1er décembre 1944 à Thiaroye dans la banlieue dakaroise au Sénégal : massacre de centaines de Tirailleurs «sénégalais» par l’Armée française

La célébration du 80ème anniversaire des massacres de Thiaroye coïncide avec l’essor d’un vent qualifié de souverainisme et panafricanisme en Afrique francophone en général, en Afrique de l’Ouest en particulier. Cet élan est en général porté par la jeunesse. Les enjeux de cette célébration ne peuvent être pleinement compris qu’à la lumière du contexte actuel. Sauf indication contraire, tous les éléments factuels sont tirés des écrits de l’historienne Armelle Mabon, maîtresse de conférences à l’Université de Bretagne Sudi.
Qui sont ces «Tirailleurs sénégalais» et leur itinéraire ?
Pour commencer, comme beaucoup le savent, ces dits Tirailleurs sénégalais proviennent en réalité de différents pays d’Afrique dite noire faisant partie de l’empire colonial français en Afrique occidentale et en Afrique équatoriale. Une grande partie d’entre eux fut enrôlée de force.
En transit au Camp de Thiaroye en novembre 1944 pour rentrer chez eux, ces tirailleurs furent faits prisonniers dès 1940 par l’Allemagne durant la débâcle de l’Armée française. Comme l’Allemagne ne voulut pas les interner chez elle pour éviter une «contamination raciale», ils furent transférés en France dans des «Frontstalags». Ces derniers sont des camps de prisonniers du Reich en dehors du territoire allemand. Cependant, l’encadrement est allemand, de même les règles ou les procédures en vigueur dans les mêmes camps en Allemagne, comme le système de travail obligatoire dans les «Arbeitkommandos», y furent appliquées. Ainsi, des tâches ou plutôt des corvées leur furent assignées. En contrepartie des travaux forcés, de maigres rémunérations leur furent versées dans des livrets d’épargne gérés par les «Frontstalags».
Paradoxalement, ce faisant en dehors des camps pour les corvées, ces tirailleurs purent rentrer en contact avec les populations qui transfèrent sur eux la compassion ou la sympathie envers les prisonniers français métropolitains inaccessibles. Via un système de marrainage ou de parrainage, de nombreux tirailleurs furent «adoptés» par des familles françaises. Ces liens donnèrent parfois naissance à des couples dits mixtes et par ricochet à des enfants dits métis. Plusieurs évasions eurent lieu. Leurs auteurs en général arrivèrent à rejoindre la résistance et/ou furent protégés par les populations locales à leurs risques et périls. Ce fut de facto une forme de «fraternisationii» entre deux populations qu’un océan de préjugés et de stéréotypes, créé et entretenu par l’idéologie et la propagande coloniales, pouvaient séparer, voire opposer.
Au cours de la Guerre 1939-1945, la gestion des «Frontstalags» allait changer quand l’Armée allemande fut à cours de ressources humaines, surtout dans le front Est où elle fut bousculée après la défaite de Stalingrad en hiver 1942, en ex-Urss. Ce fut pourquoi elle retira les soldats allemands affectés à la surveillance des «Frontstalags». Ce fut à partir de ce moment-là que la surveillance des prisonniers tirailleurs fut sous-traitée à l’Armée française de la zone dite libre. Ce changement ne put que contribuer au pourrissement supplémentaire du climat dans les «Frontstalags» entre les prisonniers et leurs nouveaux surveillants qui furent des «ex-collègues» ou «ex-camarades», bien qu’étant sous la bannière du régime collaborationniste de Vichy sous la direction du Maréchal Pétain. Ce surcroît de tension fut un facteur d’accélération du rapatriement des tirailleurs dès que possible.
Un autre facteur ayant contribué à la précipitation des rapatriements-démolitions des tirailleurs fut le dénommé «blanchiment» ou «blanchissement» des troupes.
