Musique – Après 7 ans d’arrêt : Le Festival du Sahel renait dans l’incertitude

Après sept ans d’interruption, le Festival du Sahel de Lompoul reprend du 4 au 6 novembre prochain. Une édition du renouveau qui sera marquée par la présence de l’Orchestra Baobab, de Cheikh Lô et d’artistes venus du Mali et de la France. Au moment où Lompoul s’apprête à démarrer l’exploitation de son zircon en septembre 2023, c’est un nuage d’interrogations qui plane sur les lieux.Par Mame Woury THIOUBOU –
Sept ans après, le désert de Lompoul renoue avec son Festival du Sahel. L’évènement revient cette année pour une 6e édition, du 4 au 6 novembre prochain, avec en tête d’affiche : l’Orchestra Baobab et Cheikh Lô. C’est au cours d’une conférence de presse, au cœur du site qui doit abriter le festival, que le nouveau promoteur, Abdoulaye Savaré, a tracé les grandes lignes de l’évènement. Aux côtés de l’Orchestra Baobab et de Cheikh Lô, M. Savaré annonce également la présence de la Sénégalaise Chadia, d’artistes maliens et français, mais aussi de groupes locaux. «Le Festival du Sahel se veut un lieu de rencontre et d’échange des Peuples du Sahel. Son ambition est de donner une autre image du Sahel qui est souvent présenté comme une zone de désolation, de pauvreté et d’émigration clandestine. Pour nous, c’est l’occasion, pendant trois jours, de montrer une autre facette de cet espace, de présenter une partie de notre culture», souligne M. Savaré. Le festival dédié à la musique propose deux concerts chaque soir. Et à côté de ces concerts, d’autres activités sont prévues comme une résidence de photographes qui va démarrer dès ce 25 octobre. Une façon sans doute d’immortaliser les magnifiques paysages de cette partie du pays et qui risque, pour 5 années au moins, de disparaître avec le lancement de l’exploitation du zircon.
D’ailleurs, la tenue de ce festival est rendue possible grâce au sponsoring de Grande Côte Opération (Gco), la société qui va commencer à exploiter le zircon sur le site de Lompoul, après la mine de Diogo. Selon l’organisateur du festival, depuis 4 à 5 mois, la société minière a mis à disposition la moitié du budget du festival, estimé à 65 millions de francs Cfa. Et l’édition de 2023 est également déjà programmée pour le mois de décembre. Cela, même si le démarrage de l’exploitation à Lompoul est prévu pour septembre 2023. Innovation de taille cette année, c’est l’implication forte de la mairie de Diokoul. La municipalité participe en effet pour la première fois à ce festival et espère en tirer des subsides importants. Il faut dire que le festival était organisé auparavant par Adg, une agence de voyage qui était basée à Dakar.
L’équation de l’exploitation du zircon
L’exploitation du zircon dans cet écosystème singulier mettra sans nul doute en veilleuse les activités touristiques. Au total, les 7 campements touristiques qui existent dans la zone devraient recevoir des indemnisations de la part de Gco. Mais au-delà, il y a une bonne centaine de travailleurs qui vont perdre leur emploi. Mais les femmes du village de Lompoul risquent bien d’être le plus impactées par cette exploitation. Aïda Ka et ses amies sont une poignée de femmes dont l’activité reste la vente de produits touristiques : des pagnes, colliers, vêtements ou sacs et objets d’art. Elles exposent ces articles dans la joie et la bonne humeur, en attendant les touristes sur le parking du village. Mais désormais, elles sont inquiètes. «Si le désert disparait, les touristes ne viendront plus et nous n’aurons plus rien. On a peur», confie-t-elle. Selon le maire de la commune de Diokoul, Gora Gaye, des discussions sont en cours avec l’entreprise minière. L’objectif étant qu’aucune d’entre elles ne soit lésée. «Il y a des questions qui ne sont pas encore résolues, notamment concernant les travailleurs qui ne sont pas directement impactés. Gco a engagé un cabinet pour réfléchir à un projet d’envergure, dans lequel toutes ces personnes pourraient être redéployées», informe Gora Gaye. La municipalité compte ainsi se battre pour que la commune reçoive suffisamment de ressources, à la fois du festival et de la future exploitation minière. «Avec le festival, on table sur un pourcentage sur les ventes de tickets, sur des redevances à payer par les promoteurs et aussi la participation des populations à l’organisation», ajoute-t-il. Il faut dire que du côté de Gco, les assurances sont fortes quant à une réhabilitation «parfaite» du site, à l’image des dizaines d’hectares déjà réhabilités à Diogo. L’on avance même la possibilité de conserver une partie de l’écosystème, une oasis que les touristes continueraient de visiter et où pourraient se tenir les futures éditions du Festival du Sahel.
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