C’est aujourd’hui  que le monde artistique va célébrer le plasticien Kalidou Kassé pour avoir réussi la prouesse de totaliser quarante ans  de bons et loyaux services au profit de l’art sénégalais. Du serment échangé avec son père à la visite du défunt milliardaire El Hadji Ndiouga Kébé, le Pinceau du Sahel remonte le temps et égrène 40 années d’une vie dédiée à l’art.

Pour devenir artiste, Kalidou Kassé a dû faire un pari avec son père qui voulait qu’il embrasse une autre carrière. 40 ans après, celui que l’on surnomme le Pinceau du Sahel peut être sûr d’avoir fait un pari gagnant car 40 ans de carrière, ça se fête. Et l’artiste-plasticien Kalidou Kassé a mis les petits plats dans les grands pour célébrer comme il se doit ces 40 années dédiées à l’art plastique. L’événement se déroule au Musées des civilisations noires du 27 novembre au 28 décembre prochain  avec comme point d’orgue l’exposition de 50 œuvres sorties du génie créateur de l’artiste. Intitulé «Guiss guiss bou bess»,  l’exposition donne «la nouvelle vision que l’artiste-plasticien veut qu’elle soit : globale, individuelle et collective pour refaire le monde, redire le monde». «Mon père voulait que je sois un agent des chemins de fer. Je ne voulais pas. Je lui ai dit que je voulais pratiquer l’art et que j’allais réussir. Je lui en avais fait le serment», se souvient Kalidou Kassé qui regrette l’absence de son père qui n’est plus de ce monde. Cela l’aurait rendu fier de le voir à ses côtés durant  la célébration des 40 ans de sa carrière. Il éprouve le même sentiment à l’égard  de sa mère qui l’aurait beaucoup influencé dans son choix d’embrasser une carrière  dans l’art. Il était très charmé par la dextérité de ses  mains versée dans  l‘art de sortir des boubous de son imagination fertile. «Ma mère était couturière, elle cousait des boubous, des draps de lit sans recourir à une machine à coudre», souligne celui qui avait une certaine affinité avec ses parents.  «C’étaient mes amis. J’avais de la compassion pour ma mère qui vivait dans une grande famille de polygame», se souvient Kalidou Kassé qui s’employait pour lui venir en aide dans les tâches qu’elle avait l’habitude de faire à la maison. Kalidou Kassé n’hésitait pas à se rendre  au marché pour lui acheter ce dont elle avait besoin pour faire la cuisine.

L’histoire du pari
Premier Sénégalais à ouvrir une galerie d’art au Point E, Kalidou Kassé a réussi à se forger un look singulier avec son béret sur la tête. «Au début, j’ai porté un torpédo. Mais ça ne me convenait pas, j’ai pris un béret», indique l’artiste qui dit avoir été influencé par son défunt père qui s’affichait avec ce look. «J’ai été influencé par mon père qui portait un  béret qui était très élégant. Il y a très longtemps. Parce qu’il était dans son atelier aux chemins de fer en train de travailler et portant son béret. La position m’a tellement plu  que j’ai décidé de porter un béret. C’est comme ça que c’est venu», se remémore M. Kassé qui reste attaché au  béret noir qui, de loin, reste sa couleur de préférence. «On m’offre beaucoup de bérets rouge, jaune, vert, blanc. Mais  je me sens très bien avec ce béret», note l’artiste-plasticien qui dit  avoir fait entre 300 et 400 expositions dans le monde. Ce petit fils de Salah Kassé a partagé avec sa mère la maison familiale à la Médina durant son enfance.
Comme beaucoup d’artistes, Kalidou Kassé a subi l‘impact de la pandémie du Covid-19 qui a bouleversé son calendrier. L’homme au béret devait exposer à la galerie Picasso du Caire, en Egypte. Contraint d’annuler ce voyage à cause d’un contexte sanitaire assez particulier qui a imposé la fermeture des frontières, l’artiste-plasticien a participé à l’effort de guerre lancé par le gouvernement pour venir en aide aux impactés de la pandémie.

La visite de Ndiouga Kébé
En regardant dans le rétroviseur, Kalidou Kassé se remémore encore la visite que le Président-poète, Léopold Sédar Senghor, avait rendu à la Manufacture des arts décoratifs de Thiès (Msad) où il a eu à faire sa formation d’artiste quelques années plus tard. Faisant remonter la machine du temps, Kalidou Kassé se souvient avoir escorté le Président-poète sur les lieux.  «J’étais jeune. J’avais 7 ans et je faisais partie des élèves qui avaient formé une haie pour accueillir le Président Senghor. J’étais près du caïlcédrat. Je suis retourné là-bas la semaine dernière et j’ai retrou­vé le même caïlcédrat», indique Kalidou Kassé.  «ça m’a projeté 40 ans en arrière», a soutenu l’artiste-plasticien avec une voix étreinte par l’émotion. Continuant à ouvrir les pages de l’album de ses souvenirs, il s’arrête sur celle où est relatée la visite de  l’homme d’affaires sénégalais, feu  El Hadji Ndiouga Kébé, toujours à la Manufacture des arts décoratifs de Thiès. «El Hadji Ndiouga Kébé avait acheté les tapisseries et toute la collection de la salle d’exposition. Ce ne sont pas des choses qu’on voit tous les jours», raconte avec enthousiaste l’artiste-plasticien qui se réjouit d’avoir réussi grâce à l’argent gagné à travers l’art et à réinvestir une  partie dans la création d’une école de formation en art dénommée Atelier du Sahel. Cette école, qui encadre les jeunes dans l’écriture, s’emploie aussi à former des groupements de femmes dans l’artisanat à l’image de ce qui se fait en Tunisie et au Maroc. Mais cette école est utilisée comme un instrument pour aider les jeunes en décrochage scolaire à réussir leur réinsertion socioprofessionnelle.