Dans le courant de 1944, devant l’imminence de l’effondrement ou de la capitulation de l’Allemagne nazie estimée en termes de mois, la libération des villes sans être une formalité put être envisagée sans les tirailleurs, mais aussi en général sans toutes les troupes de type présumé non-aryen comme les Juifs, les Arméniens, les Tziganes, etc. Le cas le plus emblématique du «blanchiment» s’opéra avec la libération de Paris en août 1944. En accord avec l’état-major des «Alliés», le Général De Gaulle décréta que «Paris devait être libéré par des soldats uniquement Blancs iii». Tous les soldats non-aryens de la Division Leclerc furent parqués près d’Orléans dont Frantz Fanoniv, martiniquais et futur théoricien de la lutte d’indépendance et de la lutte des peuples du Tiers-Monde en général, entre autres, avec son livre-culte «Les damnés de la terre». Il fallait à tout prix occulter et invisibiliser l’apport des entités racisées ou colonisées dans la défaite du nazisme. S’y serait peut-être aussi ajouté une volonté d’éviter une «fraternisation» avec les populations urbaines et/ou «une contamination raciale» comme l’assuma crûment le Reich.
Ce n’est pas l’objet de cet article, mais le questionnement sur le caractère véritablement antifasciste de la Seconde Guerre mondiale mériterait d’être posé, si on isole l’entreprise d’extermination des Juifs, des Tziganes, des Lgbt, etc. N’est-ce pas que l’essence du fascisme ou du nazisme est la remise en cause de l’unité du genre humain dans son ensemble, en érigeant une hiérarchie sur la base de critères présumés raciaux, ethniques, culturels, etc. ? Comment pourrait-on décerner un label d’antifascisme ou d’antinazisme à des Etats perpétuant durant la guerre, la politique d’apartheid pratiquée dans leurs colonies et/ou dans leur pays à l’image des Usa, chef de file du «monde libre civilisé et démocratique», où la ségrégation perdura officiellement jusque dans les années 1960. Qui pourrait mieux caractériser cet apparent paradoxe que Aimé Césaire dans «Discours sur le colonialisme» : «Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches de Hitler et de l’hitlérisme, et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle, qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, que Hitler l’habite, que Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique […].»
Après quatre ans de captivité, les tirailleurs emprisonnés allaient être rapatriés en Afrique en novembre 1944. Ce rapatriement s’intégra dans le cadre d’un processus plus vaste de démobilisation, plus connu sous le nom de «blanchiment» des tirailleurs jusqu’alors en activité.
Le rapatriement des tirailleurs
En prélude au rapatriement, les tirailleurs de différents «Frontstalags» étaient regroupés à Morlaix en provenance de différents endroits de France : Granville, Rennes, Pontivy, Coëtquidan, La Flèche, Versailles, avec un effectif total de 1950 hommes environ. Au moment du départ de Morlaix pour Dakar le 5 novembre, 315 tirailleurs refusèrent d’embarquer à bord du bateau britannique «Circassia», car ils exigèrent le règlement de l’intégralité de leur solde de captivité durant quatre années. Ces derniers seront transférés à Loudéac-Trévé dans les Côtes d’Armor. En fin de compte, l’effectif des tirailleurs à bord s’éleva à 1615 personnes environ. Ce nombre sera important par la suite. Des débarquements de tirailleurs évoqués ultérieurement dans une escale à Casablanca au Maroc ne furent pas avérés.
Bien que cela fût devinable sous un cadre colonial discriminatoire, il est important de noter que le taux de la solde de captivité des tirailleurs d’Afrique dite noire fut inférieur à celui perçu par leurs «homologues français» et peut-être même à ceux d’Afrique du Nord. En effet, les tirailleurs avaient droit, en plus de leur solde de captivité, à une solde de traversée, une indemnité de combat de 500 francs, une prime de démobilisation et une prime de maintien sous les drapeaux, après la durée légale, équivalente à la prime de rengagement.
Face aux revendications relatives au paiement des différents droits, au moins pour les soldes de captivité car l’indemnité de traversée ne pouvant être versée avant l’arrivée, les autorités françaises décidèrent du versement seulement du quart en France et les trois-quarts restants à Dakar, soi-disant pour éviter des vols durant le voyage.
