Au passage de la «Caravane de la liberté» initiée par le leader du parti Pastef le 26 mai 2023, la station-service Total de Vélingara a été la cible de manifestants qui ont détruit les pompes et vidé la boutique. Le gérant de ladite station, Mamadou Lamine Badji, fait le bilan des casses et appelle l’Etat à une indemnisation.Avez-vous compris quelque chose au mobile des pillages dont la station-service Total de Vélingara a fait l’objet par des jeunes manifestants en mars 2021 comme en mai 2023 ?
Pour les casses de mars 2021, je me suis dit qu’il s’agissait d’une erreur. Le Sénégalais aime imiter. Je me suis dit que les jeunes manifestants ont dû imiter ceux des autres grandes villes du Sénégal, où il y a eu des casses. Pour cette fois-ci, j’ai été surpris et déçu à la fois. Après les premières casses, j’ai essayé de sensibiliser un certain nombre de jeunes leaders locaux, qui m’ont assuré que cela ne se répéterait plus. Malheureusement, ça s’est répété… en pire. Les dégâts auraient été plus catastrophiques si l’intuition ne m’avait pas guidé pour demander à la citerne qui devait décharger du carburant de vider les lieux et stationner à la gendarmerie de Saré Coly Sallé, alors que rien ne laissait présager qu’une destruction de la station allait se passer le jour de l’arrivée de la caravane du parti Pastef.
Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi ma station seulement à chaque fois. Nous sommes 4 stations-services ici. Aucune pierre n’est tombée sur les autres stations. Et je crois être en bons termes avec tout le monde. Les manifestants ont caillassé mes 2 véhicules, 3 pompes-double, la borne à air, ainsi que la boutique où ils ont tout pris, jusqu’à l’ordinateur où est stockée la situation des commandes et autres transactions.
Ne croyez-vous pas que c’est plus la marque Total qui est visée et non votre personne ?
La marque est française, mais la station n’appartient pas à des Français. C’est notre argent que nous avons mis dans cette station. Le Directeur national de Total est un Sénégalais, un «Mbacké-Mbacké». Plusieurs agents se sont succédé ici comme gérants, parmi lesquels il n’y a aucun Français. C’est à partir des bénéfices que nous réalisons que nous payons nos employés, qui sont tous des Sénégalais. Certains sont natifs de Vélingara. Les jeunes de Vélingara doivent comprendre que cette station leur appartient, elle appartient à des Sénégalais, et ce sont leurs amis et parents qui y travaillent.
Pouvez-vous évaluer la valeur des pertes subies ?
Une seule pompe coûte environ 7 millions de francs, nous en avons 3 caillassées, la boutique, c’est au bas mot 3 millions 500 mille, tout a été emmené, les vitres sont toutes cassées, il y a d’autres casses mineures. C’est tout au moins 30 millions de francs de perdus.
Quel sort pour vos employés ?
Ils sont en chômage technique. Ce qui est compréhensible puisqu’ils sont payés à partir des bénéfices réalisés. Je me suis débrouillé pour payer les salaires de fin mai. Car la casse a eu lieu le 27 mai. Je ne crois pas que cela puisse être le cas pour fin juin. Il n’y a pas de vente, donc pas de bénéfices. Ils sont une dizaine d’employés (pompistes, laveurs, graisseurs, techniciens de surface).
Quel temps devra prendre ce chômage technique pour vos employés ?
On ne peut l’estimer. Les 3 pompes sont irrécupérables, selon le technicien dépêché ici. Il faut commander d’autres pompes, ce qui est du ressort de Total. Ça peut prendre 1 mois ou plus. Pour la première casse, nous sommes restés 2 mois sans travailler.
Espérez-vous obtenir une indemnisation de la part de l’Etat ?
En tout cas, pour la première casse, on n’a rien reçu de l’Etat qui, pourtant, nous avait demandé de fournir une situation documentée des pertes subies. Ce que nous avons fait, mais rien jusque-là, depuis 2021. Nous sommes en train de constituer un dossier pour la casse de fin mai 2023. On verra ce que cela va donner.