Horizon – Rich Waneh, artiste sénégalais de Konvict Music : «La musique sénégalaise est une perle rare qui n’a pas été découverte par le monde»

Rich Waneh vient de signer dans le label Konvict. Il devient ainsi le premier Sénégalais à signer chez Akon, à qui il a été souvent reproché, à tort ou à raison, de ne travailler qu’avec des artistes «bancables». Dans cet entretien, Ben Basse n’a pas eu besoin d’expliquer la raison de sa signature chez Konvict Music. Parfaitement adroit dans sa musique, cet artiste pluridisciplinaire est aussi un polyglotte qui sait ce qu’il veut, ce qu’il est en mesure d’apporter et où il veut aller. Pour lui, l’Afrique doit s’unir pour avoir un grand marché unique. Rich Waneh fait croire que «la musique doit être faite pour se relâcher». Pour les choses profondes, il préfère «ouvrir un livre».Comment s’est faite la rencontre avec Konvict Music ?
Cela s’est fait assez naturellement. Je connais la famille depuis un moment. On faisait ensemble dans la cinématographie. Et un jour, le fils de Akon m’a demandé si je faisais de la musique. Après m’avoir écouté, il en a parlé à sa tante Khady Thiam. C’est de là que tout est parti. Elle m’a présenté à Mbacké Dioum et ils ont envoyé à Akon mes morceaux. Je n’avais aucune idée. Akon m’a appelé pour me proposer de travailler avec lui. J’étais surpris et ému. J’étais content et surtout prêt à bosser.
Vous dites être prêt à travailler avec Akon. Quelle est la durée du contrat et comment comptez-vous vous y prendre ?
Konvict, c’est la famille. On est là pour longtemps. Dans l’immédiat, un projet d’album est en préparation. D’ailleurs, si je voulais, je peux sortir un album maintenant. Mais pour l’instant, je préfère sortir des singles, histoire de me présenter. On va commencer la promotion bientôt. Après on verra. Au moment opportun, on le sortira. Un album on ne le prévoit pas, on le sent. Quand c’est le moment, on fonce.
C’est dans cette optique que le single Xaalis est sorti ?
Justement, c’est la seule chanson que Akon a entendue et qui l’a fait réagir. Vous avez vu le logo de Konvict dans la vidéo que j’ai moi-même réalisée. C’est le début d’une relation qu’on espère fructueuse pour la musique sénégalaise. Notre objectif est d’exporter la musique de mon pays. Et on a tout pour le réussir. Il suffit qu’on soit uni.
Avez-vous été surpris par l’accueil de Xaalis par le public ?
Oui et non ! Je suis confiant pour mon produit, mais ça fait énormément plaisir de savoir qu’il est bien apprécié. Les retours que j’ai eus sont positifs. Les gens ont placé beaucoup d’espoir en moi. C’est une agréable surprise même si on sait qu’on a quelque chose. C’est quand même une immense et agréable surprise. Je remercie tous les fans pour leur soutien.
Quelle sera la suite ?
On va essayer d’être créatif pour donner aux fans ce qu’ils veulent. J’ai fait une collaboration avec Dj Dollar qui va sortir sous peu. Le titre s’appelle Drip et les Sénégalais vont être fiers de ça.
Votre premier single parle d’argent. Dans la foulée, vous collaborez avec Dj Dollar. Peut-on vous qualifier d’artiste «commercial» ?
Je vais être honnête. La musique est un gateway. Quand j’ai envie de réfléchir sur des choses profondes, je vais ouvrir un livre, je n’écoute pas la musique. Pour moi, la musique est faite pour se relâcher. Cela vient du «entertainment business». On est là pour faire le show. Le cas contraire, ça m’ennuie. Et il faut savoir que je ne parle pas des autres, ce n’est valable que pour moi. On peut s’attendre à tout parce que quand je suis dans mon studio, je n’ai pas de limite. Mon inspiration ne vient pas de moi. Tout ce qui arrive, je l’accepte. Je suis là pour dérouler ma carrière. Avant de signer à Konvict, je faisais des sons ego-trip, mais il m’est arrivé de sortir de cette thématique. Quand j’ai perdu mon père, je faisais des morceaux profonds parce que j’étais à ce niveau. A chaque fois que ma vie change, ma musique change. Je faisais des trucs américains, mais quand je suis rentré, j’ai étudié le marché africain et j’ai changé ma musique. J’aime faire de la musique pour ceux qui bossent et qui veulent s’«enjailler» le week-end.
En cette période de pandémie, comment comptez-vous faire la promotion ?
Xaalis est sorti en moins de 2 semaines. Pour le moment, c’est un peu trop tôt pour parler de promotion. J’adore la scène et le moment venu, on va le faire.