Le massacre et ses causes
Dès leur débarquement à Dakar le 21 novembre 1944, les 1615 tirailleurs exigèrent le versement de tous leurs dus restants. Les autorités militaires coloniales refusèrent de leur verser leur argent, estimant dans leur mentalité coloniale raciste que les montants déjà perçus furent déjà excessifs pour des «nègres».
Par ailleurs, l’administration coloniale proféra aux tirailleurs des accusations immondes de vol, de pillage, de dépouillage ou de détroussage de leurs collègues morts au regard du montant cumulé de leurs salaires de travaux forcés retirés de livrets d’épargne où ils furent placés. En outre, les autorités coloniales tentèrent d’escroquer les tirailleurs en voulant imposer un taux de change moitié moindre au détriment des tirailleurs entre le franc de la métropole et le franc des colonies.
Devant la détermination et la fermeté affichées par les tirailleurs, la hiérarchie militaire coloniale débita à l’endroit des tirailleurs d’odieuses calomnies sous différents angles :
En remettant en cause l’état réel de leurs services, en les soupçonnant d’avoir passé leur temps à courir après les femmes blanches sous prétexte que certains sont mariés ou pères d’enfants en France ;
En les suspectant d’être contaminés par «le virus communiste» ;
En les accusant d’une intelligence avec l’ennemi allemand au motif que certains d’entre eux parlèrent plus ou moins bien l’allemand. Le Général Dagnan, Commandant de la Division Sénégal-Mauritanie, l’affirma d’une manière on ne peut plus claire : «Il ne fait aucun doute qu’à la base, il y a une influence allemande qui s’est exercée pendant les quatre années de captivité. (…) La répartition dans l’ensemble de nos territoires africains de cet afflux d’éléments animés vis-à-vis de la Mère Patrie de sentiments plus que douteux, déterminera très vite un grave malaise parmi nos populations jusqu’alors parfaitement loyales et fidèles. (…) Ils formeront très vite le noyau agissant de tous les groupements hostiles à la souveraineté française.v»
Ce que ne purent comprendre les officiers de la coloniale, c’est la dialectique de l’histoire qui fit que la France, en enrôlant de milliers de tirailleurs dans sa guerre au sein même de sa métropole, engendra les germes qui allaient féconder et secouer son empire colonial. En métropole, les tirailleurs observèrent les failles, les contradictions de la société qui leur fut maquillée jusqu’alors supérieure, voire parfaite par la propagande coloniale. La débâcle militaire française en 1940 détruisit définitivement dans leurs têtes le mythe de l’invincibilité ou l’invulnérabilité de la puissance coloniale. Comme leurs aînés de la Guerre 1914-1918, ils croisèrent dans les rues ou les routes de France, des handicapés physiques ou mentaux de type leucoderme. L’aliénation, le conditionnement sous le colonialisme matraquant le mythe d’un être Blanc sans «défauts», ni «aspérités» imposèrent au régime colonial le rapatriement à la métropole de tout colon blanc n’étant plus dans la «norme supérieure» quant à leurs apparences physiques ou à leurs présumées capacités intellectuelles.
Les tirailleurs revinrent avec une conscience de leur dignité humaine qui devrait être respectée et protégée contre toute atteinte à ce qu’ils estimèrent être leurs droits.
Face à ce qu’ils considérèrent comme une spoliation consistant en une escroquerie dans le taux de change pour leur épargne, mais aussi en non-paiement de leurs droits tels que la solde de captivité, les tirailleurs restèrent fermes et déterminés dans leurs revendications. Cinq cents tirailleurs devant rentrer au Mali refusaient de partir sans avoir reçu l’intégralité de leurs droits. Le 28 novembre 1944, c’est la même détermination qui fut opposée au Général Dagnan venu au Camp de Thiaroye pour les «ramener à la raison». Contre son refus de satisfaire leurs demandes, les tirailleurs bloquaient sa voiture dont le passage ne fut possible que contre la promesse de réétudier d’une manière plus attentive leurs revendications. Ce furent les derniers échanges «pacifiques» entre les tirailleurs et les autorités coloniales.
