Les images de la Cité du Rail sous les eaux sont choquantes. La ville qui a franchi ce samedi la barre des 128 mm de pluie a été inondée avec beaucoup de quartiers devenus infréquentables. A Kawsara Fall, Sampathé, Cité Senghor, Grand Thiès, Aiglon, Takhikao, Keur Mame El Hadji, Médina Fall, Nguinth, Keur Abdoulaye Yakhine…, les populations étaient dans un désarroi terrible à cause des eaux pluviales. Dans ces zones, la colère était à son paroxysme. Ces précipitations ont mis à nu le problème de l’assainissement de la ville aux deux gares.
Dans ces quartiers, les gens, très fatigués, n’ont pas fermé l’œil de la nuit, car ne sachant à quel saint se vouer. Plutôt que de rester dans les chambres à l’abri de l’eau et des intempéries, ils sont là, remuant terre et implorant le ciel pour que prenne fin ce calvaire. Munis de seaux, comme d’autres moyens du bord, ils évacuent les eaux de leurs domiciles et des rues. Même à travers les artères de la ville qui, d’habitude, n’ont jamais été inondées, c’est le sauve-qui-peut. Les automobilistes regardent impuissants leurs véhicules qui sont tombés en panne à cause de ces fortes averses.
Ce n’est pas seulement le triste décor de cette ville : il y a l’effondrement de certaines parties de nombreuses maisons à Kawsara Fall, occasionnant des blessés accidentels. Le trafic, lui, a été complétement paralysé, les commerces et services fermés, les rues infréquentables, plusieurs concessions envahies par les eaux, des pans entiers de mur risquent de s’affaisser à cause de la forte humidité, des maisons désertées par leurs occupants partis à la recherche d’espaces plus viables, des matelas et autres meubles absorbés par les eaux, des dégâts matériels immenses. Impossible pour les digues de fortune de barrer la furie des vagues de pluie. Tel est le triste décor de Thiès après que le ciel a ouvert ses vannes ce samedi, à 10h. Que dire de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Thiès (Cciath) prise dans les eaux ? Le quartier Nguinth reste un cas particulier. Même en saison sèche, il ne s’assèche pas. Et les populations vivent avec cette souffrance depuis dix ans. Quid de Keur Mame El Hadji Ndié­guène, où l’équation des eaux de pluie mélangées à celles des fosses septiques peine à trouver solution par les sinistrés vivant le long du canal qui traverse leur quartier ? Ils mènent certaines actions de désinfestation dans bien des foyers et certains locaux pour s’offrir un petit réconfort.
Aujourd’hui, la hantise des inondations grandit à Thiès qui est la «la 2ème ville du pays après la capitale» où «les autorités municipales, indépendamment de la faillite de l’Etat, devraient avoir une politique d’assainissement conséquente à la dimension du rang de la Cité du Rail. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Elles devraient unir leurs forces face aux inondations et au drainage des eaux». Aussi, selon les populations sinistrées, «l’Etat avait toujours promis d’aider les collectivités de la ville à concrétiser certaines actions de grande envergure», mais regrettent-elles, «aucun acte concret n’a été constaté sur le terrain. Que de promesses non tenues», s’étranglent-elles.
Selon des experts en aménagement, la ville de Thiès, logée dans une cuvette, reste le réceptacle des eaux pluviales qui dévalent des collines du plateau et ruissellent vers la vallée de Fandène. Elles ramassent des matériaux issus du décapage qu’elles déposent dans les zones de dépression. De sorte que le ruissellement entraîne l’accumulation de gravats et de boue qui obstruent les canaux d’évacuation et les grilles avaloirs. Un phénomène qui explique en grande partie les inondations dans certains quartiers de Thiès. A cela s’ajoutent des dysfonctionnements du réseau d’assainissement. «Thiès est une ville coloniale qui a beaucoup de conduites d’eau, beaucoup d’endroits où l’eau passe», rappelle Malick Diallo, enseignant à la retraite. Il pense que la ville a donc besoin «d’un plan directeur d’assainissement pour mettre les populations dans de meilleures conditions». Le constat est valable dans le reste du pays.