L’initiative du gouvernement de consacrer 30 milliards aux tenues scolaires n’est pas largement appréciée. Après certains syndicats et membres de la société civile, c’est un député qui est monté au créneau pour s’interroger sur sa pertinence. Cheikh Bamba Dièye a adressé une question écrite à Mamadou Talla, dans laquelle il demande, entre autres, comment le gouvernement compte pérenniser cette mesure.Par Dieynaba KANE
– La polémique suite à la décision du gouvernement de consacrer 10 milliards de francs Cfa, chaque année et durant trois ans, aux tenues scolaires est loin de s’estomper. Après certains syndicats de l’enseignement et la Cosydep, c’est autour du député Cheikh Bamba Dièye de s’interroger sur la pertinence et l’opportunité d’une telle mesure. D’ailleurs, le député a même adressé une question écrite au ministre de l’Education nationale. Dans son document, M. Dièye précise qu’il ne doute pas «des avantages liés à l’uniforme scolaire par rapport aux problèmes relatifs à l’équité sociale». Par contre, souligne-t-il dans sa lettre : «Nous doutons de l’opportunité d’une telle mesure dans un contexte où les impacts du Covid-19 nous convient au renforcement de la résilience du système éducatif en termes de mise à niveau des écoles par l’amélioration de la qualité des infrastructures et des équipements, mais aussi de la sécurité et de la salubrité de nos écoles.»
Le député Cheikh Bamba Dièye rappelle aussi que «l’école sénégalaise fait face depuis de nombreuses années à des déficits structurels dont les impacts sur la qualité de l’enseignement sont les véritables défis qu’il convient de relever en priorité». Devant cette situation que traverse le système éducatif de notre pays, le député trouve qu’une «telle initiative manque de pertinence». Et M. Dièye d’énumérer les problèmes de l’école : «Elle manque de pertinence dans un environnement où les abris provisoires font encore légion, dans un système où un grand nombre d’écoles manque d’eau et ne dispose pas de clôture et de toilettes fonctionnelles, et dans un contexte où les déficits en tables-bancs, enseignants et manuels deviennent criards.»
Au-delà de sa pertinence, M. Dièye estime que cette mesure soulève un certain nombre de questions. Ainsi, dans son document adressé à Mamadou Talla, il s’interroge sur «les sources et les modalités de mobilisation de ce financement». De même, il se demande «comment l’Etat du Sénégal compte-t-il pérenniser cette initiative ? Qui va supporter la dépense pour les élèves à venir ?» Autres questions posées par M. Dièye, c’est de savoir que «si c’est l’Etat, comment fera-t-il avec le nombre croissant d’élèves d’une année à l’autre ? Est-ce une charge à imputer aux collectivités territoriales ? Est-ce qu’une concertation a été engagée avec les parents et les acteurs ?». Cheikh Bamba Dièye souhaite ainsi que le ministre de l’Education nationale apporte des réponses à toutes ces questions que tous les «concitoyens se posent».
Depuis l’annonce de cette mesure par le gouvernement, certains acteurs du système éducatif n’ont cessé de rappeler les priorités les plus pressantes de l’école. Des critiques qui ne semblent pas ébranlées la tutelle. Répondant à celles-ci, le ministre de l’Education nationale avait fait savoir que les gens peuvent ne pas être d’accord, «mais cette directive du président de la République répond à un besoin d’équité sociale et elle sera mise en œuvre». Pour Mamadou Talla, «c’est une analyse extrêmement courte quand on regarde ce qui se passe déjà au Sénégal». Et le ministre d’expliquer : «La tenue existe déjà. Et au niveau pédagogique, il y a beaucoup de points positifs par rapport à elle.»
La présidente du Haut conseil du dialogue social (Hcds) disait, quant à elle, ne pas comprendre la polémique autour de cette mesure. Innocence Ntap Ndiaye avait même répondu à ceux qui désignent les abris provisoires, les déficits d’infrastructures comme prioritaires par rapport aux tenues scolaires. A ce propos elle assure : «Ces questions sont déjà prises en charge dans le budget du ministère de l’Education nationale. Il y a un plan de résorption des abris provisoires. Tout est prioritaire dans nos pays. Il y a des arbitrages à faire, mais qui tiennent en compte tous les pans de la société.»
Du côté des syndicalistes également, les positions ne sont pas unanimes. Certains saluent cette mesure tandis que d’autres la jugent inopportune. Il faut juste espérer que les réponses qui seront données par le ministre de l’Education nationale dissipent les inquiétudes des acteurs.
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