France – Pass sanitaire et contrôles : Quand les cinémas font les gendarmes

Ils ont rouvert le 19 mai dernier après neuf mois de fermeture, mais n’ont jamais fait depuis salle comble… Et cela risque de durer, tant les professionnels redoutent l’impact sur les ventes du pass sanitaire, obligatoire depuis mercredi dans les salles accueillant plus de 50 spectateurs. Ce mercredi après-midi, aucune foule ne se presse dans ce cinéma Pathé-Gaumont de la capitale. Deux jeunes femmes souriantes nous accueillent au comptoir. «Votre pass sanitaire, s’il vous plaît ?» Ni elles ni nous n’y sommes habitués, et pourtant il va falloir faire avec.
Par chance, nous pouvions – nos deux doses dans le bras – présenter un pass. Mais dans ce cinéma d’ordinaire plus fréquenté où seuls quelques clients viennent retirer leurs billets, beaucoup n’ont pas encore reçu les deux doses requises. A commencer par les deux jeunes femmes chargées de filtrer les entrées, qui n’ont pas encore entamé les démarches pour se faire vacciner. Face à nous, elles débattent sur le vaccin – et hésitent à sauter le pas.
«Je me sens revivre»
«Ni la vaccination ni le pass sanitaire ne sont obligatoires, donc un test négatif suffit», remarque l’une. «Faire un test toutes les 48 heures ? Facile, il y a un chapiteau Covid-19 à l’angle de la rue», pouffe l’autre. La pratique du pass sanitaire ne semble pas les inquiéter. Elles ont 18 et 19 ans, ne sont employées que pour le mois de juillet et disent prendre du plaisir à endosser ce nouveau rôle. «Faire le gendarme», comme elles disent, ça les occupe. C’était aussi une première pour nous qui n’utilisions plus l’application TousAntiCovid depuis l’arrêt des mesures restrictives le 20 juin. «La vérification du pass se fait à partir d’un scan sur smartphone», nous apprend l’une d’elles.
Plus loin, un couple passe commande. Agés de 51 ans, l’un et l’autre sont totalement vaccinés depuis mai, ont pu produire un pass sanitaire et se disent apaisés. «J’appréhendais la vie après le Covid-19 et si on est toujours en plein dedans, je me sens revivre précisément grâce au pass sanitaire», reconnaît le monsieur, affichant un sourire béat.
«Bonjour l’ambiance»
Assis derrière son guichet, le patron d’une petite structure parisienne constate une nette baisse du nombre de clients venus le visiter. Jugeant qu’il est encore trop tôt pour le dire, l’homme ne sait quel sera l’impact du pass sanitaire sur son chiffre d’affaires, mais «redoute des retombées économiques importantes». D’un ton railleur, il dit ses doutes. «Le client arrive à peine et vous l’assommez déjà avec vos questions. Pass sanitaire, s’il vous plaît ? Bonjour l’ambiance.» Près de lui se tient une femme qui ne jure que par le cinéma. «Un film se regarde sur grand écran, pas ailleurs. Le cinéma a ce truc qui rend l’expérience à la fois magique et singulière», explique-t-elle.
Au sujet du pass sanitaire, l’ensemble des gérants et employés interrogés accueillent le dispositif avec bienveillance. «Ça ne peut être que positif», avance Fabien, responsable d’une structure pouvant accueillir jusqu’à 600 personnes. «Vérifier le pass ne nous fait perdre aucun temps, il suffit que nos clients le préparent et le tour est joué.»
Si les cinémas accueillent plutôt bien le pass sanitaire, ils regrettent qu’il soit exigé selon le nombre de places par salle et non selon le nombre de places occupées. Une salariée explique. «Il est rare que le nombre de clients par salle excède 50 personnes. L’après-midi en semaine, nos salles ne sont remplies qu’à 10%…» Et s’interroge. «A six ou sept par salle, le risque est-il vraiment significatif ?»
«Des mesures tombées trop tôt»
Avec des parents vaccinés complètement et des enfants de moins de 17 ans, cette famille lyonnaise en séjour à Paris peut passer le cordon de sécurité. Et c’est un soulagement. «En pleines vacances scolaires, on n’aurait pas accepté de priver les enfants d’un tas d’activités», explique la mère de famille.
Des réfractaires, il y en a aussi. Devant le cinéma, un homme explique avoir passé son week-end au cinéma avant de ne plus pouvoir y aller. «Je n’ai reçu que ma première dose et je me retrouve bloqué, contraint d’aller me faire tester régulièrement pour avoir une vie normale.» Et s’il comprend la brutalité des mesures prises, il déplore «un calendrier mal préparé et des mesures tombées trop tôt».
Le Point