C’est le 14 janvier 2007 que disparaissait l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor. Celui qui a incarné, pendant plus de 25 ans, la rébellion sudiste, a laissé derrière lui un mouvement miné par des dissensions internes et des querelles de leadership. 13 ans après, il traverse toujours une crise identitaire.
13 ans après la disparition de son emblématique figure, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) cherche toujours à se ranimer. Que reste-t-il de ce mouvement ? Une entité fragmentée, sans leader et qui s’enlise dans des batailles internes comme le montre l’assassinat crapuleux de Abdou Elinkine Diatta. Grand connaisseur de la question, Nouha Cissé explique : «Il y a aujourd’hui plusieurs pôles qu’on distingue au niveau de ce mouvement, ce qui atteste de la dispersion de son héritage.» Une situation qui s’explique, selon cet observateur de la crise casamançaise, par des querelles de légitimité. «L’abbé est mort sans laisser de successeur ou quelqu’un qui pourrait être identifié comme tel. Cela a donc laissé place à une grande rivalité entre différents responsables», soutient Pr Nouha Cissé. Comme au niveau de l’aile militaire, l’aile politique est gangrenée par une grande querelle de légitimité, qui «fait qu’aujourd’hui il est difficile de se retrouver». Il y a au moins cinq factions sur le terrain militaire. «Et au niveau également de l’aile politique, aussi bien ici en Casamance qu’ailleurs au sein de la diaspora, il y a différents personnes qui se réclament responsables du mouvement», note-t-il. Par conséquent, «le problème est devenu extrêmement compliqué». Quid de l’impact de ce fractionnement du Mfdc sur le processus de paix ? «Aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire qu’il faut négocier avec l’Etat, mais malheureusement avec cette dispersion, il n’y a pas un seul interlocuteur qui puisse parler au nom de l’ensemble du mouvement», souligne-t-il. «Et le problème, ajoute Pr Cissé, c’est la fiabilité de toute négociation en dehors véritablement d’un leader consensuel. Et c’est pour ces raisons que des initiatives intéressantes sont menées et qui vont probablement aboutir sous peu, à défaut de l’unification, aux retrouvailles tout au moins du mouvement pour qu’il y ait un interlocuteur sur la table des négociations. Il y a des lueurs d’espoir, une dynamique unitaire qui est enclenchée aujourd’hui. Et on espère que cette dynamique enclenchée particulièrement au niveau de l’aile militaire pourrait donner des résultats probants», prie-t-il. Selon le médiateur de l’Université de Ziguinchor, il y a à l’intérieur du Mfdc assez de ressorts pour travailler à ces retrouvailles. «Je pense qu’aujourd’hui de bonnes volontés, tant du mouvement qu’en dehors, dans la Société civile et avec des initiatives individuelles, tout est entrepris pour que véritablement ces retrouvailles puissent se faire», déclare-t-il. Rassuré, il voit l’avenir de façon moins angoissée : «Il y a quand même des efforts couronnés par un début des retrouvailles, et c’est ce qui me semble être extrêmement important. Car tout le monde comprend que ce conflit devient harassant.» Il espère que cette période d’accalmie pourrait se concrétiser normalement par des négociations. «Et je crois que c’est dans cette perspective que toutes les initiatives convergent aujourd’hui vers les retrouvailles et on a bon espoir que ce sera concluant. Il a pu y avoir de part et d’autre des reproches à se faire ;… mais le plus important aujourd’hui c’est le sort de notre région qui doit retrouver la paix ; une paix qui vaut plus que des divergences qui ont pu diviser des frères qui étaient ensemble. Et pour ces raisons, moi je reste particulièrement optimiste quant aux possibilités que le processus avance et que les gens digèrent petit à petit tous les petits conflits qui ont eu lieu entre eux mais qu’on peut surmonter», conseille l’ancien proviseur du lycée Djignabo de Ziguinchor.