Les agro-industries ne peuvent pas rêver de pouvoir se développer, tant l’accès à la terre est devenu problématique. Sans compter les risques de conflits sociaux notés dans beaucoup de collectivités territoriales, constate le Délégué général de l’Association des agroindustriels de la vallée du fleuve Sénégal (Vallagri), Louis Lamotte.Par Dialigué FAYE
– Les investisseurs réunis au sein de l’Association des agroindustriels de la vallée du fleuve Sénégal (Vallagri), qui compte 9 entreprises, n’occupent que 20 mille hectares. «Nous sommes encore relativement loin des limites dangereuses, pour ne pas dire des côtes d’alerte en matière d’occupation de terres de façon globale et de terres arables de façon particulière», a déclaré Louis Lamotte. Le Délégué général de Vallagri intervenait au Forum national sur le foncier, à l’initiative du Comité de pilotage de la Plateforme nationale sur la gouvernance foncière au Sénégal (Copil), en collaboration avec le ministère de l’Agriculture et l’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar).
Et Avec ces 20 mille hectares, indique M. Lamotte, Vallagri a «créé plus de 27 mille emplois, réalisé un chiffre d’affaires cumulé de l’ordre de 270 milliards de francs Cfa. Et surtout, nous avons un potentiel de développement, si toutes les questions étaient résolues, dont la question foncière, d’au moins 50% de taux de croissance».
Mais aujourd’hui, leur constat est qu’ils ne peuvent même pas rêver de pouvoir se développer, tant l’accès à la terre est devenu problématique. Sans compter les risques de conflits sociaux notés dans beaucoup de collectivités territoriales. Dans la région de Thiès, par exemple, un litige foncier de 300 hectares oppose les habitants des villages de Djilakh, Ndengler au groupe Sedima de l’opérateur économique Babacar Ngom, entre autres conflits.
«Quelque part, il va falloir attendre impatiemment, que ceux qui ont en charge la gestion foncière puissent nous sortir une formule qui puisse nous sécuriser, puisqu’il s’agit de gros investissements qui ne peuvent prospérer dans une ambiance d’insécurité.
Les 20 mille ha qu’on a obtenu l’ont été dans le cadre des lois et règlements en application au Sénégal. Nous avons le sentiment de les avoir consciencieusement et correctement acquis. Nous ne les avons pas dépossédés, car la procédure était légale et autorisée», a précisé l’opérateur économique.
A l’ouverture de ce forum, le Secrétaire général du ministère de l’Agriculture et de l’équipement rural, Papa Malick Ndao, a pourtant affirmé que le défi de la bonne gouvernance foncière est en voie d’être relevé, grâce aux efforts de l’Etat et à l’engagement de l’ensemble des acteurs.
«L’investissement ne peut plus prospérer»
Mais les membres de Vallagri ne semblent pas avoir la même perception. «Nous avons le sentiment qu’aujourd’hui, on est dans une impasse juridique. L’application au quotidien de la vieille loi sur le Domaine national est pratiquement infaisable. Une réforme foncière a été engagée, des conclusions arrêtées, mais nous ne savons pas quelle a été la suite qui a été donnée à ces conclusions. Beaucoup d’initiatives sont tentées partout, mais on en est aux phases de réflexions, de formulation, mais pas encore quelque chose qui soit sorti et qui puisse nous dire voilà, la voie à suivre. Et cela pose problème. Car derrière ces incertitudes, de cette remise en cause quasi intégrale du droit foncier, l’investissement attend, et il ne peut plus prospérer», déplore le Délégué général de Vallagri. L’investisseur, dit-il, «a besoin de la sécurité pour son investissement. Les conditions d’accès à la terre, ce n’est pas lui qui le décide, ce sont les Sénégalais qui le décideront. Et quand ils auront fini de le décider, nous souhaitons que son exercice, son application soient simplifiés».
Sur les modèles de joint-venture entre investisseurs et populations détentrices de terres, l’agroindustriel renseigne que ça était très compliqué et ça fait perdre beaucoup de temps et l’investissement n’a pas beaucoup de temps à perdre. A son avis, «la décision d’investir a besoin d’être documentée par des certitudes et tant que les éléments fondamentaux comme le foncier ne peuvent pas vous assurer la certitude, ça pose problème pour l’industrie».
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