L’issue de cette journée du 28 novembre 1944 marqua un tournant se traduisant par la décision de la hiérarchie militaire de réduire par les armes la détermination des tirailleurs.
Le 1er décembre 1944 à l’aube, le Camp de Thiaroye fut encerclé par un char américain, deux half-tracks, trois automitrailleuses, deux bataillons d’infanterie, un peloton de sous-officiers et hommes de troupes français, trois compagnies indigènes. La troupe ouvrait le feu sur les tirailleurs appelés en rassemblementvi. Ce fut un véritable carnage, les survivants se comptaient parmi ceux qui s’étaient couchés ou ceux qui ne furent pas touchés dans leurs baraquements.
Ce que confirma un ancien tirailleur Hadj Doudou Diallo en 1994 à l’antenne de Rfi : «Les tirailleurs ne faisaient pas de menaces, ils n’étaient pas incorrects. Ils étaient fermes, décidés. Mais patriotes. Nous avons demandé tout simplement ce que nos camarades français ont reçu. Alors, le Général nous dit : «Restez calmes, nous allons nous occuper de la situation. Dans deux ou trois jours, la question sera réglée.» Nous lui avons fait confiance. Deux ou trois jours après, nous avons vu les soldats encercler le Camp de Thiaroye. Et ce qui s’est fait s’est faitvii…»
Mensonges, Manipulations, falsifications sur le quoi, pourquoi, le bilan d’un crime d’Etat ?
Jusqu’au discours du Président français François Hollande en 2012 au Sénégal qui parle d’une répression sanglante, les «évènements de Thiaroye viii» sont officiellement présentés comme une mutinerie ou une rébellion arméeix. C’est ce que corrobore un rapport du Général Dagnan : «Ma conviction était formelle : tout le détachement était en état de rébellion. Il était nécessaire de rétablir la discipline et l’obéissance par d’autres moyens que les discours et la persuasion.» Cette version est confirmée par un autre rapport transmis au même Général Dagnan : «Je préviens les mutins, une fois encore, que je vais faire usage de mes armes. Ils me rient au nez, m’insultent, se montrent de plus en plus menaçants. Je fais tirer une salve en l’air : débordement d’insultes. Des coups de feu semblent venir des baraques de la face sud. (…) Je fais sonner le «garde à vous» et préviens une dernière fois les mutins d’évacuer les baraques ou je fais ouvrir le feu. Les mutins bravent tout, ricanent. (…) Je fais sonner l’ouverture du feu. (…) Il a duré 10 à 15 secondes. (…) Tout est rentré tragiquement dans l’ordre.»
Mais la thèse d’une mutinerie, pour qu’elle aspire à un minimum de cohérence, dut imposer un scénario réécrivant l’histoire, malmenant des faits avérés, inventant d’autres faits n’ayant existé que dans l’imagination des auteurs des rapports ou des procès-verbaux relatifs au 1er décembre 1944. Les autorités militaires mirent en branle un arsenal de manipulations, de mensonges, de falsifications pour :
accréditer la thèse de la rébellion armée en déniant toute légitimité aux revendications des tirailleurs ;
construire «les preuves matérielles» des préparatifs de cette présumée rébellion ; simuler un «déroulé cohérent de la mutinerie et de l’opération de maintien de l’ordre y répondant» ;
fabriquer un bilan à la mesure «d’une opération de maintien de l’ordre maîtrisée» ;
pour organiser un simulacre de procès : car toute mutinerie est présumée avoir des meneurs qui devront être jugés !
Le Général Dagnan fut couvert par sa hiérarchie au Sénégal qui fut couverte par le gouvernement provisoire de De Gaulle. Il en fut ainsi durant toute la Quatrième République et la Cinquième République jusqu’à aujourd’hui avec le Président Emmanuel Macron. Une certaine plaidoirie ayant visé à mettre la responsabilité des «évènements de Thiaroye» sur le dos de vichystes ou pétainistes bien présents est complètement inconsistante.
