La culture revit et porte l’empreinte de Sira Ouroundou Ba. En poste depuis une année à Diourbel, elle fait revivre la culture et replace son service, naguère confiné à l’identification des artistes pour le Fesnac, sur l’échiquier régional. Le Quotidien est allé à la rencontre de cette dame toujours sur le qui vive.
Dans quel cadre a été organisée cette journée de spectacles ?
C’est dans le cadre de la célébration des Journées nationales du patrimoine qu’on a organisé un carnaval de la diversité culturelle qui se termine ici par un spectacle de la diversité culturelle parce qu’on a essayé de représenter toutes les communautés de la région de Diourbel (les Sérères, les Wolofs, les Laobés, les Maures et les Peuls). On veut sortir tous les éléments du patrimoine culturel immatériel comme certaines chansons, des danses comme le takhourane qui ont tendance à disparaître et qu’on veut à travers cette journée revisiter, se ressource et tirer ces valeurs culturelles et morales qui peuvent demain être une motivation pour nos jeunes qui ne connaissaient pas ce patrimoine de la région.
Pourquoi n’avez-vous pas jugé nécessaire de faire visiter aux enfants des monuments culturels afin de leur inculquer certaines valeurs ?
C’est important et c’est dans nos projections. On a une activité «Enfance, culture» qui va démarrer en juillet. Ce moment sera mis à profit pour amener les enfants à visiter les monuments et sites historiques de la région. Un panel sera co-organisé avec l’Université Alioune Diop de Bambey et l’occasion sera saisie pour visiter les champs de bataille de Ndiardéme, Lambaye pour faire connaître aux enfants le riche patrimoine du département de Bambey.
Il y a un renouveau au Centre culturel régional avec beaucoup d’animations et une présence assidue des artistes. Quelle est la touche de Mme Dieng ?
On essaie d’apporter une animation au niveau de la ville de Diourbel, mais aussi dans tous les départements. Je me suis dit que je suis régionale, je ne dois pas seulement rester à Diourbel. On a des journées qui ont été institutionnalisées au niveau national comme international. J’essaie de donner à chaque département l’opportunité de prendre une journée. La Journée mondiale du théâtre a été célébrée à Diourbel, la Journée de la danse a eu lieu à Mbacké et le panel de la Journée du patrimoine aura lieu à Bambey.
Cela fait plus d’un mois que la municipalité de Diourbel a offert aux artistes un matériel musical. Certains vous indexent de l’avoir bloqué et de refuser de donner l’autorisation pour le démarrage des activités. Que répondez-vous ?
On a tenu une réunion avec les acteurs parce que je tenais à discuter avec eux. J’ai une démarche inclusive. C’est un matériel destiné aux acteurs culturels, aux musiciens particulièrement. Donc, c’est avec eux qu’on peut décider comment gérer ce matériel parce que ce sont eux les bénéficiaires. On a pu tenir cette réunion et on a arrêté de faire des compétitions pour que chacun puisse venir s’inscrire et faire une audition. Ensuite, les membres de l’orchestre seront choisis. J’ai écrit au directeur de l’Orchestre national pour qu’il puisse nous assister techniquement et faire des auditions afin qu’on puisse choisir les membres de l’orchestre qui, et je le rappelle, est un orchestre communal. C’est cela qu’on attend.
Pouvez-vous donner une date pour le début des auditions ?
On a écrit au ministre pour que le directeur de l’Orchestre national puisse se déplacer et voir si le matériel est complet ou non. C’est après que les auditions vont démarrer.
Quelles sont les difficultés au niveau du centre culturel ?
La principale difficulté, c’est l’absence de mur de clôture. Le problème de sécurité et d’entretien. La salle de spectacles qui n’est pas adaptée à l’épanouissement des acteurs culturels parce qu’elle a des échos. Ce sont des constructions de Chinois ; donc qui ont été conçues à l’image de celles de leur pays. Ils ont fait des grilles d‘une longueur de 1,5 m. Ce qui porte un préjudice au centre culturel. L’absence de mur pose un problème réel de sécurité parce que là, les grilles s’étant abîmées, les gens rentrent n’importe comment. Avec un seul agent de sécurité, c’est très difficile de tout contrôler. Je crois qu’avec un mur de clôture, les difficultés pourront être atténuées. Cela pose aussi le problème d’entretien parce que dès que la technicienne de surface finit son travail, le centre est exposé parce que se situant au niveau du marché Ndoumbé Diop. Nous avons aussi un problème fréquent de coupure d’électricité et de baisse de tension parce que le centre est connecté en fin de ligne. Nous ne pouvons même pas travailler correctement, il y a des baisses de tension fréquentes. L’internet en souffre. La connexion est quasi-impossible. Je suis en train de voir avec le chef d’agence de la Senelec comment remédier à ce problème.
Avez-vous pensé à la délocalisation du centre ?
Délocalisation du centre ? On a pensé à cette alternative, mais j’avoue que ce n’est pas facile. On a eu à proposer au ministère de la Culture et de la communication de trouver un site avec les autorités locales pour construire un centre qui répondrait d’abord aux normes parce que là nous sommes en face de la maison d’arrêt et de correction et du marché central Ndoumbé Diop où il se passe tous les jeudis un marché hebdomadaire et c’est devant le centre culturel qu’ils étalent leurs marchandises. Cela pose problème. S’il y a une possibilité avec les autorités municipales de trouver un site, je sais que le ministère ne trouvera pas d’inconvénients à construire un complexe culturel. Je l’avais soulevé en réunion et je sais que le ministère est très ouvert à cette proposition. Il reste maintenant à discuter avec les autorités locales pour savoir si c’est possible.
