Avec les événements du mois de mars 2021, le Sénégal sort des pires douleurs de son histoire moderne. Quatorze (14) jeunes, à la fleur de l’âge, sordidement tués. Leurs familles et la Nation, toujours dans le deuil et l’incompréhension de l’accomplissement de cette tragédie, s’interrogent.
D’une histoire de mœurs, on a frôlé le drame avec une nation balafrée dont la montée du communautarisme ethnique, religieux et régional est sans précèdent.
Dans une publication, j’affirmais que les Présidents Wade et Sall étaient les plus grands bâtisseurs de l’Afrique de l’Ouest, mais ils avaient beaucoup péché dans l’implémentation d’une Administration moderne, mais surtout dans la consolidation de cette jeune Nation en construction. Ainsi, au-delà des contraintes économiques, la stabilité sociale et politique est un défi majeur à relever au regard de la géopolitique sous-régionale et mondiale. Pourtant, on ne semble rien retenir de la fragilité de notre équilibre sociopolitique. Le dialogue (divergence d’opinion), moteur de la démocratie et de l’Etat de droit, est rompu laissant place à l’invective, la délation, la violence et les menaces. Pourtant, dans une République démocratique, il est permis de se combattre sans animosité parce que la liberté et la loi se concilient.
Ma conviction est que notre Etat de droit, si imparfait soit-il, est de loin préférable aux passagères et sournoises dictatures militaires voisines. Cette conviction profonde est qu’aucun Sénégalais ne peut affirmer que la voie de la confrontation physique et des insanités verbales soit le chemin le plus sûr et le plus court vers un Sénégal plus stable et plus juste. Ma conviction est que l’installation d’une République moderne implique une loyauté et beaucoup de confiance aux institutions qu’on s’est employé à tracer pour l’élaboration de nos règles de vie. Même si sa Justice n’a pas toujours rassuré du fait de certains des hommes qui l’ont incarnée, elle reste l’unique voie autorisée, en démocratie, à régler les différends entre concitoyens.
Finalement, ma conviction est que cette affaire de mœurs n’a fait que révéler le vrai visage du nouveau type de Sénégalais : lâche, méchant, menteur, malhonnête et manipulateur. Chaque camp a sorti sa meute de chiens enragés prêts à jeter l’opprobre sur son adversaire. On tire sur tout et tous les coups sont permis, pourvus qu’ils soient létaux. Aujourd’hui, le droit au déshonneur est légalisé et certainement le droit de tuer sera envisageable demain. Les libertés de parole et de discernement sont confisquées. Le terrorisme intellectuel s’est emparé de l’espace médiatique, intimidant toute formulation d’opinions contraires aux leurs. Une seule alternative avec deux éventualités : les vendus et les immaculés. Alea jacta est (le sort en est jeté) ! Comment sommes-nous arrivés à cet abîme ?
Que reste-t-il de ce beau pays qui, un jour du 7 mars 1820, a porté le nom des femmes de Nder qui ont préféré la mort au déshonneur ?
Que reste-t-il de ce beau pays qui, un jour du 26 octobre 1886, a porté le nom de Diop, en l’honneur de Lat Dior, qui a donné sa vie pour défendre sa Patrie ?
Que reste-t-il de ce beau pays qui, au jour du 5 septembre 1895, a porté le nom de Cheikh Ahmadou Bamba qui a fait honneur à l’Afrique en défiant le pouvoir colonial français ?
Que reste-t-il de ce beau pays qui successivement, a porté les noms de Abdoul Kader Kane, El Hadj Omar, Moussé Bouri Déguène Codou Dieng, Aline Sitoé, Mamadou Diop ? (Liste non exhaustive)
Des cendres de ces héros naquirent des hérauts, thuriféraires, qui ont déstabilisé ce pays. Ils n’ont jamais servi ni la Patrie ni le prince. Au nom du Peuple, ils ont défendu leurs propres intérêts, foulant au pied les fondements sociopolitiques de notre Nation. Ils ont précipité la déchéance de l’Etat et brisé nos supports socioreligieux, moraux et politiques. Ah ! Ils se disent influenceurs.
Ces hérauts ont enfanté des zéros, victimes du reste, à qui on a confisqué tout espoir parce que sans éducation, sans formation et sans perspective. Ils préparent leur revanche avec, pour seul moyen, la violence. Le chaos est à craindre.
Sahir NDOYE
onclesah@yahoo.fr