Mercredi 10 novembre, la France a restitué au Bénin 26 œuvres volées pendant la colonisation. Fin 2018, la Côte d’Ivoire, elle aussi, avait demandé officiellement la restitution de près de 150 œuvres. Emmanuel Macron s’est engagé, il y a un mois, à restituer à la Côte d’Ivoire l’une d’entre elles : le «djidji ayôkwé» (le «tambour parleur») des Ébriés, initialement appelé «Atchans», exposé au Musée du quai Branly, à Paris. Depuis, la chefferie traditionnelle atchan salue le geste de la France et attend le retour, à Abidjan, de cet objet volé en 1916.
Le «tambour parleur» servait à prévenir des dangers, mobiliser pour la guerre ou convoquer à des cérémonies ou des fêtes. Des sept villages atchans qui bordaient la lagune autrefois, Adjamé faisait office de centre névralgique, car dépositaire du tam-tam parleur, explique le doyen, Clavaire Mobio Aguego, actuellement détenteur de l’autorité traditionnelle à Adjamé. «C’était un moyen de communication à l’occasion d’une fête, à l’occasion… Quel que soit ce qui devait se passer, c’est Adjamé qui tapait le tam-tam pour les appeler. C’est un tam-tam qui, vraiment, jouait beaucoup de rôles. Si les colons l’ont pris, c’était une manière de pouvoir avoir la mainmise sur le groupe atchan», raconte-t-il.
Un retour au printemps 2022 ?
Les Atchans prêtent à ce tambour de forts pouvoirs mystiques et certains s’inquiètent de le voir revenir. Mais la joie de le voir revenir l’emporte largement. Les autorités ivoiriennes lui ont déjà réservé une place au Musée national, situé au Plateau, sur les anciennes terres du village d’Adjamé. «Nous, on le voit sur toutes les photos. On ne l’a jamais vu. Nous en sommes très heureux. Quand il sera là et qu’il sera exposé au musée, on ira le voir de près. Bon, il y a certaines dispositions à prendre avec les autres peuples atchans. Il faut que tout ce Peuple, les sept villages, se réunissent pour savoir les dispositions à prendre et comment l’accueillir. Ça, c’est très important», explique Clavaire Mobio Aguego. Aucune date de retour n’a été fixée, peut-être au printemps 2022. «Idéal», juge le doyen Clavaire, qui estime que cela laisserait le temps à son Peuple d’organiser un accueil digne de cet objet devenu légendaire.
La restitution de ce tambour, connu sous le nom de «Djidji Ayôkwé», est extrêmement appréciée par Abidjan. Et pour cause : l’objet est une pièce majeure de la culture tchaman, objet symbolique et véritable moyen de communication. «C’était le Djidji Ayôkwé qui leur permettait de prévenir les uns les autres que le colon était en train d’arriver dans telle zone, parce que les gens n’étaient pas d’accord avec la méthode musclée de réquisitions des personnes pour aller travailler. Et donc, quand ils venaient, ils ne trouvaient personne et ils ont fini par découvrir que c’était le tambour qu’on battait et que l’on entendait de très loin, à 12 kilomètres à la ronde», explique Silvie Memel-Kassi, la directrice du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire.
Confisquée en 1916 par les colons français, cette pièce unique de 3,50 mètres de long était réclamée depuis des années par les autorités ivoiriennes. En 2018, elle figurait en tête d’une liste de 148 objets demandés à la France. Le Djidji Ayôkwé sera exposé au Musée des civilisations de Côte d’Ivoire.
Rfi