et tolérés par les habitants de l’immeuble, et il y a les commerces qui ont leur vie dans la cour, un espace de vie en commun», souligne Anta Germaine Gaye. Le verre com­me matériel de prédilection, Serigne Ndiaye évoque un choix suicidaire qui s’est révélé pa­yant. Les deux artistes ont re­donné ses lettres de noblesse à cette technique et comptent désormais des élèves de grand talent.
Parmi les artistes qui exposent dans cette cour, Maxone Diao ou E-maam propose différentes techniques. Autodidacte, il utilise la gravure sur bronze et le miroir pour exprimer la spiritualité qui inspire ses œuvres. Mais aussi le henné. «J’utilise plusieurs techniques. Tout dépend de ce que je veux exprimer et de l’inspiration également.»
Au fond de la cour, des installations et des sculptures apportent une nouvelle dimension à l’arrière-cour devenue espace artistique le temps d’une exposition avec la Marocaine, Itaf Benjelloun, et Roughiatou Thiam qui suit le chemin de la poterie pour accéder au monde de la création en passant par la photographie et la sculpture sur savon.
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