De «door marteau» à «tëgg tama»

On connaissait le fameux «door marteau» (les plus jeunes, veuillez donc demander à vos bàjjen et à vos nijaay d’où vient l’expression), rendu populaire par la mésaventure d’un Talla Sylla. On y a mis, après-coup, toute la malhonnêteté de nos petites combines, les arnaques, à petite ou à forte dose, y compris celles qui vous feront sourire plus tard, si vous êtes fair-play bien sûr, les crocs-en-jambe des amis d’un soir, qui finiront par être vos ennemis pour la vie, les coups bas des attrape-nigauds, qui ont le chic pour trouver le pigeon (s’accorde aussi au féminin, même si c’est moins joli) de service. Je ne sais pas vous, mais j’ai apparemment la tronche de la parfaite pigeonne, qui gobe tout et n’importe quoi…
On connaissait donc le «door marteau», pour vous dire à quel point c’est violent tout cela, on a désormais notre «tëgg tama», et malgré les apparences, cela n’a rien d’artistique, quoique… Défense d’en rire, défense d’en sourire : un lutteur qui se prend un coup de tam-tam sur la tête, ce n’est absolument pas drôle. Le pire, c’est peut-être tout ce temps perdu à se demander si le gladiateur, pardon le lutteur (il s’appelle Papa Sow, il paraît) serait assez «lucide», pour aller jusqu’au bout de son duel. On appelle cela la «lutte avec frappe», vous vous attendiez à quoi ?!
Le pire du pire, c’est quand on lui reproche presque de ne pas être assez calme, de prendre le risque de se vider de son sang et d’hypothéquer le combat avec. Du pain, des jeux, et de l’hémoglobine accessoirement, pour colorer un peu tout cela, le Peuple en redemande !
Le pompon, c’est lorsque son adversaire du jour, Siteu, va jusqu’à le trouver trop mollasson, trop douillet, et donc rien à voir avec un certain David Douillet… C’est d’ailleurs avec fierté que le même Siteu raconte que, malgré un coup de pierre ou de brique (je n’ai pas tout compris) sur le crâne, un soir de combat, il n’a pas lâché l’affaire, lui, ah non, ça jamais ! On appelle cela «Alla Athiou» (pardon pour l’orthographe), et je suis même très étonnée qu’il s’en souvienne, mais n’allez pas lui dire.
Ce que tout cela veut dire finalement, c’est qu’on a fini par cautionner la violence, au point d’avoir construit une «arène nationale» (nachionale en prononciation locale) qui encadre et légitime tout cela, pour donner et recevoir des coups nationaux en bonne et due forme, avec la bénédiction du président de la République et de son ministre des Sports (ça marche aussi si vous prononcez esports). On s’y défoule, on libère toute cette énergie négative, c’est plutôt bien payé, il paraît, et c’est surtout notre esport nachional ah weuye ! Que veut le Peuple ?
Et puis, vous avez les gens comme Kumba Ndew (ça y est, je parle de moi à la troisième personne), les râleuses de service, qui se plaignent pour un oui ou pour un non. Si vous avez reçu dimanche le fameux message, comme quoi il fallait éviter Pikine Thiaroye ou Diamaguene (qui ne porte pas toujours bien son nom, n’est-ce pas), à cause des dégâts d’après «lamb», c’est parce que c’est dans l’ordre des choses, vous savez. On va dire que c’est comme ça les soirs de combat, que ça caillasse à tout-va, xalé yi daal, que c’est le sauve-qui-peut à chaque fois, que c’est la période de traite pour les malfrats de tout bord, pour les agresseurs, les professionnels comme les occasionnels, pour les «arracheurs de perruques» (vous les appelez comment vous) ñakk sutura, qui ne respectent décidément rien, ceux-là…
Et comme si tout cela ne suffisait pas, nous avons eu droit au drame de Ngalandou Diouf à Rufisque : un mort, celui de trop, une trentaine de blessés, sans parler des dégâts matériels. C’était pourtant assez prévisible : il y a une quinzaine de jours, on a eu droit à des véhicules déviés par plusieurs dizaines de mécontents, puis rebelote la semaine d’après : les jets de pierre dans le désordre, les ordures à même la chaussée, des automobilistes pourchassés, pour n’avoir apparemment pas respecté la consigne, l’hystérie collective, la contagion par la foule…Une petite voiture de police est arrivée ndeysaan, après le bruit ; puis elle est repartie, sans bruit là encore ndeysaan…
Jusqu’à ce fameux lundi 6 décembre 2021, donc le soir du drame, où un gamin de 19-20 ans est mort : il s’appelait Amadou Ndiaye, il était tailleur, un taawum kër (l’aîné de la famille) «sans histoires». On raconte aussi l’histoire de ce gamin, qui a crié à qui voulait l’entendre, qu’il s’en allait pour les Navétanes, et peu importe s’il en mourait, faisant ainsi ses adieux à sa mère, à la manière des gladiateurs : «Ave Caesar Morituri te salutant.»
Qu’avons-nous fait, ou pas, pour mériter une jeunesse aussi «en chantier», aussi suicidaire, aussi désœuvrée, aussi déboussolée, aussi perdue, égarée, sans conviction ? Qui pour leur apprendre à respecter les règles du jeu, le sifflet de l’arbitre, leur apprendre à argumenter autrement qu’à coups de poings, qui pour leur inculquer le civisme, le respect de la chose publique ? Qui peut leur dire qu’il ne faut pas incendier la pelouse du stade ?
Je m’époumone pour rien d’ailleurs, dans un pays où même la parole du président de la République ne l’engage pas vraiment, un pays où il peut se dédire autant de fois qu’il le désire, au gré de ses envies, son programme politique ou ses échéances électorales…5 ou 7 ans, garawul waay, wax waxet garawul, ñabñabal, c’est pas grave, le Ter, Tey, suba, ëlëk, c’est pareil…
Sans oublier que nous sommes à Rufisque, où quelqu’un comme Mame Goor Diazaka peut avoir le culot de lorgner sur la mairie. Pareil pour Ismaïla Madior Fall, ou l’autoproclamé «tailleur haute couture» de tonton Macky : il vous «retouche» la Constitution quand vous voulez, un ourlet par-ci, un ourlet par-là, il est l’homme de la situachon…
Allez, à jeudi !