Sur le plan des ressources humaines, disposez-vous d’un personnel suffisant ?
Je suis seule comme personnel du Centre culturel. J’avais un adjoint qui vient d’être affecté à Fatick. Je me retrouve seule avec un personnel prestataire de service bénévole.
La culture est une compétence transférée. Est-ce que les collectivités locales vous viennent en appui ?
J’avoue que la mairie de Diourbel fait quelque chose pour la culture. Pas en tant que service technique, mais elle soutient les acteurs culturels. Récemment, un matériel musical a été mis à la disposition des musiciens parce que la mairie veut créer un Orchestre communal. L’année dernière lorsque je venais juste d’arriver, j’avais trouvé une dotation en carburant que j’espère sera renouvelée. En tant que service à compétence transférée, je pense que la mairie ou le Conseil départemental ou bien une autre collectivité locale pouvait prendre en charge la salle de spectacles, le mur de clôture, mais malheureusement on souffre de cela. Les collectivités locales pensent que les fonds de dotation servent à accompagner les acteurs culturels.
A vous entendre, c’est comme si les collectivités locales ne font pas appel à vos compétences techniques…
Sauf la commune de Diourbel. C’est la seule et unique collectivité locale de la région qui fait appel à nous.
Lors de la répartition des fonds de dotation, avez-vous été consultée ?
Peut-être parce que je suis nouvelle dans la région, mais je n’ai pas reçu à ce jour de convocation pour ce qui concerne la répartition des fonds de dotation pour le secteur qui me concerne. J’ai écrit au gouverneur et au préfet.
La bibliothèque est-elle fournie en matériels didactiques ?
Présentement, nous avons tous les livres inscrits aux programmes scolaires des lycées et collèges dans la bibliothèque. Nous avons maintenant une bibliothèque bien fournie. Il y a une politique de documentation que le ministère a mise en place depuis cinq ans. Et toutes les années, il dote toutes les bibliothèques régionales de nouveaux livres. Il prend en compte les besoins des élèves. On ne manquait que de Germinal de Emile Zola, mais le problème est réglé.
Est-ce que les gens lisent à Diourbel ?
Oui, la bibliothèque est très fréquentée.
Que répondez-vous à ceux-là qui pensent que la culture rime seulement avec folklore ?
La culture, ce n’est pas cela seulement. La culture, c’est tout ce qui reste quand on a tout perdu. Notre mission dépasse tout cela. On a aussi une mission de valorisation de notre patrimoine et de notre savoir-faire traditionnel.
Malheureusement, le service n’est pas bien connu. Que comptez-vous faire à ce niveau ?
Le service n’est pas connu. On est en train de travailler à sa promotion. Parce que les gens ont une appréhension. Ils savent qu’il y a un service administratif ici, mais ils pensent que c’est pour les artistes. Notre mission et notre rôle dépassent tout cela. Nous avons la mission de valorisation le patrimoine culturel et le savoir-faire traditionnel qui n’est pas bien encadré. Par exemple, quand on prend l’habillement, la confection, la broderie, c’est Diourbel qui fournit tous les marchés du Sénégal, particulièrement les marchés de Dakar en perles, en pagnes. C’est de l’art, les gens pensent que c’est pour la Chambre des métiers alors que c’est pour la culture.
Est-ce que le ministère ne gagnerait pas à déconcentrer ses services au niveau départemental pour faciliter le travail ?
Il y a un projet du ministère en ce sens. Le ministère va vers des directions régionales de l’action culturelle. Des directions qui auront des services de l’action culturelle au niveau de chaque département. Pour un premier temps, le ministère va commencer par les capitales et chaque chef de service aura à sa disposition trois adjoints qui auront chacun un département. Et ensuite, les services départementaux seront créés.
2017, Année de la culture, et rien ne bouge pour le moment à Diourbel. Qu’est-ce qui explique cette léthargie ?
On n’a pas l’accompagnement des collectivités territoriales, on n’a pas les moyens de notre politique. Nous n’avons que l’appui du ministère de la Culture et de la communication qui est juste un budget de fonctionnement. Il y a des activités que les collectivités locales devraient appuyer, mais malheureusement elles n’ont rien fait. Maintenant, il y a une activité phare qu’on va dérouler et qui sera clôturée pour cette année. Ce sera un Salon de la lingerie africaine où des pays de la sous-région et les régions de Thiès et Louga seront invitées. Les savoirs traditionnels seront valorisés pour montrer la créativité de la région de Diourbel. Le projet sera épaulé par Cheikh Faye. Au niveau central, il y a des projets qui sont élaborés, mais il n’y a pas un projet typique pour Diourbel. Il faut maintenant pour ce salon qui termine l’année culturelle que les collectivités locales se l’approprient.
Est-ce que les acteurs culturels fréquentent le centre ?
Les acteurs fréquentent le centre. Ce sont les comédiens, les rappeurs et les acteurs de la culture urbaine qui le fréquentent le plus.