Quelle est la genèse de la déclassification de la bande des filaos de Guédiawaye ? El Hadji Bocar Ly, conseiller municipal de 2014 à 2019 au niveau de la commune de Golf Sud, et les 380 conseillers des cinq communes de la ville avaient décidé de soumettre au chef de l’Etat, un projet sur le littoral avec la déclassification de cette bande pour permettre à la population non seulement d’avoir des infrastructures et édifices publics, mais aussi d’acquérir des parcelles à usage d’habitation. Dans cet entretien, il fait le point sur cette affaire qui passionne le pays. Cette initiative a abouti au Plan d’urgence de détails (Pud) né à la suite d’un décret pris le 4 juin 2021 pour déclassifier la bande des filaos.

M. Ly, comment est né ce projet de la déclassification de bande du littoral de Guédiawaye ?
En réalité, lorsque nous étions élus en 2014 comme conseillers au niveau de la commune de Golf Sud, nous avons trouvé que le littoral avait plein de filaos, mais on avait constaté des constructions illégales sur la bande. Et durant notre mandat, on avait mis en place un projet de plusieurs édifices publics pour la population du département de Guédiawaye.

Et c’est ainsi que nous avons décidé, lors d’une assemblée à la mairie ville de Guédiawaye entre conseillers, de soulever le problème. Et nous avons demandé à tous les représentants des 5 communes de travailler sur ce projet. Pour que tous les représentants des communes présentent un projet sur le littoral.
Quelque temps après, nous nous sommes réunis avec nos différents projets en main. Et c’est ainsi que nous avons délégué à Mme Aïda Sow Diawara (mairesse de Golf Sud à l’époque) pour présenter au maire (de Gué­diawaye) Aliou Sall le projet commun. Mieux, pour réaliser ce projet qui nous tenait à cœur, nous avons demandé au chef de l’Etat la déclassification de la bande des filaos.
A l’époque, malheureusement, Aliou Sall avait rejeté cette demande avant de nous tenir ces propos : «Je ne vais pas défendre ce projet, parce les gens diront que je suis le frère du Président, vu que déjà on m’accuse sur le pétrole.»
Nous avons décidé de lancer une pétition au niveau des 5 communes (de Guédiawaye). Entretemps, grande fut notre surprise, au moment de cette pétition dans les quartiers, d’apprendre qu’une partie de la bande vient d’être octroyée aux magistrats. Nous avons accéléré le travail avant de donner la pétition à Mme Aïda Sow Diawara pour lui dire de la remettre au maire Aliou Sall.

Et cette pétition a été signée par tous les conseillers pour le déclassement de la bande des filaos. Et Aliou Sall nous a dit : «Je vais la soumettre au service compétent.» En plus de cela, il nous a dit aussi clairement : «Mettez-vous dans la tête, si toutefois cette bande est déclassifiée, cela ne veut pas dire que vous allez vous partager des terrains, car vous n’avez pas droit à ça.» Nous avons accepté en lui disant que l’essentiel est que nos projets soient réalisés. Car nous savons que la durée de vie des filaos avait atteint ses limites. Et du temps de Me Abdoulaye Wade, il a été mis en œuvre la Vdn 3 qui mène vers Tivaouane Peulh. Mieux, il avait coupé une partie de la bande 7 ha pour la remettre à quelqu’un afin de le dédommager. Et juste après la réalisation de cette route de la Vdn 3, l’insécurité s’est implantée, des agressions et meurtres ont été souvent enregistrés.

Ainsi le chef de l’Etat Macky Sall a répondu favorablement à votre demande par un décret pris le 4 juin 2021 ?
Effectivement ! Le Président Macky Sall a décidé de déclassifier la bande avec le décret 2021-701 approuvant et rendant exécutoire le Plan d’urbanisme de détails (Pud) de la zone nord de Guédiawaye et déclassant la zone couverte par le Pud de la zone de Gué­diawaye d’une superficie de 150, 58 ha. Aujourd’hui, plusieurs infrastructures sont en construction. Même le dépôt du Brt se situe sur la bande. Et c’était un travail bien fait par nos services et ceux de l’Etat qui ont travaillé sur le projet durant des mois, voire une année. 43, 92% de la superficie totale du Pud sont réservés à l’habitat, 21, 01% de la superficie totale du Pud sont réservés aux voiries et réseaux divers, et 35% de la superficie totale du Pud aux équipements.

Au-delà des magistrats, est-ce qu’il y avait d’autres bénéficiaires sur la bande bien avant le décret ?
Bien sûr ! Il y a la célèbre Cité Pierre Goudiaby Atepa créée vers les années 87, si ma mémoire est bonne. Elle se trouve sur la plage Malibu. C’est la première à occuper la bande des filaos. Des années plus tard sont nées la Cité Douane, Cité Hamo 3, Cité Enseignants Shs, Cité Adama Diop Barry et Ly, cités Hamo 4-5-6, Cité Air Afrique, Cité Trésor, Cité Sentenac et Cité Gadaye. Toutes ces cités étaient sur la bande du littoral. Si on n’avait pas coupé cette bande, aujourd’hui est-ce que tous ces propriétaires de maison auraient une habitation ? Pourquoi aujourd’hui personne ne parle de ces classifications ? Parce que qu’ils ont tous les yeux braqués sur la bande des filaos qui est notre patrimoine. Main­tenant le projet qui doit être accompagné est l’implantation de nouvelle génération d’arbres filaos sur la plage. Et ce projet-là, la zone de Malika l’a déjà commencé. Il reste aux autres communes à travailler sur ça.

Et ceux qui contestent l’annulation du décret et du projet Pud ?
C’est leur droit le plus absolu, c’est normal parce que ce sont des activistes. Ils veulent tous des terrains ici. Ce qui n’est pas possible. Il y a même des gens qui n’habitent même pas la localité qui passe toute une journée à crier sur tous les toits comme si c’est à eux qu’on a confié le littoral. Nous savons ceux qui sont derrière eux ? Mais, je leur demande d’aller voir et relire les textes. C’est tellement élémentaire : un décret qui est sorti et qui n’a pas été attaqué durant 3 mois, c’est fini. Et ils le savent, parce que c’est publié dans le Journal officiel. Le décret des magistrats a été publié dans le Journal officiel en 2018. Beaucoup de citoyens ici à Guédiawaye, la majeure partie, ont eu à bénéficier de ces parcelles. C’est pour cela qu’il n’y pas beaucoup de contestations, avec ces mouvements dont la majeure partie n’a même pas de récépissé. Pour les conseillers, c’est le chef de l’Etat qui a décidé de leur donner des parcelles. Alors qu’on ne s’y attendait même pas. Nous étions beaucoup plus intéressés pour la réalisation de nos projets et nous avons réussi la mission. Et avant de combattre pour un environnement, cherches-toi d’abord une habitation.
Par Abdou Latif MANSARAY