Les médias contribuent à appuyer certains stéréotypes liés aux violences faites aux femmes, selon la psychologue-clinicienne Khaïra Thiam. Une situation qui favorise la peur de la dénonciation, d’après elle.

La «stigmatisation», le «sensationnel» figurent parmi les «lacunes et faiblesses» dans le traitement par la presse des violences faites aux femmes. En effet, la «banalisation est réelle, beaucoup de légitimation dans l’approche médiatique». Une attitude qui génère la peur de la dénonciation chez les personnes victimes et fait beaucoup plus de mal à ces victimes. C’est l’analyse de la psychologue-clinicienne Khaïra Thiam, mais aussi d’autres panélistes qui ont animé jeudi une conférence sur le thème «Le contenu médiatique sur les violences basées sur le genre (Vbg) et discriminations faites aux femmes et filles : rôles et responsabilités des professionnels-le-s des médias». C’est à l’initiative du Projet d’appui à la stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Pasneg), en collaboration avec l’Ecole supérieure de journalisme, des métiers de l’internet et de la communication (E-jicom), qui a abrité le panel dans le cadre des 16 jours de mobilisation contre les violences basées sur le genre.
Relativement au thème, la psychologue-clinicienne Khaïra Thiam estime qu’il y a deux aspects à prendre en compte dans ce débat. «Les médias amplifient positivement tout ce qui se fait sur l’avancée des droits liés aux femmes et aux enfants. Et de l’autre côté aussi, ils contribuent à appuyer certains stéréotypes aussi bien dans la direction éditoriale, les choix des personnes, la manière de traiter l’information elle-même», étudie-t-elle. Une lecture qui est corroborée par une femme de média, Mariam Selly Kane, journaliste à la Rts. Selon elle, «au Sénégal et un peu en Afrique, les femmes sont malmenées dans les médias en termes de contenus, mais aussi de représentativité. Quand on parle des femmes, on va dans le sensationnel, la recherche du buzz».
En fait, le problème est dans la formation des journalistes, surtout chez les animateurs qui se nourrissent de ces faits divers et qui manquent de culture. C’est l’avis du secrétaire général du Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), Bamba Kassé. «C’est important que les journalistes travaillent davantage à solliciter les uns et les autres, à faire des recherches sur ces sujets-là, à développer pour eux-mêmes une pensée différente sur ces questions et à proposer une information qui soit un peu neutralisée aussi des pensifs culturels, sociaux, religieux etc. qui ne contribuent pas à une meilleure prise en charge de ces problématiques-là», ajoute la psychologue Khaïra Thiam.
De janvier à septembre 2020, 1 446 cas de violences basées sur le genre ont été recensés dans les centres de prise en charge des justiciables, appelés les boutiques de droit au Sénégal. Il s’agit de violences sous toutes les formes, c’est-à-dire physiques, sexuelles, économiques, psychologiques et conjugales. C’est la coordinatrice des boutiques de droit, Nafissatou Seck, qui le dit. Et d’après elle, «les formes les plus récurrentes aujourd’hui sont les violences économiques, suivies de celles physiques et sexuelles. Les violences économiques, c’est tout ce qui a trait au défaut d’entretien. Comme on le sait au Sénégal, l’homme est le chef de la famille. Et à ce titre, il lui revient de subvenir aux charges du ménage : la dépense quotidienne, les frais scolaires et médicaux de la famille. Mais très souvent, ce n’est pas le cas. Et c’est une violence que vivent beaucoup de femmes au Sénégal».