Sanctions de la Cedeao contre le Mali : Le Sénégal perd au change

Dakar perd au change concernant les sanctions infligées par la communauté ouest-africaine à Bamako. Qui parle de décisions «illégales et illégitimes» et regrette une «instrumentalisation par des puissances extra régionales aux desseins inavoués». Par Malick GAYE –
La solidarité communautaire a pris le pas sur les intérêts du Sénégal. En effet, le Mali étant isolé par la communauté ouest-africaine, Dakar perd, le temps des sanctions au moins, un allié commercial. C’est un trafic journalier d’un millier de camions sur l’axe Dakar-Bamako, rapportant à l’économie sénégalaise 253 milliards Cfa, qui va s’arrêter. Bamako est le premier client de Dakar dans la région avec les exportations du Sénégal à destination du Mali chiffrées à plus de 200 milliards Cfa, selon l’édition 2019 de la Note d’analyse du commerce extérieur de l’Ansd (Agence nationale de la statistique et de la démographie).
«Comme destination à l’exportation, le Mali, tout seul (474 milliards de francs Cfa en 2020), est plus important pour le Sénégal que tous les pays de l’Union européenne réunis (264 milliards ; France : 44 milliards)», a posté l’économiste à la Fondation Rosa Luxembourg, Ndongo Samba Sylla sur sa page facebook. Qui ne peut s’empêcher de conclure qu’«en acceptant les sanctions de la Cedeao contre le Mali, le Sénégal se tire une balle au ventre».
Il y a aussi le fait qu’avec les sanctions de la Cedeao contre le Mali, les opérateurs économiques maliens vont se tourner vers la Mauritanie. Il s’agira, pour eux, de mener leurs opérations commerciales au niveau des ports de Nouakchott et Nouadhibou, qui vont remplacer celui de Dakar, qui percevait jusqu’ici des redevances auprès des hommes d’affaires et autres entreprises maliens.
De son côté, la Société africaine de raffinage (Sar) va être affectée par les mesures prises contre Bamako. Puis que les produits d’hydrocarbures issus du raffinage étaient acheminés vers le Mali pour ce qui concernait ce pays.
En outre, le futur port de Ndayane dont la réalisation avait pour but, entre autres d’augmenter le trafic en direction du Mali et de l’intérieur du pays, va en subir les contre-coûts.
Au regard de ces chiffres et données, Dakar perd au change ! Pour la junte militaire au pouvoir au Mali, ces sanctions «illégales et illégitimes» sont le fruit d’une manipulation extérieure. Le «gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extra régionales aux desseins inavoués», a déclaré le Colonel Abdoulaye Maïga, en tenue militaire pour une des rares fois qu’il s’exprime à la télévision nationale.
Selon le gouvernement du Mali, les textes sous-régionaux ont été violés par l’Uemoa et la Cedeao. Concernant l’Uemoa, le Mali estime que l’embargo constitue une violation du Traité de l’Uemoa et des statuts de la Bceao. Bamako déclare aussi que le gel des avoirs d’un Etat, des entreprises publiques et parapubliques ne saurait être appliqué par la Banque centrale, qui reste un organe indépendant.
Concernant la Cedeao, le gouvernement malien dénonce et rejette les décisions de : «Fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Mali, suspension des transactions commerciales avec le Mali, le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales de la Cedeao.» «Ces mesures ne sont fondées sur aucun texte communautaire», assure le gouvernement malien
Riposte…
A Bamako, la riposte à ces mesures de la Cedeao et de l’Uemoa ne s’est pas fait attendre. Ainsi, le Mali décide de rappeler ses ambassadeurs accrédités dans les Etats membres de la Cedeao et de la fermeture de ses frontières terrestres et aériennes avec les Etats concernés. Ce n’est pas tout, le gouvernement du Mali annonce qu’il se réserve le droit de réexaminer sa participation à l’Uemoa et à la Cedeao.
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