La classe politique ou du moins une frange de celle-ci, ne cesse de surprendre tant elle se complait dans les débats ou problématiques de société, dont elle ne maîtrise ni les tenants ni les aboutis­sants. Nous savons qu’au Sénégal,   la politique ou tout ce que nous qualifions de politique politicienne, intéresse peu les meil­leurs d’entre nous : je veux dire les meilleurs par leur  parcours académi­que  ou  les meilleurs par leur par­cours professionnel. Tout quidam peut être politicien ou responsable politique au Sénégal. D‘ail­leurs pour s’en convaincre, fouettez un peu la composition de la présente législature à l’Assem­blée nationale. Par  le truchement de la diversité ou pluralité  médiatique, nos politiciens disposent d’une plateforme d’expression et de diffusion presque gratuite. Et malheureusement, comme tout le monde s’invite dans les débats pour parler de tout sujet, fut-il ou non spécia­liste  ou expert du sujet  ou du thème,  nous en arrivons à des situations où par manque de formation, de culture générale, d’expérience professionnelle dans un do­maine, on sert à l’opinion ou aux auditeurs, des positions dangereuses, souvent absurdes, des fois même grotes­ques.
Telle une foire de cancres, nos politiciens, surtout ceux d’entre eux qui ne sont pas présents sur les listes des élections  locales, car n’ayant pas les moyens matériels ou financiers pour la caution,  ni de base politique réel­le,  ils  ont tout simplement décidé de porter le   combat ou le champ de bataille sur les plateaux de télévision ou dans les lignes de la presse électronique.
Malheureusement, ceux qui en font les frais sont ceux-là qui sont auprès des populations pour expliquer, proposer, offrir ou galvaniser car in fine, l’exercice politique c’est la proposition et depuis 1960, les périodes de pré-campagne ou de campagne  ont été toujours riches en idées de toutes sortes. Déjà, Senghor en verve devant ses militants lébous durant une campagne électorale, ne promettait-il pas  de travailler pour qu’à l’orée de l’an 2000, Dakar soit comme Paris ? Qu’en est-il aujourd’hui,  il a osé  et a essayé, mais au moins il a su faire rêver les militants et populations ; l’exercice politico-mili­tant, c’est aus­si ça.
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre ou même appréhender la proposition faite par le leader du Pastef en Casamance, consistant à faire émerger une monnaie locale dans la région sud,  afin de fluidifier et mul­tiplier  les échanges  de biens et services entre acteurs économiques.
Ce qu’il propose n’est même pas une  innovation à l’état actuel de la technologie, avec les cryptomonnaies.  C’est une  tendance observable donc absolument faisable ainsi  dans les villes d’Europe ou d’Amérique, avec notamment des wifi municipaux gratuits, ce sont des initiatives communautaires de ce genre qui sont mises en branle  afin d’impliquer le citadin dans les affaires de la ville, dans une démarche  down-top  et non  comme c’est le cas dans nos pays, avec un centralisme paralysant où tout doit venir du sommet vers la base, avec le top-down.
D’ailleurs, le  concept est celui des villes intelligentes et vertes comme je pense, semble le vouloir le candidat à la mairie de Ziguinchor. L’idée essentielle est d’associer le concept de ville intelligente, c’est à dire digitale ou connectée,  à la sécurité des données qu’apporte la blockchain, le tout  rendu possible par une gouvernance décentralisée ou déconcentrée, ce qui permettra de pouvoir utiliser  une cryptomonnaie pour faciliter les échanges de biens et services. Tout ceci est à l’état de balbutiements certes, mais c’est absolument la voie du futur. Nos villes inté­rieures  ne peuvent plus être gérées à partir du centre qui est Dakar, il faut absolument des initiatives locales, surtout à l’heure où nos jeunes sont tous présents sur les réseaux sociaux. Le succès d’Orange Money ou Wave préfigure déjà de l’arrivée imminente des monnaies portefeuilles électroniques, même si la législation de notre banque centrale sur les Eme (émetteur de monnaie électronique), semble ne pas suivre. L’idée d’une monnaie ou toute autre appellation  pour une ville ou un village ; une confrérie ou un groupe, peuvent bien s’insérer dans les multiples applications rendues possibles par la technologie et la généralisation de leurs usages. J’invite donc notre classe politique à se mettre au niveau d’un monde qui bouge et ne s’accommode pas de surplace et de médiocrité.
Ceux qui sont issus des anciennes écoles ou formations ou tout simplement d’un niveau insuffisant, tel cet ancien président de groupe parlementaire, je leur demande de faire un tour au Ghana, où Google a installé ses laboratoires dirigés  par un Séné­galais, ou d’inviter les start-upers sénégalais afin  de se mettre à niveau. L‘Afrique comptera en 2050 plus de 700 000 000 millions de jeunes interconnectés,  ainsi notre continent sera celui des réseaux de blockchains et de cryptomonnaies.  L’avenir du monde dans les secteurs tentaculaires  du numérique et du di­gital se joue ici en Afrique, d’où la pertinence d’une institution comme la Der, pour le financement de l’innovation nu­mé­rique et digitale, entre autres.
Heureusement, le Pr Ma­cky  Sall a bien compris  le fait qu’avec nos moyens très limités  et les contraintes de toutes sortes,  et il a opté pour un train régional avec la technologie de dernière génération. Ce qui montre qu’il est un leader de son temps et de son époque, contrairement à une bonne partie de notre classe politique qui rame complètement à contre-courant.  Je suis séduit par le Ter, bien que le coût pouvait  être optimisé,  à mon avis.
Pour ceux qui rétorquent à raison d’ailleurs, que la monnaie est souveraine et que son émission est du ressort de la Bceao pour le cas de nos pays ; je les invite  à la responsabilité et un peu discernement. En effet, les grandes avancées que nous avons en termes d’inclusion financière, surtout pour les femmes et les  jeunes,  nous les  devons aux applications com­me  Wave ou Orange Money, après le boulevard ouvert par Safaricom au Kenya. Pendant ce temps, où était la Banque centrale, qui n’arrive même pas à réguler ou réglementer les moult cryptomonnaies, qui circulent de clavier en clavier ou de smartphone à smartphone via des serveurs étrangers. Ceux qui croient que c’est l’avènement de l’Eco qui va nous rendre notre souveraineté monétaire sont en retard, car les cryptomonnaies et monnaies électroniques vont inonder le continent et y cir­culer,  en imposant  un écosystème où l’Eco même aura très peu d’effets. L’inno­vation n’at­tend  pas et elle  a tendance à s’accélérer.
La Bceao a fait son temps, c’est une institution  désuète. La décision d’un pays comme le Salvador, est la meilleure réponse  à ceux qui vilipendent les initiatives de monnaie locale ou communautaire.
Vive le progrès
Moustapha DIAKHATE
Ex Cons Spec. Premier Ministre
Sec General Exécutif Restic
Expert et Consultant