Paralysé par un souci de moyens qui constitue une tare congénitale, le G5 Sahel a perdu un pilier de son existence avec le départ du Mali. Ce qui complique sa tâche et pousse ses responsables à opérer un réajustement stratégique, tout en espérant le retour de Bamako qui a aussi mis à la porte cette semaine la Minusma.

Qu’en reste-t-il ? Créé en 2014 à Nouakchott, le G5 Sahel était composé de 5 pays, à savoir la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Face à la poussée djihadiste, il vise à garantir des conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres, offrir un cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vie des populations, allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique.
Aujourd’hui, ce n’est plus un G5. Avec le retrait du Mali, qui a décidé de s’allier avec Wagner, cela change tout. Général Mohamed Znagui Ould Sid’Ahmed Ely, chef du Bureau de défense-sécurité du G5 Sahel, ne change pas de vision : «Le G5 Sahel n’a pas changé de mission, ni d’enjeux. Sa mission est d’assurer le développement de l’espace du G5 Sahel dans la paix et la sécurité de ses populations.» Mais, il ne se voile pas la face : «La priorité, c’est la sécurité parce que l’espace du G5 Sahel est confronté à une insécurité qui se développe de jour en jour. La Communauté internationale, et particulièrement la Communauté africaine, ne s’est pas beaucoup mobilisée pour nous venir en aide.» La force n’a jamais réussi à décoller à cause d’un problème de budget, même s’il avait son QG à Nouakchott. «Quand le G5 Sahel a demandé 400 millions de dollars, on le lui a refusé. Les partenaires, au premier chef desquels les Nations unies, avaient promis une contribution de 60 millions de dollars, avec des conditionnalités à l’appui. Aujourd’hui, l’Ukraine a reçu 67 milliards de dollars», compare le patron de l’Institut panafricain de stratégies, Cheikh Tidiane Gadio. Pendant ce temps, la menace s’amplifie. Elle avance et gagne beaucoup plus de terrain qu’avant. Le Général Znagui lance : «On fait d’abord appel à nos frères africains, ensuite aux partenaires internationaux, pour leur dire que c’est le moment d’agir. C’est le moment d’aider le G5 Sahel à juguler cette menace terroriste pendant qu’elle est au Sahel.» Elle menace toutes les autres parties de l’Afrique. «Il est grand temps que les frères africains se mobilisent face à cette déferlante terroriste sur le continent», supplie-t-il.
Avec le retrait du Mali il y a un an, le dispositif stratégique de déploiement du G5 Sahel change. «Le Mali est un Etat central dans le G5 Sahel. Son retrait a créé un fort déséquilibre et une incohérence de la disposition des forces du G5 Sahel. Il n’y a plus de continuité territoriale. Les fuseaux de la force conjointe transfrontalière ont été dissous d’office», renseigne le Général Mohamed Znagui Ould Sid’Ahmed Ely. Le Mali a des frontières avec le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie. Pour s’adapter à la nouvelle situation, le Général Znagui avance un réajustement tactique essentiel : «Le G5 est en train de mener une réflexion et de revoir son concept opérationnel pour s’adapter à la nouvelle donne. Il faut dire que c’est difficile de s’adapter, mais on est flexible. Le Mali est toujours central et le restera toujours dans l’espace du G5 Sahel. Les ministres, les chefs d’Etat ont lancé un appel à nos frères et amis du Mali pour regagner leur famille, et nous ne désespérons pas.» Peu probable ! Après le G5, le Mali a obtenu le départ de la Minusma, qui va faire ses bagages le 31 décembre prochain.