Moins de trois mois se seront écoulés entre la libération de Soumaïla Cissé et son décès, survenu le 25 décembre, à Paris, où il était hospitalisé. Selon l’un de ses proches, joint par Jeune Afrique, il avait contracté le coronavirus et son état s’était dégradé au point qu’il avait dû être transporté en France il y a une dizaine de jours. Il avait 71 ans.
Sa libération, annoncée le 8 octobre, avait soulevé une vague d’espoir parmi ses partisans et les militants de son parti, l’Union pour la République et la démocratie (Urd). Personnage emblématique de la scène politique malienne, Soumaïla Cissé était aussi, avant son enlèvement et avant qu’un coup d’Etat ne chasse Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) du pouvoir en août dernier, la principale figure de l’opposition.
Il avait été kidnappé le 25 mars alors qu’il battait campagne pour les élections législatives prévues quatre jours plus tard dans son fief de Niafounké, dans la région de Tombouctou. L’enlèvement, en plein jour, d’une personnalité politique de premier plan était devenu le symbole de l’impuissance de l’Etat face aux violences jihadistes et l’exigence de sa libération avait été l’un des mots d’ordre de la contestation qui, de mai à juillet, a fait trembler le régime de IBK.
Soumaïla Cissé n’avait pas encore formellement exprimé son intention de se relancer en politique. Il n’avait pas non plus dit s’il comptait partir à l’assaut de la Présidence, mais certains de ses partisans le voyaient déjà à Koulouba à l’issue des dix-huit mois que doit durer la transition dirigée par Bah N’Daw. Le 27 décembre, l’Urd devait se réunir en congrès pour définir sa position vis-à-vis de la gestion de la transition et discuter des prochaines échéances électorales. A l’issue des dernières Législatives, le parti avait remporté 19 sièges, avant la dissolution de l’Assemblée nationale par IBK le jour du putsch.
«Républicain»
Avec le décès de Soumaïla Cissé, c’est une figure de la classe politique malienne qui disparaît. «Soumaïla Cissé s’en va à un tournant critique de notre évolution en tant que Nation, a réagi Bah N’Daw dans un communiqué diffusé vendredi. Nul doute qu’en ce moment le pays avait encore particulièrement besoin de son expérience et de sa sagesse pour relever les défis de l’heure». «Je témoigne du leadership et de la remarquable contribution de Soumaïla Cissé à la préservation du cadre républicain ainsi que des acquis démocratiques, fruits de la lutte pluri-décennale des forces politiques et de la société civile du Mali», a pour sa part déclaré Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères, qui fut également le directeur de campagne de Cissé en 2018. L’ancien Premier ministre Moussa Mara a pour sa part souligné que «Soumaïla a consacré les 40 dernières années de sa vie aux Maliens, à notre pays et à notre région ouest africaine. Partout où il a servi, il a laissé le souvenir d’un homme compétent et affable».
Ingénieur-informaticien de formation, Soumaïla Cissé avait commencé par militer au sein de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma-Pasj), dès sa création en 1991, avant de lancer son propre parti au début des années 2000. Technocrate aux compétences reconnues, il avait à plusieurs reprises été ministre des Finances, entre 1993 et 2000.
En 2002, il s’est lancé dans sa première course à la Présidentielle face à Amadou Toumani Touré (ATT, lui-même décédé début novembre). Battu, il s’éloignera de l’arène politique pour diriger la commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) de 2004 à 2011.
De nouveau candidat en 2013, il est défait dans les urnes au second tour face à IBK et reconnaît rapidement sa défaite. En 2018 en revanche, alors que les résultats officiels le donnent une nouvelle fois perdant face à IBK, il les conteste et dénonce des fraudes. Tout au long de la Présidence de IBK, il n’aura d’ailleurs de cesse de critiquer la mauvaise gouvernance et l’incapacité de l’Etat à enrayer la crise sécuritaire.
Jeuneafrique