Un début, des pas franchis, des obstacles… comme tous les grands évènements, la Biennale de Dakar a son histoire. Un nouveau chapitre s’écrit à partir de ce jeudi 19 mai.Par Moussa SECK

– Le site internet consacré à l’évènement rappelle qu’il a été institué en 1989, «avec une première édition dédiée à la littérature, en 1990». A la deuxième édition (celle de 1992), la biennale sera réservée à l’art contemporain, «avant d’être définitivement consacrée à la création africaine contemporaine à partir de 1996». La Biennale de Dakar, Dak’Art, en est aujourd’hui à sa trentième année et a permis à plusieurs talents du continent de rayonner. Du Sénégal à l’Egypte, en passant entre autres par le Bénin, la Tunisie, le Maroc ou encore le Nigeria, ils débarquent dans la capitale sénégalaise, les yeux brûlant du désir de remporter le Prix Léopard Sédar Senghor. Il va alors sans dire que «c’est un grand événement», ainsi que souligné par l’ancien secrétaire de la Biennale de Dakar, Mbaye Babacar Diop. Pour le professeur d’esthétique, de philosophie de l’art et de la culture (département de philosophie, Ucad), c’est «la plus grande rencontre consacrée à l’art africain contemporain sur le continent et même dans le monde». L’ancien secrétaire de la biennale rajoute que la pérennité de cette dernière (trentenaire, rappelons-le), est à saluer. Car, dit-il, «il y a d’autres biennales en Afrique qui n’ont pas pu aller loin».
La Biennale de Dakar a ainsi su traverser le temps. Dak’Art a su durer. Et pour beaucoup d’artistes, le fait d’exposer durant cette rencontre artistique internationale relève de la réalisation d’un vœu cher. Le jeune artiste Pape Niang verra le sien prendre forme à travers l’exposition qu’il fera de ses toiles en cette édition 2022 du Dak’Art. Le peintre de confier : «Quand on était étudiant, on rêvait de participer à la biennale, parce qu’on voyait nos prédécesseurs y prendre part. Nous entendons donc emprunter la même voie qu’eux et essayons de marcher sur leurs traces.» Cette année, l’étudiant qui officiait en 2016 comme médiateur chargé d’expliquer des toiles, laissera les siennes pénétrer la sensibilité du public. De quoi le rendre enthousiaste…
Il a ex­­té­riorisé son attachement au mouvement à travers ses réalisations regroupées sous le thème Paris-Dakar, et s’en réjouit d’avance. D’avance, puisqu’il y aura un public d’amoureux des œuvres de l’esprit pour contempler sa peinture. «On aura des critiques d’art, des galeristes, des gens expérimentés», s’extasie-t-il. L’occasion aussi d’élargir ses horizons. «On va enrichir nos agendas, parce qu’on va faire connaissance, entre artistes et passionnés d’art.» Somme toute, Dak’Art sonne en lui comme «une grandiose expérience culturelle», parce que «l’art rime avec échange, et qu’on apprend toujours des autres pour savoir comment mieux faire les choses». Le message est clair venant de Pape Niang car, pour lui, lorsqu’on est artiste, c’est être «bien gâté» que de participer à une biennale telle que celle qui s’ouvre ce 19 mai.

Les contraintes, à côté des réussites
Pape Niang n’aura certainement pas de contraintes quant au transport de ses toiles. Par contre, pour les artistes en provenance d’autres contrées, l’aspect transport peut être problématique. Du moins, il l’était du temps où le professeur Mbaye Babacar Diop était commissaire. Ce dernier revient sur les embuches qui pourraient entraver la marche de la biennale.
Selon lui, il y a «d’abord le financement de l’Etat qui arrive toujours au dernier mo­ment, alors que la biennale se prépare pendant deux ans et aussitôt après la fin de l’édition précédente. Si ce problème-là est réglé définitivement, Dak’Art va se positionner comme l’une des meilleures biennales au monde».
Im­­por­tant à souligner en outre, c’est la contrainte liée au statut de la biennale.
Le professeur rappelle qu’en effet, «elle est encore sous la tutelle du ministère chargé de la Culture». De ce fait, «les agents de la biennale sont des fonctionnaires ou contractuels du ministère. Ils ne sont pas tous formés dans le management artistique, dans les métiers de l’art ou dans le commissariat d’exposition». Ainsi, l’organisateur de la onzième édition de la Biennale de Dakar (2014) considère qu’un tel évènement «serait plus efficace si son personnel était formé dans ces différents domaines». L’analyse du professeur va plus loin : il préconise «une certaine autonomie de la biennale». Cependant, une autonomie entre guillemets, car ne signifiant pas «indépendance»… surtout «indépendance financière». Une solution ? Si ! A en croire le critique d’art et commissaire indépendant, «la gestion de la biennale peut être autonome, tout en continuant à bénéficier de la subvention de l’Etat». Il penche ainsi pour l’idée d’une «Fondation» qui, pense-t-il, «serait un bon statut, avec un Conseil d’administration qui nomme le-la directeur-trice et les agents suite à un appel à candidature».