Les tentatives de délégitimation de la résistance des tirailleurs
Le refus du paiement des soldes de captivité est difficilement défendable au niveau de l’opinion, mais aussi au niveau des sphères étatiques et surtout au niveau de l’Armée. Pour essayer d’ôter toute base crédible aux revendications des tirailleurs et leur ténacité à les défendre, il fallait, après les tueries, produire des circulaires a posteriori attestant que leurs droits ont été réglés. Et ainsi, «ils furent mus» par d’autres motivations téléguidées par «l’ennemi allemand» et/ou comme le résultat de «l’influence communiste subie».
«Ainsi, la circulaire n°6350 du 4 décembre 1944 émanant du ministère de la Guerre (direction des Troupes coloniales) fait part d’une modification pour le paiement des soldes de captivité confirmant un télégramme du 16 novembre 1944.»x :
«Elles seront payées [intégralement] avant le départ de la métropole.» En note de bas de page, il est indiqué : «Cette mesure a déjà été appliquée au détachement parti de France le 5 novembre xi.»
Pourtant, «une lettre datée du 24 novembre 1945 d’un sergent rapatrié à sa marraine de guerre nous apprend qu’il n’a toujours pas perçu le rappel de solde, alors que son retour est postérieur à décembre 1944xii».
L’historienne Armelle Mabon résuma les machinations de l’Etat français ainsi : «C’est le gouvernement provisoire après le massacre de Thiaroye qui a fait croire que ces hommes avaient perçu tout leur dû, via une circulaire officielle émanant de la Direction des troupes coloniales, estampillée «ministère de la Guerre». L’objectif était de montrer que les revendications des tirailleurs étaient illégitimes afin de valider la thèse construite de la mutinerie et de la rébellion arméexiii.»
Et le Général André Bach, ancien responsable des archives militaires du Fort de Vincennes, abonda dans le même sens : «C’est du roman. La version présentée dans les archives ne tient pas la route ! Il n’y avait aucune raison de tirer sur des gens qui, contrairement à ce qu’on a dit, n’étaient pas armés. Un camouflage est donc immédiatement mis en place. A partir du moment où une autorité très élevée dit : «on va couvrir», c’est là que commencent les mensonges.»xiv
«Les preuves matérielles des préparatifs des mutins»
Une mutinerie présuppose un arsenal, une structure de liaison ou de coordination, un plan d’attaque. Or, rien de tel ne fut étayé. Tout au plus, un arsenal relevant de la «petite quincaillerie» fut exhibé. Qui plus est, l’arsenal imputé aux présumés mutins n’est pas le même dans l’acte d’accusation des dits meneurs et dans le rapport du Général Dagnan : «Acte d’accusation : 75 baïonnettes, 12 revolvers, 1 mousqueton, 2 grenades, cartouches. [Rapport du] Général Dagnan : 1 poignée de pistolets de mitraillette, un chargeur, un mousqueton, 4 pistolets automatiques, deux grenades, une centaine de baïonnettes allemandes, poignards, cartouches, etc.»
«Le scénario de la mutinerie et de sa répression»
Comme dans les étapes précédentes, le scénario mal ficelé de la prétendue mutinerie est un fil continu de contradictions et d’incohérences :
La chronologie des présumés échanges de tirs diffère selon les rapports ou selon les individus. Ces tirs débutèrent, selon les versions, entre 8h 45 et 9h 30, avec des provenances différentes.
Or, «le chef d’escadron Lemasson, qui était sur le [bateau] Circassia avec les ex-prisonniers de guerre, dans son rapport du 1er décembre 1944, est encore plus explicite, car il indique qu’à 6h 45, il a été prévenu que la force armée intervenait pour réduire les rebelles xv» ;
Aucun procès-verbal, aucun rapport ne fit mention de douilles ramassées attestant de tirs en provenance des tirailleurs ;
Le seul blessé parmi la troupe ayant attaqué le camp des tirailleurs est un «indigène» blessé dont la balle extraite de la main ne pouvait pas provenir, d’après une expertise balistique, des mousquetons en tant qu’armes imputées aux tirailleurs ;
Les 110 «indigènes» de la troupe de répression des tirailleurs présumés arrivés sans munitions à 9h 20 ne pouvaient pas matériellement recevoir les cartouches en 10 minutes pour commencer à «riposter» ;
Etc.
