Nous autres qui aspirons à diriger ce pays, car c’est bien la cause de notre engagement politique, devrions gagner davantage en sérénité, et endosser la responsabilité d’instaurer un climat de paix durable, sans laquelle nulle aspiration aussi noble soit-elle ne peut s’exprimer valablement.
«La démocratie est en danger quand des impulsions éclipsent la raison, quand l’invective masque les perspectives, (…) la démocratie est menacée quand l’exemplarité vient à manquer», affirmait François Hollande.
Il ne croyait pas si bien dire, car il ressort de la lecture des événements du mois de février de l’année passée dont nous subissons encore les contrecoups au rythme des polémiques fumeuses et sonores qui infestent les réseaux sociaux, que l’histoire Ousmane Sonko-Adji Sarr est bien partie pour marquer durablement le landernau politico-social de notre fragile Sénégal.
Il y a des malheurs impossibles à passer sous silence. Il y a des tragédies qui empêchent d’avancer, de la nature de celle qui aura coûté au Sénégal quatorze vies innocentes dont le deuil ne peut être fait en l’absence d’une Justice qui en désigne les responsables et juge les coupables.
De culpabilité justement, parlons-en : je ne puis comprendre que Ousmane Sonko seul se dresse contre un Peuple et ses institutions, pour soi-disant défendre son honneur dans la rue, pour une affaire de mœurs dont il a posé personnellement et individuellement les actes, par une sombre nuit de couvre-feu.
Il doit savoir qu’accuser la Justice d’être le bras armé d’un pouvoir déterminé à l’éliminer du champ politique, c’est effectivement nier que «les institutions sont la garantie du gouvernement d’un peuple libre contre la corruption des mœurs, et la garantie du Peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement», comme l’affirmait Saint Just.
Traiter l’institution judiciaire d’être partial bien avant que d’avoir fait face aux accusations dont on fait l’objet revient à prédire la suite de ce procès inéluctable face à Adji Sarr, et cela constitue un appel à l’insurrection, une cynique manière de dire à l’opinion de se dresser sur le chemin de la Justice, en empêchant par la force que la loi règle cette histoire entre adultes responsables.
«Nier est l’art de ceux dont les actes sont en disgrâce avec leurs discours», disait bien fort à propos Patrick Louis Richard. Ousmane Sonko ne peut prêcher l’exemplarité, jeter l’anathème sur tout le monde et se proclamer seul homme politique propre, et ensuite, comme si de rien était, par une de ces entourloupes dont il a le secret, tenter de se tirer d’une galère dont il est l’unique et seul responsable, en développant une théorie du complot qui le fait plonger dans un délire paranoïaque inquiétant.
Henri Becque disait qu’«il y a des engagements si sérieux qu’un homme perd son honneur à ne pas les remplir». Ousmane Sonko devrait avoir soif de Justice pour laver son honneur bafoué, si tel est le cas.
Pour ce, dans l’intimité de sa conscience, il doit avoir du cœur, pour paraphraser la fameuse tournure de Don Diègue, car, «être courageux dans l’isolement, sans témoins, sans l’assentiment des autres, face-à-face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force» !
La conscience ne ment pas, elle est véridique dans son jugement. Avoir autant de morts sur la conscience pèse, certainement. L’homme qui se regarde dans ce miroir et entend sa voix lui dire clairement qu’il est coupable ou responsable des actes qui ont conduit à la situation insupportable de tension permanente dans laquelle baigne le pays doit se sentir bien mal dans sa peau.
Ousmane Sonko a beau feindre et dissimuler, nier et jeter la faute sur le régime du Président Macky Sall, quand bien même il a convaincu une bonne partie de l’opinion que «le monde politique, à l’instar de la forêt tropicale, se nourrit de ses propres déchets», nous n’en pensons pas moins que «nous finissons toujours par avoir le visage de nos vérités» selon la belle formule de Albert Camus.
La vérité surgira dans cette affaire qui nous prend tous en otage. Les actes qui en sont à l’origine sont subrepticement passés sous silence, et les mots ont pris leurs places. De toutes parts, se dressent des réquisitoires qui vouent aux gémonies Adji Sarr, et conduisent à l’échafaud Mamour Diallo.
Soyons clairs, je ne condamne ni ne dédouane personne, ce n’est ni mon rôle ni ma fonction. Mais ma posture d’acteur politique et même, mieux, mon statut de simple citoyen qui a pleuré les morts évitables de cette affaire m’obligent, autant qu’à tout le monde, d’appeler à cesser les polémiques futiles et de promettre l’enfer à nos concitoyens.
Que les principaux protagonistes de cette sombre tragédie sachent, une bonne fois pour toutes, qu’«on est souvent traqué par la vérité et obligé de lui rendre les armes».
Cette vérité ne peut être celle de Ousmane Sonko. Elle ne sera pas celle de Adji Sarr. Ni de Mamour Diallo. Encore moins celle de Macky Sall.
Ce sera celle que sanctionnera le verdict du juge.
Cissé Kane NDAO
Président Ader