16 ans aujourd’hui que le «père de la Nation» et père du Ps disparaissait. Mais le Senghor socialiste fait encore l’objet, comme hier avec Niasse, Djibo et autres, d’une dispute autour de son héritage. Ousmane Tanor Dieng, Khalifa Sall et Aïssata Tall Sall brandissent tous les «valeurs» léguées par le Président-poète. Le Quotidien revient sur quelques-unes de leurs phrases les plus récentes.
Entre la direction du Parti socialiste et les frondeurs, c’est aussi la bataille de la paternité de l’héritage de Léopold Sédar Senghor qui se joue. Tanor et ses hommes commémorent aujourd’hui le 16ème anniversaire de la mort du Président-poète. Et pas seulement, puisqu’à travers un colloque, il sera question de «revisiter l’œuvre et la pensée» du prédécesseur de Abdou Diouf, de se recueillir devant la tombe du défunt, etc. Cette fois-ci, en revanche, Khalifa Sall ne pourra pas faire autant comme l’année dernière lorsqu’il a été au cimetière de Bel-Air avec Bamba Fall. Avec cette phrase qui en dit long sur une allusion à l’aile pro-Benno bokk yaakaar. «Quand on hérite de l’héritage de quelqu’un comme Senghor, on ne se débine pas», avait publié le maire de Dakar. Alors, il est vrai que c’est une «tradition bien établie» pour le Ps de se souvenir du premier président de la République, mais il se trouve que cet événement coïncide avec le paroxysme d’une crise qui secoue les Socialistes. Chacun revendique sa part du legs. Sa «Senghorité» politique.
Aïssata Tall Sall : «Si Senghor a quitté l’Ups pour fonder le Bds, c’était pour des valeurs et principes»
En 2016, l’incompatibilité d’humeur entre les deux camps était déjà actée avec la décision du Bureau politique du 5 mars de la même année. Les uns avaient dit «oui» au référendum et à la poursuite du compagnonnage avec Bby, tandis que les autres avaient choisi le «non» et de descendre de la ligne politique du parti. Toujours sur fond d’un héritage revendiqué. Disputé. Lors d’un meeting de la deuxième Coordination Ps de la Médina et de l’Union départementale de Dakar, c’est Aïssata Tall Sall, invitée de cette manifestation, qui avertissait : «Le Parti socialiste a retrouvé son histoire. L’heure de vérité a sonné. On ira à la reconquête du pouvoir parce que c’est notre histoire et le Sénégal a besoin de cela. Comment voulez-vous qu’on vendange cette histoire pour des postes ? Si Senghor a quitté, en 1948, l’Union progressiste sénégalaise (Ups) pour fonder le Bloc démocratique sénégalais (Bds), c’était pour des valeurs et principes, car le père de la Nation ne se retrouvait plus au sein de son ancienne formation politique.» Avait-elle repris le discours de Khalifa Sall, quelques mois plus tôt, lors d’un meeting à Grand Yoff ?
Khalifa Sall : «Nous sommes les vrais héritiers de Senghor qui n’a jamais renié à ses principes ni renoncé à ses ambitions»
Voici ce que le chargé de la Vie politique du Ps disait : «Il n’est pas dans l’esprit de Tanor de vendanger le Parti socialiste. Il n’est pas dans les intentions de Tanor d’hypothéquer le parti non plus.» Naïveté ou subtilité politique ? Une négation… affirmative ! Entre-temps, l’affaire du 5 mars est passée avec des arrestations de responsables pro-Khalifa Sall dont Bamba Fall qui fera quelques mois de prison. La tension monte et surtout à la veille d’élections législatives déterminantes pour les deux camps. Et puis vint la grosse affaire : La gestion de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Khalifa Sall sent l’odeur de la prison et hausse le ton. A Louga en février 2016, il insiste dans L’Observateur : «Nous sommes les vrais héritiers de Senghor qui n’a jamais renié à ses principes ni renoncé à ses ambitions. Nous avons engagé ce combat pour sauvegarder l’héritage du Parti socialiste qui ne doit être à la remorque d’aucune formation politique. Il ne sera pas non plus un parti qui joue les seconds rôles dans une alliance.» Il ne le nomme pas, mais c’est une autre pique contre Tanor.
Tanor : «Senghor nous a légué un esprit d’organisation et
de méthode»
Et le secrétaire général du Ps est convaincu, lui, que les «valeurs» prônées par l’enfant de Joal sont restées intactes. A ceux qui parlaient de «crise», il l’a toujours niée. Lors d’une visite au Musée Léopold Sédar Senghor, lui aussi rappelle sa «Senghorité». «Certains n’arrêtent pas de penser que notre parti a perdu ses valeurs. Ce n’est pas du tout le cas. Ce qui existe au sein de cette formation politique est un débat politique et politicien. On n’y peut rien. Le Ps est attaché aux valeurs de justice, d’égalité et de générosité. Cela ne nous empêche pas de demeurer ce que nous sommes, malgré les vicissitudes et les difficultés du combat que nous menons. Le Président-poète avait un esprit d’organisation et de méthode. C’est l’héritage qu’il a légué à la jeune génération que nous sommes. S’il n’y a pas d’organisation et de méthode dans ce que nous faisons, il y aura beaucoup d’agitations et moins de résultats probants…», avait-il déclaré. Au fond, il ne reste de cet héritage que les querelles intestines qui ont miné ce parti historique. Et dans quelques semaines, l’on pourrait parler de deux Partis socialistes. Une sorte de deux And-jëf qui pourraient atterrir devant les tribunaux.
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