Samedi 2 septembre 2017, lors de son sermon à l’occasion de l’Aïd el kabîr, l’imam ratib de la grande mosquée Moussanté, Tafsir Babacar Ndiour, s’était interrogé sur «l’utilité de certains ministères dont le Renouveau urbain, le Cadre de vie, les Infrastruc­tures, l’Assainissement». Il s’était en effet posé la question de savoir «si la ville de Thiès ne relevait-elle pas de leur domaine de compétences». Le Quotidien est allé rendre visite aux Thiessois qui, faute d’assainissement, vivent au quotidien le calvaire des inondations dès les premières gouttes de pluie.

«Les populations de la ville de Thiès vivent terriblement, à l’approche de chaque hivernage, la hantise des inondations. Parce que les premières gouttes d’eaux pluviales mettent toujours à nu les limites des opérations pré-hivernales, dictant leurs lois en semant le désarroi dans plusieurs quartiers de Thiès qui risquent, aux prochaines pluies, d’être engloutis dans l’immensité des déluges, avec des inondations qui, toujours, submergent une bonne partie de la commune. La mairie de ville et les trois communes Est, Nord et Ouest s’étaient engagés à mutualiser leurs efforts pour mettre en place des programmes de lutte contre ces inondations. Ils n’ont jamais joué leur partition.» L’avis est des sinistrés de Nguinth Horticole, tout comme les techniciens de l’Etat et les experts qui sont fréquents sur le terrain pour «aider ces collectivités à concrétiser certaines actions de grandes envergures». Malheu­reusement, aucun acte concret et palpable n’a été constaté sur le terrain. «Que de promesses non tenues», s’étranglent les populations. En effet, la Cité du Rail fait face aux difficultés liées aux pluies. Le trafic est paralysé, certains services fonctionnent au ralenti, des rues et certains quartiers inondables infréquentables, plusieurs concessions envahies par les eaux, nombre d’habitants plongés dans le désarroi et qui déplorent être abusés par les autorités compétentes. Tel est le triste décor constaté à Thiès dès que le ciel a ouvert ses vannes. Une ville qui revit la hantise des inondations, où les sinistrés s’offusquent de «l’incapacité des autorités, surtout locales, de tenir leurs promesses d’unir leurs forces face aux inondations et au drainage des eaux». Logée dans une cuvette, Thiès reste le réceptacle des eaux pluviales qui dévalent des collines du plateau et ruissellent vers la vallée de Fandène. Ces eaux charrient des matériaux issus du décapage qu’elles déposent dans les zones de dépression. De sorte que le ruissellement entraîne l’accumulation de gravats et de boue qui obstruent les canaux d’évacuation et les grilles avaloirs. Un phénomène qui explique, en grande partie, les inondations dans certains quartiers. A cela s’ajoutent des dysfonctionnements du réseau d’assainissement tant décriés par l’imam Babacar Ndiour lors de son sermon à l’occasion de la Tabaski. L’hivernage est donc synonyme de désagréments dans la ville de Thiès. Partout, les populations sont secouées par le désarroi infligé par la loi des eaux pluviales. Dans certaines zones sous les eaux, comme les quartiers Nguinth, Madina Fall, Keur Ablaye Yakhine, Sampathé, Tokholithe, le village de Thiès-None, la désolation est à son paroxysme, surtout du côté des jeunes et des femmes qui, à chaque occasion, spontanément, se livrent à des mouvements d’humeur pour dénoncer les «lenteurs dans les actes que posent les autorités compétentes par rapport aux opérations hivernales à mener».

