Manif pour le départ d’un marabout : 14 blessés à Diohine

A la suite de leur Assemblée générale du 17 avril dernier, les populations de Diohine ont battu le macadam hier pour exiger encore le départ de leur village du marabout Serigne Bara Sène avec qui la cohabitation est devenue quasiment impossible. Mais ce qui à l’origine devait être une marche pacifique s’est transformé en une intifada au cours de laquelle 39 jeunes ont été interpellés puis libérés dans la soirée d’hier et 14 blessés enregistrés des deux côtés.Par Dioumacor NDONG (Correspondant)
– Lieu de ralliement d’une population en colère, la mythique place publique de Diohine, communément appelée «soob ka» (les tamariniers en sérère), a encore refusé du monde en cette matinée ensoleillée de ce dimanche 2 mai 2021. Personnes du troisième âge, adultes, jeunes et moins jeunes s’y sont donné rendez-vous pour les besoins d’une marche pacifique de protestation contre le jeune marabout Serigne Bara Sène dont le départ du village est exigé depuis quelque temps par les habitants de ce patelin de la commune de Diarrère, département de Fatick, et avec qui la cohabitation semble devenue impossible. La présence massive des éléments de la gendarmerie, venus encadrer cette marche autorisée par le sous-préfet de Tattaguine, et les slogans hostiles au marabout et distillés çà et là par certains jeunes en disent long sur l’état d’esprit des uns et des autres. Les jeunes, dans leur écrasante majorité, arborent fièrement des t-shirts de couleur noire sur lesquels on peut lire les messages comme «Diohine debout pour une cohésion sociale» ou «Notre unité plus forte que nos différences». Des slogans hostiles du genre «Diohine dit non à un insulteur public», «Diohine dit non à l’achat des consciences» figurent également sur des pancartes. En plus de deux grosses banderoles blanches déployées et où, sur chacune, est écrit en rouge «Diohine restera debout. Que sévissent les plus hautes autorités ou Diohine sévira sans délai». Quelques instants avant le démarrage de la marche, l’imam du village, Cheikh Wane, Pierre Faye, représentant de la paroisse, le saltigué Bouré Silmang Marone, entre autres, se sont succédé au micro pour appeler au calme, mais aussi prier en faveur de la paix et pour que la marche se déroule sans anicroches. Aux environs de 11h 30 mn, le cortège des marcheurs s’ébranle vers la sortie nord du village où se trouve justement la maison du marabout Serigne Bara Sène, dans le quartier de Poulandère. Au regard de l’itinéraire convenu avec les Forces de l’ordre, la marche devait se terminer très loin de la maison du marabout, plus précisément au niveau du fromager appelé «Owali» et situé plus à l’est du village. Seulement, certains jeunes n’étaient pas prêts à respecter cet itinéraire. C’est ainsi que, décidés à mettre à sac la maison de Serigne Bara Sène pour l’obliger à quitter le village, ils ont passé outre les injonctions de la gendarmerie et continué leur chemin. Et arrivés à une centaine de mètres de la maison du marabout, ils tombent sur un cordon de gendarmes armés jusqu’aux dents. Subitement, ces jeunes ouvrent les hostilités en attaquant les Forces de l’ordre, qui les attendaient de pied ferme, avec des jets de pierres, aidés en cela par la route latéritique. Mais la réplique des gendarmes ne s’est pas fait attendre. Sur ordre du commandant de la Compagnie de Fatick, le capitaine Youssouph Sané qui dirigeait les opérations, les hommes en bleu ont riposté vigoureusement à coups de grenades lacrymogènes pour repousser les manifestants dont certains, en se dispersant dans les champs alentours, ont cherché à tromper la vigilance des gendarmes pour arriver à la maison du marabout, en vain. Durant ce face-à-face qui a duré quelque 2 tours d’horloge entre manifestants et gendarmes, 39 jeunes ont été interpellés avant d’être acheminés en fin d’après-midi à la Brigade de gendarmerie de Fatick. Ils ont été libérés dans la soirée. Selon la Croix Rouge locale, il y a eu également 14 blessés dont 6 gendarmes et 8 manifestants parmi lesquels deux ont été évacués dans les structures sanitaires de la localité. Si la maison de Serigne Bara Sène a été sauvée par la gendarmerie de la furie des jeunes manifestants, cela n’a pas été le cas pour son daara situé à environ 1 km de là, le long de la route latéritique qui mène vers Toucar. Ici, les trois cases qu’occupaient certains talibés ont été tout simplement réduites en cendres tandis qu’une partie du bâtiment en chantier a été démolie.
Dans leur déclaration lue par Guy Martial Diagne à la fin de la marche, les populations de Diohine, qui n’ont pas manqué une fois de plus de dénoncer les «agissements» de ce fils de Serigne Cheikh Ndigal Sène, déclarent «impossible et donc non envisageable une solution de cohabitation avec Serigne Bara Sène». Par ailleurs, ces protestataires ont condamné avec fermeté le «silence plus qu’assourdissant des autorités politiques de la zone» qui, selon eux, préfèrent courber l’échine dans l’optique de tirer un gain politique d’une collaboration future avec «l’insulteur public».
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