Comment voyez-vous la musique locale ?
Je trouve que la musique sénégalaise est une perle rare qui n’a pas été découverte par le reste du monde. Elle est en train d’évoluer à une vitesse très rapide. J’ai été surpris par les nouvelles sonorités que j’ai découvertes quand je suis rentré depuis un an. On est en train de mélanger de l’afro et beaucoup de styles. Même au niveau du mix et du mastering, ça évolue très rapidement. Il y a beaucoup de qualités. J’ai espoir que ça va évoluer et mon but est de faire partie de ces exportateurs.
Quelle sera la stratégie à adopter pour l’exporter ?
A mon arrivée, j’ai étudié le marché. Je me suis concentré sur ce qui ne marchait pas et les qualités que je pourrais apporter. Cela se voit dans le clip Xaalis au niveau de la personnalité et des sonorités. Pour exporter notre musique, il faut trouver le juste milieu entre notre culture et les attentes du monde.
Dans cette logique, peut-on s’attendre à des collaborations avec les artistes locaux ?
Bien sûr ! Je suis chaud. Je commence à les rencontrer un à un. Je suis en train de bosser avec eux. Pour faire simple, je voudrais bosser avec tout le monde. Il n’y a personne avec qui je ne suis pas prêt à bosser. Tant qu’il y a un certain feeling, on peut faire quelque chose.
Etude de marché, business. Dans vos propos, on croirait parler à un entrepreneur plutôt qu’un artiste. Avec cette tendance à trop vouloir faire de l’argent, est-ce que vous n’occultez pas la fibre artistique ?
Si vous ne vous concentrez que sur le côté entrepreneur, on ne va pas se comprendre. Ma musique me vient de mon inspiration. Ça ne va jamais se terminer. Mais il ne faut pas oublier qu’on est dans un monde de business. C’est un peu des deux. Je dirais que c’est du 50-50. J’écoute et manage mon inspiration pour répondre aux attentes du marché. Il faut conquérir ce marché, car ça reste un business.
On imagine que vous allez plus vous concentrer aux Usa qu’au Sénégal pour dérouler votre carrière…
Je ne me fixe pas de limites. Quand on écoute ma musique, on se rend compte que je touche à beaucoup de choses pour pouvoir parler au monde entier. Mais la base de ma musique, c’est la pop, ce qui se vend partout dans le monde. Aucune limite !
Les Usa sont le plus grand marché de la musique. Qu’est-ce que le Sénégal a fait de travers pour ne pas être au même niveau que ses concurrents dans cette industrie ?
Les Usa, c’est 400 millions d’habitants alors que nous ne sommes que 17 millions de Sénégalais. Si en Afrique on s’était uni, ça allait changer beaucoup de choses. Si chaque pays a sa musique, son public, on ne sera jamais assez fort au niveau des chiffres. C’est pourquoi le Nigeria, proche de 200 millions d’habitants, y arrive parce que c’est un immense marché. Si on s’unit en Afrique, on aura une industrie musicale beaucoup plus forte que les Usa. Et sur les couleurs musicales, on est au top. Les Sud-Africains sont récemment venus avec un nouveau son. L’Amapiano fait un tabac. On a les Nigérians avec l’afrobeat, sans compter les Kényans et Ghanéens. On est vraiment chaud en ce moment. De Londres aux Usa, des gens écoutent maintenant la musique africaine. On est sur le bon chemin et le Sénégal va bientôt faire partie de cette force africaine.
Comment définissez-vous votre musique ?
J’ai donné plusieurs noms à la musique que je suis en train de faire. Au début, je l’ai appelée de l’«afro pot». C’est comme qui dirait une casserole parce que j’ai mis beaucoup de styles dedans. Je mets un peu de wolof, des sabar. Il y a aussi un peu de sonorité latino parce que je vis à Miami ; donc j’ai de l’influence cubaine et dominicaine. Il y a aussi un peu de «trap» dedans.
D’où vous est venue cette envie de faire de la musique ?
J’avais 11 ans quand je suis monté sur scène pour la première fois. C’était à une fête de la musique au Sénégal. Le feeling avec le public et le retour que j’ai eu m’ont conforté dans cette envie d’y faire carrière. Depuis lors, je n’ai rien lâché même si j’ai eu d’autres jobs dans ma vie. Ma musique est ma passion. J’ai tout fait pour préserver mon cursus scolaire, car c’était la condition pour continuer à faire de la musique. J’ai des parents sénégalais. Ils ont fait un bon boulot pour que je continue mes études. Au début ils étaient réticents, mais quand ils ont vu que c’était ma passion et que je peux vivre de ça… Ma mère, toute la famille me supportent à fond. J’ai toujours compris les intentions des parents. Ils ont toujours voulu me protéger.