Il était considéré comme le meilleur Président d’Afrique après Thomas Sankara. Les nombreuses infrastructures qu’il avait construites, lui avaient valu le surnom de «Président bulldozer». Le Président tanzanien John Pombe Magufuli est décédé le 17 mars 2021 à l’âge de 61 ans, en pleine crise sanitaire liée au Covid-19. Un grand mystère entoure sa mort. Officiellement, il est mort de complications cardiaques, mais des leaders de l’opposition déclarent qu’il a été terrassé par le coronavirus, une maladie dont il était l’un des plus grands sceptiques en Afrique. Qui était John Pombe Magufuli ?
John Pombe Magufuli, élu président de la Tanzanie en 2015, était docteur en chimie. Il occupa des fonctions ministérielles avant d’être porté à la magistrature suprême. Sous sa Présidence, la Tanzanie obtint une moyenne de taux de croissance de 6%. Il était décomplexé et s’exprimait en langue nationale, le swahili. Il se voulait plus autoritaire et avait déployé un trésor d’énergie pour mettre son pays sur les rampes de l’émergence économique. John Pombe Magufuli était pragmatique et s’opposait farouchement au gaspillage et à la corruption. Il ne tolérait pas l’absentéisme, l’impéritie, le laxisme et la gabegie dans la Fonction publique. Il licenciait publiquement les fonctionnaires reconnus coupables de corruption ou peu performants. Il passa au peigne fin la masse salariale et supprima les emplois fictifs.
John Pombe Magufuli excellait dans la pédagogie par l’exemple. Il n’était pas un Président faroteur qui distribuait de l’argent à tour de bras. Pour donner l’exemple d’une gestion parcimonieuse des deniers publics, il avait divisé son salaire par quatre, le réduisant de 15 000 à 4000 dollars/mois. Durant tout son règne, il n’a effectué aucun voyage hors d’Afrique. Pour préserver l’argent du contribuable, il avait interdit les voyages à l’étranger pour les fonctionnaires. Tout voyage de première classe des membres du gouvernement était banni. Pour lui, c’était aux ambassadeurs de discuter avec des collaborateurs à l’étranger. Pour tout voyage à l’international, le ministre devait appeler l’ambassadeur pour le représenter. En cas d’extrême nécessité, il devait avoir une autorisation officielle pour voyager à l’étranger.
John Pombe Magufuli avait aussi refusé de célébrer la fête de l’indépendance. L’argent de la fête de l’indépendance avait été utilisé pour la construction de routes, afin de diminuer les embouteillages. Le «Président bulldozer», comme les Tanzaniens le surnommèrent, avait également réduit le nombre des ministères et le train de vie de l’Etat. Les dépenses des fêtes politiques étaient réduites pour acheter du matériel et des équipements pour les hôpitaux. Les primes pour les membres du gouvernement étaient supprimées et les rencontres se faisaient dans les salles de réunion et non dans de luxueux hôtels. Cette rationalisation des dépenses publiques avait permis au Président John Pombe Magufuli d’économiser des millions de dollars.
En bon leader, le Président John Pombe Magufuli descendait dans la rue pour un nettoyage public et toute la population se joignait à lui pour suivre son exemple. Mais ce leadership n’était pas sans une certaine dose d’autoritarisme. Magufuli était tellement ambitieux, déterminé et autoritaire, qu’il avait ébréché l’espace démocratique de la Tanzanie. Il avait fermé des stations radio, arrêté un rappeur très célèbre, expulsé la représentante du Pnud en Tanzanie… Malgré ces dérives autoritaires, le «Président bulldozer» a été réélu en octobre 2020, avec 84% des voix. Non obnubilé par le pouvoir, il s’était engagé à quitter ses fonctions de président de la République après son second mandat.
Comme le dit l’adage, tout excès est nuisible. Le chauvinisme et l’excès de zèle avaient fini par induire en erreur le «Président bulldozer» dans la lutte contre le coronavirus. John Pombe Magufuli s’était montré sceptique à l’égard du coronavirus et n’avait pas pris les bonnes mesures contre cette maladie. En fervent chrétien, il avait appelé à des prières et à une thérapie à vapeur infusée de plantes pour contrer le virus. Les prières et la fumigation étaient-elles suffisantes pour riposter efficacement au coronavirus ? L’histoire nous a appris que les religions transnationales n’ont jamais été d’efficaces stimulants idéologiques pour les leaders africains. John Pombe Magufuli apprendra à ses dépens que le coronavirus est plus puissant que le charlatanisme et les incantations. Face à une grave crise sanitaire comme celle du Covid-19, seule la riposte scientifique est efficace. La prière n’est ni un détergent, ni un antibiotique, encore moins un vaccin. Les mesures de prophylaxie édictées par l’homme de science, sont plus sécurisantes que les psalmodies recommandées par les religieux.
En pleine pandémie du coronavirus, le Président tanzanien John Pombe Magufuli meurt le 17 mars 2021, dans des circonstances non encore élucidées. Est-il mort de coronavirus ou des suites de complications cardiaques ? Mystère et boule de gomme !
Tout ce qu’on sait c’est que, après la mort du vice-président de l’archipel de Zanzibar, Seif Sharif Hamad, atteint du Covid-19, Magufuli avait dû reconnaître à mots couverts la présence du virus sur le territoire tanzanien ! En poussant le bouchon un peu loin dans son chauvinisme en pleine crise sanitaire, Magufuli avait mis son Peuple en danger de mort. La gestion catastrophique de la crise du coronavirus est une tache noire dans le reluisant bilan du règne de John Pombe Magufuli.
Magufuli nous a au moins appris qu’un Président doit être un bon leader, un probe, un charismatique, un clairvoyant, un économe et un bâtisseur. Il nous a aussi appris que face à une crise sanitaire de dimension mondiale, le leader doit agir en responsable et éviter de verser dans la démagogie, le populisme et le charlatanisme.
Mamaye NIANG
mamayebinet@yahoo.fr