Après le Sud du pays, les trafiquants de bois ont élu leurs quartiers à Missirah, qui est en train de perdre plusieurs hectares de forêts. Face à ce pillage organisé, les populations ont décidé elles-mêmes de protéger leur environnement en traquant les pillards.Par Abdoulaye FALL

– A Missirah, la forêt est en train de disparaître. Dans cette partie de la région de Tambacounda, elle n’offre plus ce paysage luxuriant qui faisait son charme. Agressée par les trafiquants de bois, consumée par les feux de brousse, elle a perdu plusieurs centaines de pieds d’arbre. Faisant partie des derniers massifs forestiers du pays, la forêt de Missirah risque de disparaître bientôt si des mesures fortes ne sont prises pour la sauvegarder, ont alerté des populations, qui ont décidé de porter leurs tenues d’agents des Eaux et forêts.
Ces derniers temps, leur forêt est devenue la cible de trafiquants qui ont semblé changer de zones de pillage. «Au lieu du Sud, c’est l’Est qui est maintenant visé. Pas plus tard que ce vendredi, les populations ont constaté une attaque à outrance de l’espace. Plusieurs dizaines d’arbres ont été recensés fraîchement abattus dans la forêt», s’est étranglé  Koliké Tandian de l’association Bassobé niohon déma. Pire encore, un camion lourdement chargé de troncs a été appréhendé par les populations à l’entrée de la ville, ce mercredi. «Ce sont des centaines de troncs qui ont constitué sa cargaison. Le camion s’est embourbé dans les eaux d’un tuyau de robinet qui a pété. Sinon, nous ne l’aurions pas vu. Nous sommes sidérés et très inquiets quant à l’avenir de la forêt», a fulminé le président de l’association.
Aujourd’hui, les villageois soupçonnent une combine en haut lieu. Et ils ont décidé de prendre les choses en main pour préserver leur environnement. «Il y aurait une complicité en haut lieu, sinon un tel pillage de la forêt ne saurait se justifier. Les délinquants semblent être protégés. Sur les lieux du pillage, on y a retrouvé tout un arsenal laissé par les délinquants. Ce qui montre qu’ils y avaient élu leur quartier général», accusent les défenseurs de l’environnement à Missirah. «Désormais, ce sont nous-mêmes qui veillons sur l’exploitation des ressources de la forêt. Si le pillage continue, il n’y aura plus de forêt à Missirah. Nos deux associations, Bénafa et Bassobé niohon déma, ont mutualisé leurs efforts pour protéger la forêt», note M. Tandian. Que faites-vous ? «Nous y menons des pa­trouilles régulières et veillons constamment à sa protection. Ce qui a permis d’appréhender ce camion lourdement chargé de troncs d’arbres. Trois sites ont été recensés, complètement pillés par les délinquants forestiers. Plusieurs dizaines d’espèces d’arbres y ont été coupées. Avec parfois certains arbres dont le diamètre du tronc dépasse les 90 cm voire 1m. Ce qui a fait mal aux populations, c’est que beaucoup d’arbres qu’on a recensés, abattus, sont des espèces protégées», enchaîne M. Tandian, passablement agacé par cette situation. «C’est inadmissible, tonne le sexagénaire. Je suis un ancien  émigré de la France. Je suis à la retraite depuis longtemps. Seule­ment, je ne peux pas continuer de voir la forêt être attaquée.» Ensemble, les villageois veulent barrer la route aux trafiquants. «Ils veulent jeter leur dévolu sur notre forêt. Mais, ils nous trouveront sur leur chemin. Traqués de tous bords dans la zone Sud, c’est l’Est du pays qu’ils veulent maintenant piller. Et si l’Etat n’y prend garde, sous peu, il n’y aura plus de forêt dans cette partie orientale. Imaginez que des dizaines de troncs sont régulièrement coupés dans la forêt. A la longue, que restera-t-il du site», s’interrogent-ils.
En tout cas, les populations demandent une meilleure im­plication des autorités. «L’Etat a aussi un rôle à y jouer. Un seul agent ne peut pas surveiller toute une forêt qui s’étend sur plusieurs kilomètres. Il faut qu’il y soit affecté un nombre suffisant d’éléments des Eaux et forêts pour assurer sa surveillance», note le sexagénaire.
Pour l’instant, ils demandent au Service régional des Eaux et forêts de Tambacounda de tirer au clair cette affaire. «Trois camions ont été appréhendés et 2 ont pris la fuite. Cette affaire ne doit pas être traitée à la légère, car le préjudice causé est incommensurable. C’est toute une forêt qui a été pillée», assure le vieux Koliké Tandian.
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