Au-delà des tueries d’enfants au Niger, les groupes armés s’adonnent au recrutement de mineurs, indique un nouveau rapport d’Amnesty international qui alerte sur le sort de cette couche de la population locale.Par Mamadou SAKINE – 

Au Niger, de plus en plus d’enfants sont tués ou recrutés par des groupes armés dans la zone sahélienne des trois frontières, Niger, Mali, Burkina Faso. C’est un nouveau rapport de l’Ong Amnesty international (Ai) publié le 13 septembre 2021 qui fait la révélation. Intitulé «Je n’ai plus rien, à part moi-même», ce rapport de 64 pages fait savoir qu’en 2021, des groupes armés ont tué plus d’une soixantaine d’enfants dans la partie nigérienne de la zone des trois frontières. Le conflit dans la région de Tillabéri s’est fortement aggravé, selon Amnesty international, depuis le début de l’année 2021. Et d’après la Base de données sur le lieu et le déroulement des conflits armés (Acled), les violences à l’encontre de civils au Niger ont fait 544 morts dans le contexte du conflit entre le 1er janvier et le 29 juillet 2021, contre 397 en 2020. En effet, l’Ong est convaincue que les répercussions croissantes du conflit sur les enfants dans la région de Tillabéri, illustre les conséquences dévastatrices qu’a sur les enfants le conflit au Niger. Les groupes armés incriminés sont l’Etat islamique au grand Sahara (Eigs) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsi), affilié à Al Qaïda.
Ces deux groupes armés auraient commis des crimes de guerre et d’autres atteintes aux droits humains, notamment des homicides de civils et des attaques contre des écoles. Situation qui aurait créé des conséquences psychosociales pour les enfants. Amnesty international rapporte ainsi que les témoignages recueillis parlent de symptômes de traumatisme et de souffrance qui se manifestaient chez les enfants, notamment les cauchemars, les troubles du sommeil, la peur, l’anxiété et la perte d’appétit. «Nous tous avons l’habitude d’entendre les coups de feu et de voir des [morts] entassés», raconte un garçon d’environ 13 ou 14 ans à une délégation d’Amnesty international qui s’est entretenue avec 16 garçons qui avaient échappé de peu à des attaques de l’Eigs dans leurs villages respectifs. Un autre garçon, témoin de l’homicide de son ami de 12 ans en mars 2021, a raconté : «Je pense à Wahab et comment il a été tué. Il m’arrive de faire des cauchemars où je suis chassé par des gens à moto, ou de revoir Wahab plaidé avec les [agresseurs].»
Par ailleurs, le rapport apprend que le recrutement d’enfants par le Gsim s’est considérablement accru cette année dans le département de Torodi, près de la frontière avec le Burkina Faso. Des témoins d’Amnesty international affirment que ce groupe armé cible les jeunes hommes et les garçons de 15 à 17 ans, voire plus jeunes. Ses membres proposeraient des avantages comme de la nourriture, de l’argent ou des vêtements pour attirer des recrues. Et il semble que des recrues ont suivi un entraînement au maniement des armes d’une durée d’une semaine à trois mois. Mais aussi, le groupe armé utiliserait des enfants comme espions, éclaireurs et guetteurs. Ce n’est pas tout, à en croire Amnesty international, ces groupes armés s’attaquent également à l’éducation. En juin 2021, au moins 377 écoles de la région de Tillabéri avaient fermé, privant plus de 31 000 enfants d’accès à l’éducation, dit le rapport. Celui-ci ajoute que le conflit limite fortement l’accès des enfants aux soins de santé, étant donné que des groupes armés ont pillé des centres de santé. «Il y a aussi des attaques contre la sécurité alimentaire. Lors des attaques, l’Eigs a incendié des stocks de grains, pillé des magasins et volé du bétail, laissant des fa­milles sans ressources et sans nourriture. Les enfants risquent davantage de souffrir de malnutrition et de maladies conne­xes», renseigne encore le document.
«Il faut que les autorités nigériennes prennent rapidement des mesures pour que les enfants touchés par le conflit dans la région de Tillabéri aient accès à l’école et à des soins psychosociaux», a déclaré Matt Wells, directeur adjoint du programme réaction aux crises-questions thématiques à Amnesty international. Et ce dernier de souligner : «Le Niger est au bord du gouffre. Les autorités nigériennes et les partenaires internationaux doivent prendre des mesures de toute urgence pour doter les enfants d’outils qui leur permettront de se construire un avenir.»
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