Il n’y a pas un seul jour qui passe ces derniers jours sans que radios et télévisions ne relatent convulsion et mouvement d’humeur de travailleurs et ouvriers dans les usines de fabrication de carreaux céramiques Twyford group au Sénégal.
Ce groupe, osons honnêtement le dire, ne peut être que le bienvenu au Sénégal ; il y a créé des centaines d’emplois, transformé les carrières et granulats du sol et sous-sol du bassin de Diass en produits et matériaux de décoration pour maisons et édifices, il a relevé le plateau technique et logistique grâce à des unités d’assemblage dernier cri.
Le Sénégal, avec ce groupe, valide une stratégie qui s’est enclenchée depuis longtemps, à savoir présenter notre pays comme une destination de choix pour l’investissement direct étranger. Nos pouvoirs publics, surtout les deux derniers régimes, y ont travaillé avec des batteries de réformes pour un environnement des affaires attrayant, et souvent des facilités exorbitantes ont été concédées pour positionner notre pays auprès des multinationales et aujourd’hui avec le pétrole et le gaz, notre pays a des raisons d’espérer. Le benchmark ou le miracle mauricien est-il transposable dans notre pays ? Le futur des usines comme Twyford group et d’autres investisseurs dans zone industrielle de Diamniadio nous le dira.
L’output des usines de ce groupe est plus qu’essentiel pour notre pays. En effet, l’importation des matériaux pour le secteur du Btp représente pas moins de 800 milliards de F Cfa par année ; à part le ciment, le sable et le béton, tout est importé dans le bâtiment au Sénégal. Le secteur des Btp est la première destination de l’épargne des Sénégalais ; le motif principal de leur endettement, car tout Sénégalais veut un toit. La diaspora engloutit 40% de ses transferts dans le bâtiment. Ainsi, en termes de valeur ajoutée annuelle, le bâtiment avoisine 1 200 milliards de F Cfa ici au Sénégal ; d’où l’enjeu prépondérant de ce sous-secteur pour notre pays et son économie.
Puis vint un regain d’impulsion et de dynamisme avec le Programme des 100 mille logements du président de la République, qui semble conscient que les seules forces du marché à elles seules ne peuvent pas démocratiser l’accès au logement aux pères de famille, surtout ceux aux revenus modestes.
Le groupe asiatique a bien compris tous ces enjeux. La demande de matériaux de second œuvre et finition explose en Afrique et le Sénégal en tête, avec la montée en puissance de la classe moyenne qui demande des villas et appartements de qualité. Aussi, l’avantage du corridor Dakar-Bamako et du port de Dakar facilite pour le groupe asiatique la pénétration du marché sous-régional. Les trois géants du ciment dans notre pays lui ont montré la voie.
Notre pays le Sénégal cherche désespérément des créneaux et opportunités pour sa jeunesse ; notre force de travail connaît dans ce pays et partout sur le continent une croissance exponentielle ; d’où l’impérieuse nécessité d’attirer des gros investissements structurants dans tous les domaines pour une transformation de nos économies, surtout des secteurs aussi essentiels comme l’agriculture, l’industrie et les services.
L’investissement du groupe asiatique dans notre pays répond à cela. Il apporte du capital et un savoir-faire technologique, le tout conjugué à notre force de travail et ressources naturelles abondantes pour transformer nos économies dans le cadre de chaînes de valeurs. Les richesses ainsi créées et distribuées sous formes de salaires et de prélèvement direct ou indirect bénéficient aux travailleurs et aux administrations.
Le Sénégal semble avoir un besoin urgent d’investissements importants aujourd’hui et ne nous y trompons pas, le monde offre énormément d’opportunités d’investissement, notamment chez eux en Asie où la productivité par tête de travailleur est plus élevée que chez nous, le rendement du capital plus garanti et les lois et législations du travail moins rigides, voire inexistantes.
Justement, pour les lois et législations du travail, peut-on se demande ce que l’ouvrier sénégalais et le travailleur ici dans notre pays a-t-il de plus que les ouvriers textiles au Pakistan et au Bangladesh. Qu’a-t-il de plus que les ouvriers dans le domaine de la sidérurgie ou du charbon en Europe ; et ne parlons pas des usines d’assemblage et de montage des terminaux Apple chez les tigres asiatiques. Et plus près de nous, voyons le secteur du textile ou du sucre à Maurice, ou les travailleurs de l’industrie du cuir et des peaux en Ethiopie ! Partout dans le monde, les conditions sont à quelques exceptions près les mêmes. Le capital semble dicter sa loi et c’est au travail de s’y ajuster et nos pays d’Afrique, s’ils veulent attirer l’investissement, n’échapperont pas à cette tendance.
Pour le Sénégal, il nous faut beaucoup de cohérence dans notre démarche en abrogeant ou en révisant nos lois et législations du travail. Si nous voulons transformer ce pays avec des capitaux étrangers à la recherche du rendement optimal, nous devons aller vers plus de flexibilité, car ce monde protège le capital plus que l’emploi, qui est juste une variable d’ajustement.
C’est à ce prix et à ce prix seulement que les groupes asiatiques ou européens, et de plus en plus africains, viendront investir à nos côtés pour un renouveau économique.
 Moustapha DIAKHATE
Ex Conseiller Spécial Primature
moustaphany@gmail.com