Bossea – Inhumation des 10 personnes tuées dans un accident : Le récit d’un mardi noir à Agnam Goly
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Le village d’Agnam Goly a enterré, dans la nuit du mardi, 8 personnes décédées lors de l’accident de Ndioum. Il a enchaîné avec l’inhumation de deux autres dans la matinée d’hier. C’est une journée qui a plongé les populations dans la détresse….Par Demba NIANG
– Situé dans le département de Matam, le village d’Agnam Goly est écrasé par la chaleur et le deuil. Figés dans la détresse, les habitants de ce village, qui a perdu 10 personnes lors de l’accident tragique qui a eu lieu au niveau du croisement de Guédé, entre Ndioum et Tarédji, ont attendu toute la nuit du mardi au mercredi pour recevoir leurs parents. Qui sont rentrés les pieds devant.
Le cortège funèbre arrive à Agnam Goly à 2 heures 5 mn où tout Bosséa (d’Oréfondé à Thilogne) attendait le rapatriement de leurs morts. A l’entrée de Agnam Goly, ce sont les éléments de la Brigade de gendarmerie des Agnam, qui ont conduit le cortège jusqu’au cimetière bondé de monde. L’attente a été très longue. Des gens sortaient de partout pour la réception des corps qui a été un moment de panique : étreints par l’émotion, certains piquaient des crises et d’autres tombaient en transe. C’est à 4h du matin dans la nuit du mardi que les 8 corps ont été inhumés et les deux autres hier dans la matinée.
C’est une situation inédite dans cette zone, qui a plongé les Agnam et le Bosséa dans une tristesse indescriptible. Les départements de Matam et Podor ont baigné dans cette ambiance de deuil ces derniers jours.
Mardi… Il est 23 heures 35 mn. Le premier adjoint au maire de Galoya, chargé de régler les documents administratifs, rentre de Podor avec la permission de levée des corps. Une levée des corps qui a ému ceux qui étaient à la morgue de l’hôpital de Ndioum : Il a fallu 3 ambulances, 2 4X4 et 1 minicar pour rapatrier les corps à Agnam Goly. Outre ces véhicules, 5 autres prolongeaient la taille du convoi de Ndioum à Agnam Goly où il a quitté l’hôpital à minuit.
A la sortie des cercueils de la morgue, les nombreux chauffeurs présents n’en revenaient pas. L’un d’eux, Thierno Bambi, retient son souffle : «Hier (lundi) à cette heure on parlait au téléphone et il (le chauffeur du minicar décédé lui aussi) m’informe qu’il passe par Saint-Louis.» Preuve de l’imprévisibilité de la grande faucheuse.
C’est deux heures après que le convoi est arrivé aux cimetières d’Agnam Goly où un grand monde l’attendait. La présence des éléments de gendarmerie des Agnam a permis de mettre un peu d’ordre au milieu du chaos. L’attente a été très longue mais tout était prêt pour l’inhumation.
Le mardi de Bosséa
Cette tragédie vient renforcer une légende longtemps entretenue par les populations : il est interdit de voyager le mardi. L’histoire de la zone du Bosséa (communes d’Oréfondé, Agnam, Thilogne et Dabia) est liée au mythe du mardi. La plus sanglante défaite des guerriers du Bosséa dans la période avant la conquête du Sénégal a eu lieu un mardi : le mardi noir de Bosséa. Ces pertes ont eu des effets psychologiques sur les populations de cette zone depuis des générations. Le mardi serait considéré comme le jour de la malchance. Dans le mythe de la malchance du mardi, les «Bosséabé» (populations de Bosséa) appliquent plus le respect du mythe de l’interdiction de voyager le mardi.
Avant la construction de la route Linguère-Matam où tous les voyageurs traversaient le département de Podor pour se rendre à Dakar, on notait le manque de voitures en partance pour la capitale chaque mardi. Même certains automobilistes de transport en commun profitaient de cette journée pour se reposer. Mieux avec les voyages nocturnes des bus, les horaires Dakar-Fouta du «Bosséa» sont en phase avec cette croyance de leurs clients car ces derniers ne voyagent pas le mardi. C’est ainsi que le mythe de l’interdiction de voyager le mardi chez les «Bosséabé» est connu de tout le Fouta.
Le mardi noir d’Agnam Goly renforce le mythe
Le minicar en provenance de Dakar transportait des passagers du «Bosséa» qui ne sont pas censés ignorer le mythe de l’interdiction de voyager le mardi. Pour avoir quitté la nuit du lundi, ils sont en voyage jusqu’au matin du mardi, surtout le chauffeur qui est passé par Saint- Louis où le trajet est plus long. Mais l’excuse du chauffeur serait que les fortes pluies du dimanche à lundi avaient coupé la route sur le tronçon Ourossogui-Thilogne. Avec ces 10 morts un mardi matin tous originaires de Bosséa, qui étaient la destination, la peur de voyager ce deuxième jour de la semaine risque de ressurgir. Et au cimetière d’Agnam Goly durant la longue attente de la toilette mortuaire, quelques gens dissertaient sur ce mythe. Ils se sont accordés sur le respect du mythe qui est devenu une réalité.
Correspondant