Où est l’Etat ?
Dans la Cité du Rail, les populations, après chaque pluie diluvienne, sont très fatiguées. Elles vivent l’enfer. Les «vagues pluviales» entraînent le sauve-qui-peut. Les automobilistes sont là, impuissants, avec sous les yeux des véhicules tombés en panne dans les eaux. Les couvertures en zinc de bien des maisons s’envolent sous l’effet des vents violents. Des maisons s’effondrent. «L’indifférence des autorités locales» est décriée par des sinistrés hébergés par des parents, des proches, des voisins. Leurs maisons étant délaissées à la portée des eaux. Impossible pour les digues de fortune de barrer les eaux. A ce problème s’ajoute l’équation des eaux de pluie mélangées à celles des fosses septiques qui continuent de hanter les populations situées le long du canal de Keur Mame El Hadj Ndiéguène. Des riverains, entourés de leurs enfants qui n’ont que leurs yeux pour pleurer, sans aucun soutien des autorités locales, mais avec les moyens du bord, cherchent leurs propres produits pour mener certaines actions de désinfestation dans certains locaux. Elles évoquent «la responsabilité des collectivités locales, principalement celle la mairie de la ville». Et le sentiment le mieux partagé dans les quartiers étant que «dans une grande ville comme Thiès, la 2ème du pays après la capitale, Dakar, les autorités municipales, indépendamment de la faillite de l’Etat dans le domaine de l’assainissement, devraient avoir une politique d’assainissement conséquente à la dimension du rang de la Cité du Rail. Malheureusement, tel n’est pas le cas». Abdoulaye Sow, conseiller départemental à Thiès, s’indigne : «Préparer l’hivernage pour amoindrir les inondations, voire les catastrophes, les équipes municipales doivent en faire une priorité.» Pape Amadou Sall, ex-conseiller municipal à la commune Thiès-Nord, se veut catégorique : «Au lieu d’attendre que l’hivernage s’installe, il faut en amont faire en sorte de déblayer les parties à problèmes, désensabler, également opérer des remblaiements là où stagnent les eaux au niveau des quartiers. Il faut faire des travaux de grande envergure dans le domaine du curage des caniveaux, plutôt que de se livrer, de façon superficielle, à des opérations de façade.»

La colère des Thiessois
En tout état de cause, nombreux sont les Thiessois qui mettent «l’Etat face à ses responsabilités, mais principalement les autorités locales, notamment le maire de la ville, Talla Sylla, pour des efforts conséquents par rapport à la situation». Ce qui malheureusement est loin d’être le cas pour le moment. Conscientes du fait que «la synergie entre la Ville et les trois communes Est, Nord et Ouest pour éviter les désagréments liés au ruissellement ou à la stagnation des eaux pluviales requiert des actions concertées», les autorités municipales s’étaient engagées à mutualiser leurs forces. Ainsi, sur la base d’un état des lieux dûment constaté dans différents endroits de la ville par les services techniques, des «solutions sont préconisées» autour de travaux de curage et de réhabilitation des caniveaux et dalots de la ville. Mais les collectivités locales ne sont-elles pas confrontées à des contraintes financières et logistiques pour faire face à elles seules aux inondations. L’Etat, encore sollicité pour la réalisation de gros ouvrages de canalisation et d’adduction, s’était engagé à curer le réseau de drainage des eaux en vue de solutionner durablement le problème des inondations à Thiès. Où en est ce projet ? Où en est-on avec son programme visant la construction de 200 logements sociaux à Thiès, destinés au relogement des sinistrés ? Le gouvernement du Sénégal, avec la Banque islamique du développement (Bid), a mis en place un projet d’atténuation des effets induits par les inondations. Un projet qui consiste à construire 700 logements dont les 200 seront bâtis à Thiès. Un recensement a été fait au quartier Nguinth qui concerne principalement 200 familles qui seront relogées après la construction de ces 200 logements. Aujourd’hui, Thiès se désole du fait que même une seule brique n’a été posée pour démarrer les travaux. Aussi, cherche-t-elle à savoir où en est-on avec le dossier concernant la réalisation d’ouvrages de drainage des eaux pluviales, au niveau duquel il est dans le quartier Nguinth, dans la commune Nord où se trouvent les plus grandes difficultés, la réalisation de canaux de drainage sur 1,6 km et de canaux secondaires. Qu’attendent les autorités compétentes pour doter Thiès d’un plan directeur d’assainissement et mettre les populations dans de meilleures conditions ? Pourquoi la mairie de ville et les trois communes qui s’étaient engagées à mutualiser leurs efforts à travers certaines actions de grande envergure pour mettre en place des programmes de lutte contre les inondations ne veulent toujours pas, selon les sinistrées, «jouer leur partition comme convenu» face aux énormes pertes et incommodités causées par la puissance dévastatrice des eaux de pluie ?
Aujourd’hui, la remarque des populations est que dans différents endroits de la cité, les travaux de curage et de réhabilitation des caniveaux et dalots de la ville, du réseau de drainage des eaux en vue de solutionner durablement le problème des inondations à Thiès, particulièrement au niveau du canal et de l’exécutoire de Keur Mame El Hadji, n’étaient que chimère. Tous les programmes pré-hivernaux (curage des canaux et caniveaux) pour améliorer le cadre et les conditions de vie des populations semblent s’être soldés par l’échec dès les premières précipitations.