Qu’est-ce qui va changer avec la Cop 27 ? Probablement pas grand-chose pour l’Afrique qui continue de subir de plein fouet, les changements climatiques comme le montrent les dernières inondations vécues cette année dans la capitale sénégalaise. Selon le Giec, avec l’urbanisation croissante, des villes comme Lagos, Niamey, Kano et Dakar sont particulièrement exposées.Par Justin GOMIS –

Avec la Cop 27 ouverte hier en Egypte, les pays africains, moins pollueurs et plus exposés aux changements climatiques, vont essayer de faire entendre leur voix : l’Afrique contribue pour 2 à 3% aux émissions mondiales, mais le changement climatique menace d’exposer jusqu’à 118 millions d’Afri­cains… Le sixième rapport d’évaluation du Giec montre une situation beaucoup plus dramatique à l’échelle sous-régionale : les températures moyennes annuelles et saisonnières de l’Afrique de l’Ouest ont augmenté de 1 à 3°C depuis le milieu des années 1970, les hausses les plus importantes étant enregistrées au Sahara et au Sahel. A 1,5°C, 2°C et 3°C de réchauffement climatique, les températures annuelles mo­yennes de surface en Afrique de l’Ouest devraient être supérieures à la moyenne mondiale. Alors que le nombre de jours de chaleur potentiellement létale pourrait atteindre 50 à 150 jours par an pour un réchauffement climatique de 1,6°C et 100 à 250 jours par an pour un réchauffement climatique de 2,5°C, avec les augmentations les plus fortes dans les zones côtières. Les enfants nés en 2020 seront, en cas de réchauffement climatique de 1,5°C, exposés à 4 à 6 fois plus de vagues de chaleur au cours de leur vie que ceux nés en 1960. Du côté de la zone tropicale de l’Afrique de l’Ouest, le risque de mortalité lié à la chaleur est de 6 à 9 fois plus élevé que la moyenne des années 1950-2005, à 2°C de réchauffement climatique. «Avec l’urbanisation croissante, des villes comme Lagos, Niamey, Kano et Dakar sont particulièrement exposées», indique le Giec.

Pour les vagues de chaleur marines, il est prévu une augmentation de fréquence, d’intensité, d’étendue spatiale et de durée dans toutes les zones côtières d’Afrique. Pour la pluviométrie, les précipitations devraient diminuer à l’Ouest et augmenter à l’Est, avec une réduction de la durée de la saison des pluies dans l’ouest du Sahel et aussi des épisodes de fortes pluies plus fréquents et plus intenses avec des émissions moyennes à élevées. Ce qui augmentera l’exposition aux inondations.

Ce tableau décrit aussi la situation en cours au Sénégal. Il a connu de terribles inondations à la suite d’une succession de pluies diluviennes poussant l’Etat à déclencher le Plan Orsec. Le coût humain des chan­gements climatiques est lourd : la destruction des op­portunités économiques, des biens et des services, des habitations, l’accès à la santé et l’éducation va être entravé. Bien sûr, l’exposition des populations aux catastrophes a une incidence sur l’augmentation de l’extrême pauvreté.

Pour Alioune Ndoye, il y a une situation «injuste au niveau mondial». «Aujourd’­hui, nous avons des énergies que nous devons commencer à exploiter d’ici 2023. Il y a une demande à freiner l’exploitation des énergies fossiles. C’est là que nous insistons sur la notion de responsabilité commune. Certes nous devons faire des efforts, mais celle-ci doit être différenciée et tenir compte des spécificités des différents pays dont le nôtre», admet le ministre de l’Environnement, du développement durable et de la transition économique.

Avec la guerre en Ukraine, la géopolitique mondiale a changé. Plusieurs pays qui devaient renoncer aux très polluantes énergies fossiles dans les prochaines années, ont décidé de continuer à poursuivre l’exploitation en attendant de trouver une alternative au gaz russe. Comme l’Allemagne. Pour un pays comme le Sénégal, c’est le début d’une nouvelle ère avec l’exploitation du gaz et du pétrole en 2023. Il rappelle que «certains pays retournent aux énergies fossiles à grande échelle». Comme «le charbon qui est polluant». «Certains pays, très rigides sur cette question, exploitent presque de façon exagérée, le charbon. Le Sénégal a aujourd’hui un mix énergétique qui est de 30 à 31%», souligne M. Ndoye. Il rappelle que «peu de pays peuvent se targuer d’avoir fait ces efforts».

A Sharm-el-Sheikh, les dirigeants africains devraient rappeler aux grandes puissances, qui sont les plus grandes pollueuses, leurs engagements. «Nous sommes les pays les plus impactés, et durement impactés. Nous sommes moins coupables parce que nous ne polluons pas plus de 3 et 3 et demi%, et les plus fragiles en termes de lutte contre les effets néfastes contre le climat», souligne-t-il. En tant que président de l’Union africaine, Macky Sall «devra parler certes pour défendre les intérêts de son pays, mais surtout il sera la voix de l’Afrique pour défendre les intérêts de l’Afrique, et même les pays les moins avancés tels que les petits Etats industriels».
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