La polémique autour des 200 milliards supposés avoir été recouvrés dans le cadre de la traque des biens mal acquis enfle. Et seule une commission d’enquête parlementaire pourrait la dégonfler. Mais il serait difficile de compter sur la majorité Bby pour mettre la lumière sur cette affaire soulevée par Mimi Touré. La 13ème Législature va-t-elle commencé la rupture avec la 12ème qui n’en a enregistré aucune ?
200 milliards recouvrés dans le cadre de la traque des biens mal acquis. C’est cette sortie bruyante de Mimi Touré qui agite le landerneau politique. «Faux», rétorque l’opposition. Prudence, nuance et parfois silence du côté du pouvoir qui, à vrai dire, semble gêné par cette sortie de l’ancienne Première ministre. Et les précisions du président de l’Assemblée nationale en disent long sur cet embarras du régime qui, d’ailleurs, n’a pas souhaité confirmer ou infirmer une «camarade» au risque de donner du grain à moudre à ses adversaires. On peut négliger le titre actuel (Envoyée spéciale du chef de l’Etat) de Mimi Touré, mais en tant qu’ancienne ministre de la Justice chargée de cette traque et ancienne Première ministre bien au fait de ce gros dossier judiciaire et surmédiatisé, il y a un devoir et un impératif de mettre la lumière sur les biens acquis dans ces biens mal acquis. Et alors, les condamnations de députés comme Ousmane Sonko – qui estime que Mimi est «habituée à ce genre de sorties» – ou encore de Abdoulaye Baldé – qui réclame de la traçabilité de ces fonds – ne sont pas pertinentes. La lumière ne jaillira que par une commission d’enquête parlementaire. Et pourquoi pas de leur propre initiative lorsque d’autres, comme Babacar Gaye, qui ne sont pas élus, soulèvent le débat. Et ce ne serait pas une première.
Aucune commission d’enquête sous la 12ème Législature
Par le passé, l’on a eu à convoquer des personnalités publiques mises en cause dans des dossiers sensibles pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Mais surtout, il s’agit là d’une des missions des députés qui doivent contrôler l’action de l’Exécutif. Celui-là même qui avait lancé la traque. On pourrait rétorquer que ces convocations à l’Assemblée nationale n’ont que rarement prospérer. Mais au moins, le Règlement intérieur le prévoit. Et Dieu sait qu’il y en a eu sous d’autres Législatures.
En revanche, la 12ème n’a enregistré aucune commission d’enquête parlementaire, tout comme d’ailleurs les propositions de lois ont été rares. Rien que l’affaire Pétro-Tim et ses développements devait atterrir à l’Assemblée nationale. Encore que l’audition de l’ancien directeur du Port Cheikh Kanté dans l’affaire Necotrans a été vite étouffée.
La tentative de Moustapha Diakhaté sur le livre du colonel Ndaw
Pourtant, Moustapha Diakhaté, alors président du groupe parlementaire Bby, avait invoqué l’article 44 de cette loi organique pour l’audition de hauts responsables suite au brûlot du colonel Abdoulaye Aziz Ndaw. Diakhaté avait écrit dans un communiqué : «En application de l’article 44 de notre Règlement intérieur, j’ai sollicité l’audition sans délais par la Commission de la défense des personnalités ci-dessous : Monsieur Abdoulaye Wade, ancien président de la République du Sénégal, Monsieur Bécaye Diop, ancien ministre des Forces armées, général Abdoulaye Fall, ancien Haut commandant de la Gendarmerie nationale, colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, ancien Haut commandant en second de la Gendarmerie nationale et de toute autre personne susceptible d’édifier la Représentation nationale sur les allégations contenues dans l’ouvrage Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise, paru aux éditions L’Harmattan.» Mais bien sûr, il n’y a pas eu de suite.
Contes et mécomptes de l’Anoci de Latif Coulibaly
L’on se rappelle un autre brûlot, Contes et mécomptes de l’Anoci de Abdou Latif Coulibaly, qui avait scandalisé tout un Peuple au point de faire l’objet d’une attention particulière de la 11ème Législature. Un député de la Cap21, membre de la majorité présidentielle, Mamadou Bamba Ndiaye en l’occurrence, avait demandé que «lumière soit faite sur la gestion de l’Anoci, dans un cadre indépendant et crédible, pourquoi pas une commission parlementaire d’enquête comme en 2003». L’affaire des 200 milliards a sans doute besoin de ce «cadre indépendant et crédible» au-delà des dénégations.
Audition de Karim Wade sur les licences téléphoniques
Si ce n’est une commission d’enquête proprement dite, il devrait y avoir tout au moins des auditions, comme celle de Karim Wade lui-même devant le Sénat en 2010. Le fils de l’ancien Président avait d’ailleurs invité le journaliste Abdou Latif Coulibaly et le secrétaire général du Parti socialiste, à passer devant la Commission ad hoc d’information sur l’attribution des 2e et 3e licences de téléphonie mobile.
Et on en oublie encore. Doudou Wade rappelle d’autres affaires qui ont fait l’objet d’enquêtes parlementaires.
Khalifa Sall et le riz destiné aux sinistrés
«Lorsque notre collègue Khalifa Sall (10ème Législature) avait demandé une enquête sur la distribution des secours aux sinistrés du monde rural, la majorité l’avait accompagné en mettant en place une commission d’enquête parlementaire. Aminata Tall gérait la question au niveau du gouvernement. C’était un problème sur la distribution du riz, des secours aux sinistrés ruraux. L’achat du riz avait posé problème et la commission d’enquête parlementaire a été mise en place», rappelle Doudou Wade.
Latif Coulibaly et Iba Guèye
L’ancien président du groupe parlementaire du Pds cite également Abdou Latif Coulibaly : «Il avait dit que Iba Guèye, ministre de la Jeunesse et des sports, avait détourné 400 millions de francs Cfa. L’enquête parlementaire avait prouvé que c’était totalement faux. Ces 400 millions ont été reçus par le ministre Ousmane Paye qui en avait fait la répartition et l’argent provenait de la vente de télé Sénégal à la Sonatel. Cet argent a été enregistré au niveau des recettes exceptionnelles de la Loi de finances rectificative.»
Réparation de l’avion présidentiel
M. Wade revient également sur l’affaire de la réparation de l’avion présidentiel en France dans les premières années de l’alternance de 2000 lorsque l’opposition avait réclamé une enquête parlementaire. «Les opposants avaient exagéré sur les coûts en disant que l’avion n’avait pas été réparé et les moteurs n’avaient pas été changés. La commission d’enquête parlementaire était allée sur place pour établir que toutes les réparations ont été faites jusqu’à constater que des moteurs ont même été ramenés à Dakar. Dans cette affaire, on est allé plus loin. Le rapport de la commission d’enquête n’est pas publiable, mais Babacar Gaye qui était le président de la commission chargé de l’avion présidentiel avait demandé à la plénière de rendre public le rapport. Nous l’avons fait le soir même. L’opposition avait même reconnu que les choses s’étaient bien passées», souligne-t-il.
Dédommagement de la famille de Me Babacar Sèye
Il y a eu aussi une enquête parlementaire dans le cadre du dédommagement de la famille de Me Babacar Sèye alors que l’opposition d’alors avait avancé des «montants extraordinaires». Au total, relève Doudou Wade, «toutes les commissions, demandées par l’opposition au moment où (il) étai(t) président du groupe de la majorité, ont été acceptées».
bgdiop@lequotidien.sn
hamath@lequotidien.sn