Propos recueillis par Malick GAYE (Envoyé spécial au Burkina Faso) –  Les relations entre la ministre de la Culture, des arts et du tourisme du Burkina Faso, Dr Elise Foniyama Ilboudo Thiombiano, et le Délégué général du Fespaco, Moussa Alex Sawadogo, ne sont pas des meilleures. Dr Elise Foniyama Ilboudo  Thiombiano n’aurait pas été au courant de la nomination du chorégraphe, Serge Aimé Coulibaly, pour l’organisation des cérémonies d’ouverture et de clôture du Fespaco. Raison pour laquelle la décision a été remise en question, à quelques jours du démarage du Fespaco. Interpellé sur la question, le Délégué général du Fespaco estime qu’il «avait des résultats et des objectifs à atteindre, c’est ce qui m’intéresse. Le reste m’importe peu».Quel bilan tirez-vous de cette 27e édition du Fespaco ?

Nous sommes satisfaits d’avoir organisé cette 27ème édition qui s’est présentée comme une édition de la résilience, vu la situation sanitaire et sécuritaire qui mine le monde et la sous-région. Ils sont nombreux les festivals annulés, à cet effet. Le Fespaco, l’un des plus grands festivals, y est arrivé. Les Burkinabè ont cru à ce défi-là et ont mis les moyens, tout comme le gouvernement et les partenaires techniques et financiers. Nous sommes satisfaits d’avoir pu organiser la totalité des programmes prévus. Nous avons reçu beaucoup de journalistes venus du monde entier pour la couverture du Fespaco. Nombreux sont les professionnels qui étaient là. Les salles de cinéma sont pleines et nous avons une belle programmation, les colloques ont été organisés dans de très bonnes conditions. On croyait que ce serait un Fespaco au rabais, par rapport aux précédentes éditions, mais ça a été une grande réussite.

Avec la crise sanitaire et ses conséquences économiques, on imagine que ça n’a pas été facile de boucler le budget du Fespaco
Le Fespaco existe depuis plus de 50 ans. Un tel évènement ne peut se faire sans l’appui de l’Etat Burkinabè. Nous avons cette chance d’être soutenus par l’Etat. Ça nous permet de remédier à de nombreuses situations, de pouvoir réaliser des projets. L’accompagnement est très important. Il ne faut pas oublier le soutien des partenaires techniques et financiers. Le Sénégal, pays invité d’honneur, a été d’une très grande aide cette année en termes de matériels, de ressources humaines et d’aide financière. Le budget du Fespaco tourne autour de 2 milliards Cfa.

Parlez-nous des nombreuses innovations de cette édition 
On sortait d’un cinquantenaire et on entre dans une nouvelle ère. Il était important d’insuffler une nouvelle dynamique à ce festival qui a résisté pendant 50 ans. Et l’objectif, c’est d’atteindre les 100 ans. Il ne doit pas être seulement un espace de promotion des films mais aussi il doit devenir un espace d’échange entre les générations, un espace de business. On s’est rendu compte que, depuis un bon moment, ce ne sont plus les salles de cinéma et les télévisions qui permettent la visibilité des films. Il y a aussi ces plateformes-là. Il fallait donc arriver à les inclure dans le festival. C’est dans ce sens que nous avons mis en place le Fespaco pro, la connexion entre les partenaires techniques et financiers et les professionnels du cinéma. Nous avons créé Yennenga connexion qui permet aux partenaires de communiquer sur leurs projets. On a aussi mis en place le Yennenga post production qui est un soutien à tous ces réalisateurs qui veulent finir leurs films dans de bonnes con­ditions. Et le Yennenga académie qui est un espace de rencontre, de visibilité, de réseautage pour les aspirants au cinéma.

On a annoncé des artistes aux cérémonies d’ouverture et de clôture qu’on n’a pas vus. Qu’est ce qui l’explique ? 
C’est que, comme dans tout projet, il y a ce qu’on annonce et ce qu’on fait. Après tout, il faut reconnaitre que le Fespaco est un festival de cinéma non de musique. Les artistes viennent agrémenter cette cérémonie. Nous avons revu nos ambitions à la baisse tout simplement.

Est-ce que ce n’est pas un problème de budget com­me Serge Aimé Couli­baly, le chorégraphe, l’avait souligné à 12 jours du Fes­paco ?
Le festival est fini, je le dis et le répète : Serge Aimé Coulibaly a assuré les cérémonies d’ouverture et de clôture. Le monde entier a apprécié. Je pense que c’est l’essentiel. L’objectif, pour nous, était d’organiser ces cérémonies avec Serge Aimé Coulibaly et il l’a fait. Je pense qu’il faut regarder l’avenir plutôt que de revenir sur des choses qui n’ont plus besoin d’être discutées.

Serge Aimé Coulibaly a tablé sur un budget de 85 millions Cfa et la ministre de la Culture du Burkina Faso aurait évoqué une enveloppe de 20 millions Cfa. Qu’en est-il exactement ? 
Je pense que ce serait mieux de poser directement la question à la ministre de la Culture. Moi, en tant que Délégué général du Fespaco, je voulais Serge Aimé Coulibaly aux cérémonies d’ouverture et de clôture, il les a faites. On était d’accord sur les principes et, la question, il faut la poser à la ministre de la Culture.

En parlant de la ministre de la Culture, Serge Aimé Coulibaly a affirmé qu’elle n’était pas au courant de sa nomination. Pouvez-vous revenir sur vos relations avec la ministre de la Culture ? 
Je ne parle pas du passé. Je vous dis que c’est ma ministre de tutelle. Je suis Délégué général du Fespaco et je suis un technicien, un spécialiste de l’organisation d’événements, je suis directeur artistique du festival. Je propose, on discute et on essaie de le mettre en place. La ministre de la Culture est ma patronne. La preuve, c’est ce que j’ai proposé aux cérémonies d’ouverture et de clôture, c’est cela qui a été fait. Le reste c’est à elle qu’il faut poser la question.

Vous devez être déçu d’entendre que la ministre de la Culture ignorait que c’est Serge Aimé Coulibaly qui a été choisi pour les cérémonies ? 
Je fais des propositions artistiques. Et en les faisant, j’essaie de les adapter au Fespaco. Le monde entier sait que, dans l’histoire du Fespaco, jamais on n’a eu de telles cérémonies d’ouverture et de clôture. Et si c’était à refaire, j’allais le refaire. Depuis qu’on a annoncé le Fespaco, j’ai présenté mon projet artistique et le nom de Serge Aimé Coulibaly y figurait. Donc je ne sais pas en quoi on cherche à dire qu’elle n’était pas au courant. Ça a été fait, c’est l’essentiel. A partir du moment que mon travail me permet de rester dans ma mission, c’est-à-dire de proposer des programmes artistiques, de proposer des hommes et des femmes capables de pouvoir étayer ce programme-là pour le bonheur des professionnels du cinéma ou dans la branche où j’évolue, c’est l’essentiel. J’avais des résultats et des objectifs à atteindre et c’est ce qui m’intéresse. Le reste m’importe peu.

Que doit-on attendre de la prochaine édition du Fespaco ? 
La 27ème édition est achevée depuis 72 heures. Je crois avoir compris ma mission. Je crois avoir apporté des choses qui pourront relancer et renforcer l’événement que j’ai hérité de mes parents. On l’annoncera le moment venu si je suis encore là.
mgaye@lequotidien.sn