Enda Santé a ouvert un centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre (Vbg) en Casamance fortement touchée par le phénomène. Le dispositif englobe des services sociomédicaux, psychologiques et tout l’accompagnement nécessaire dans un même site.Par Khady SONKO

– Il y a les Violences basées sur le genre (Vbg) en direction des femmes et aussi de groupes vulnérables. Ziguinchor est la troisième région la plus touchée par ce phénomène après Diourbel et Fatick avec un taux de 66% dans les ménages, selon Enda Santé. «Si l’on tient compte des résultats de l’Enquête démographique et statistique (Eds), les trois régions de la Casamance naturelle constituent le peloton de tête. Sédhiou, Kolda et Ziguinchor ont des indicateurs assez inquiétants concernant les grossesses précoces, les mariages d’enfants, les mutilations génitales féminines. On n’a pas fait d’enquête récente par rapport aux violences mais dans la dernière Enquête démographique et statistique de l’Ansd, on se retrouve avec des taux supérieurs à 70% de femmes excisées», regrette Marie Tall. La chargée de programme en Santé de la reproduction à Enda santé, basée au bureau de Ziguinchor, s’exprimait à l’issue d’un séminaire de renforcement des capacités des femmes des médias pour une meilleure prise en charge des Vbg au Sénégal. Cette formation entre dans le cadre du programme Renforcement du rôle et de la place des sociétés civiles du Sud dans la mise en œuvre d’un agenda 2030 transformateur.
204 cas de grossesse
Par rapport aux grossesses précoces, Mme Fall, la responsable genre à l’inspection d’Académie de Ziguinchor, informe : «Rien que pour l’année scolaire courante, 204 cas de grossesse ont été référés», sans compter ceux qui passent entre les mailles du filet. «204 élèves ont une grossesse qui va les obliger de quitter l’école ou perdre une à deux années de scolarité, c’est vraiment un problème qu’il faut combattre», dénonce Marie Tall.

Prise en charge des Vbg
Il est difficile de séparer une violence d’une autre, une violence sexuelle étant souvent accompagnée d’une violence physique, psychologique et parfois économique. La majorité des victimes souffrent de violences physiques et sexuelles, mais certaines font face à des violences économiques. «Refus de donner la dépense quotidienne ou la pension alimentaire pour les femmes divorcées, mais la grande majorité de ces femmes en général souffrent de coups et blessures volontaires», confirme Marie Tall.
Pour une prise en charge de qualité des victimes de Vbg, un centre dédié offre un ensemble de services nécessaires au quartier Castors, situé derrière l’université Assane Seck de Ziguinchor. Cet espace, fonctionnel depuis novembre 2021, est financé par le ministère luxembourgeois du Développement en partenariat avec Enda santé. A cet effet, il dispose d’un personnel qualifié qui assure une prise en charge médicale et psychosociale parfois juridique de toutes les victimes qui se présentent au centre. «La prise en charge psychosociale est souvent obligatoire parce qu’à chaque fois qu’une personne subit une violence, elle subit un trauma et il faut essayer de réduire ce trauma. S’il s’agit d’une violence physique ou d’une violence sexuelle, parfois cela nécessite des soins, un suivi, un acte médical. Pour ce dernier, on a une généraliste, trois sages-femmes, mais on a des partenariats avec des gynécologues au niveau de Ziguinchor qui peuvent, si besoin en est, faire une consultation gynécologique. Mais la consultation psychologique est offerte par l’assistante générale qui est la porte d’entrée pour les victimes», explique Marie Tall.

La prévention des Vbg
Pour éradiquer les Vbg, la prévention reste un élément essentiel. Enda Santé mise sur le renforcement de capacités, notamment les ateliers de partage et de formation pour les jeunes, les parents, les leaders communautaires, afin d’attirer leur attention sur les différentes formes de violence et leurs conséquences. Exemple : éduquer un enfant en lui disant constamment qu’il n’est pas intelligent, qu’il est bête, constitue une violence psychologique pour cet enfant qui va finir par ne peut rien faire de bon. «Si cet enfant n’a pas une forte personnalité, il va grandir en se disant lui-même je ne suis pas intelligent, je ne vais arriver à rien de bon… L’enfant va grandir avec ce complexe-là qui va l’empêcher d’atteindre des résultats», se désole Marie Tall. Les remarques comme «tu es gros, ou noir, maigre, court…», sont aussi méprisantes que violentes.
Pour la responsable de la santé de la reproduction à Enda Santé Ziguinchor, la sensibilisation commence par les parents dans l’éducation des enfants. Par exemple, faire comprendre «au petit garçon qu’il ne vaut pas mieux que la petite fille, qu’il n’est pas un être supérieur. Ne pas dire à la petite fille qu’elle est un être inférieur. Aussi, ne pas laisser l’éducation des enfants à la rue ou à internet ou à d’autres personnes pour les éviter d’être victimes, mais également ne pas être auteurs de Vbg».
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