Non, monsieur le professeur Yoro Dia, ne fusillez pas un seul camp, adoptez la démarche d’un vrai intellectuel qui a l’impératif devoir de s’éloigner de l’état d’âme. Toute cour royale a besoin d’un fou qui prend affectueusement le titre de «Fou du Roi». Les royaumes en ont besoin, tout comme les démocraties républicaines comme la nôtre. Dans un des billets de l’ancien ministre de la Culture du Président Wade, Monsieur Wane, il nous rappelle la phrase de Frantz Fanon, qui résonne et claque comme un rappel pressant de l’inéluctable alternance générationnelle : «Chaque génération doit, à travers une relative opacité, trouver le sens de sa mission, la remplir ou la trahir.»

Monsieur Yoro Dia, croyez-vous un seul instant que ces héros que vous citez étaient plus patriotes que Abdou Karim Guèye, Guy Marius Sagna, Barthélemy Dias, Ousmane Sonko et certains membres de la Société civile que vous pourfendez ? Qui aura empêché Cheikh Anta Diop d’enseigner à l’Université de Dakar pour mettre à la disposition des étudiants sénégalais et africains tout son savoir-faire ? Qui nous aura privés des larges connaissances de Oumar Blondin Diop ? Qui aura massacré une cinquantaine de manifestants en 1963, ici à la Médina ? Qui aura porté l’estocade à la Fédération du Mali en 1959 ? Qui aura fomenté un coup d’Etat contre Mamadou Dia en décembre 1962 ? Qui aura gracieusement offert une partie de notre territoire à la Mauritanie ? Non monsieur Yoro Dia, vos héros n’étaient pas meilleurs que cette génération consciente et plus que déterminée à dire tout haut ce que vos héros n’ont jamais osé afficher.

Guy Marius Sagna a eu le mérite de poser le slogan révolutionnaire et innovateur : «France dégage». Marius et les Karim, le professeur Cheikh Oumar Diagne, Y’en a marre, étaient les enfants chéris dans un passé récent.
Maintenant qu’ils restent toujours éloignés des compromis et compromissions, ils sont voués aux gémonies par une infime classe trop privilégiée du pays.
Non, monsieur le professeur Yoro Dia, un intellectuel doit être équidistant aux différents fronts, sans parti-pris, et chercher à se hisser au sommet, à prendre de la hauteur pour mieux apprécier afin de bien juger. Pourquoi voulez-vous rester aphone Motus Boule de gomme face à tous ces scandales financiers ? Cette situation économique et sociale qui continue de faire exploser les ménages. Le cas de l’hôpital Le Dantec serait le baromètre idéal pour mesurer la situation catastrophique du pays. Je vous recommande cher professeur Yoro Dia, de vous attaquer au système et non à des patriotes hors du commun : Guy Marius Sagna, Abdou Karim Guèye, Cheikh Omar Diagne, Barthélemy Dias, Ousmane Sonko et tant d’autres.

Malheureusement monsieur Yoro Dia, vous avez tort de vous insurger contre ceux-là même que vous qualifiez de racailles sociales. Seulement, la nature a horreur du vide. Où sont nos intellectuels qui continuent de se faire désirer ? Se seraient-ils déjà déchaussés de leurs paires de bottines, embusqués quelque part pour devenir du coup, des pantouflards bien nichés dans leur salon des mille et une nuits ? Ils auront un jour à s’expliquer devant le Peuple longtemps affaibli par les affres d’une conscience somnolente. Ce même Peuple, grâce à l’apport de ces activistes, commence à profiter d’un éveil des consciences de la meilleure des manières. Seule la lutte libère, contrairement à la malhonnêteté intellectuelle qui avilit et torture les consciences.

Ndiapaly GUEYE
Journaliste indépendant
Lanceur d’alerte
ndiapalygueye@yahoo.fr