Armelle Mabon, la chercheuse ayant le plus travaillé sur le sujet pour faire éclater la vérité, est arrivée à la conclusion suivante : «L’Armée parle de légitime défense. Or, au moins un rapport d’un officier montre un cheminement tout à fait inverse. En fait, l’ordre a été donné aux militaires de quitter l’endroit où ils étaient au petit matin du premier décembre pour se déplacer et laisser la place aux automitrailleuses afin que les forces armées puissent intervenir pour réduire les rebelles. L’ordre avait été donné la veille au soir, non pas de faire une opération de maintien de l’ordre, mais d’encercler la caserne et de tirerxvi.»
Une conclusion partagée par le Général André Bach, spécialiste des archives militaires : «C’est bien un tir à tuer qui est donné, alors qu’il n’y avait aucune raison pour le faire. Fatalement, dans un cas pareil, il y a bien un ordre qui a été donné. Il a bien fallu que pendant la nuit qui précède, des ordres soient donnés. Il fallait récupérer un bataillon de nuit, ouvrir les armureries, récupérer les armes… On peut penser, vu ce qui s’est passé, qu’on a dû expliquer aux cadres militaires l’issue prévisible : leur expliquer que ça allait se terminer par des tirs sur des hommes désarmésxvii.»
Maniang FALL
matar@pt.lu
Synthèse sur le massacre de Thiaroye (Sénégal 1er décembre 1944) par Armelle Mabon.
https://www.politis.fr/articles/2020/07/thiaroye-1944-lhistoire-falsifiee-des-combattants-africains-42115/
https://afriquexxi.info/Le-Tata-les-tirailleurs-et-les-tests-ADN-bidon
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/12/01/il-faut-arreter-avec-le-mensonge-d-etat-sur-le-massacre-de-thiaroye_5041556_3212.html
https://www.youtube.com/watch?v=miKeSS3U—Y
https://www.liberation.fr/planete/2012/12/25/senegal-le-camp-de-thiaroye-part-d-ombre-de-notre-histoire_869928/#mailmunch-pop-1146266
ii Cela montrerait qu’en présence d’organisations vraiment internationalistes à rebours de tout chauvinisme pro-colonial ou pro-impérialiste, il y avait des bases pour construire des ponts entre les peuples colonisés et les classes exploitées non pas rétablir la 3ème république bourgeoise, mais pour le renversement du capitalisme en métropole coloniale et la libération des peuples colonisés avec comme préalable la reconnaissance du droit inconditionnel à l’autodétermination des nations colonisées jusqu’à la séparation complète par la reconnaissance d’une indépendance politique.
iii https://www.youtube.com/watch?v=FAljz81M5zs
http://tirailleursafricains.blogspot.com/2009_05_01_archive.html
https://tirailleursafricains.blogspot.com/2009/05/paris-liberation-made-whites-only.html
iv http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2013/01/09/26115214.html
v https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632
vi https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
vii https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632
viii Cela rappelle les «évènements d’Algérie 1961» pour désigner la guerre coloniale menée par l’Etat français en Algérie en 1954-1962, les «évènements du 17 octobre 1961» à Paris pour nommer une manifestation du Front de Libération Nationale (Fnl) où plusieurs centaines d’Algériens furent tués. Décidément, le mot «évènement» est l’euphémisme préféré de l’Etat français pour refouler son passé criminel.
ix https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
x https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
xi https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
xii https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
xiii https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632
xiv https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632
xv https://www.xalimasn.com/synthese-sur-le-massacre-de-thiaroye-senegal-1er-decembre-1944-par-armelle-mabon/
xvi https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632
xvii https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-enquete/1944-massacre-de-thiaroye-le-grand-camouflage-5022632