Profil – Photographe au Fouta : Mamoudou Basse, la mémoire en image

La Journée internationale de la photographie a été célébrée ce 19 août. En cette occasion, Le Quotidien fait le portrait de l’un des plus célèbres photographes du Fouta. Entre 1997 et 2012, Mamoudou Basse, parce que c’est de lui qu’il s’agit, a fait la pluie et le beau temps de la photographie, car de Bokidiawé à Galoya et de Kaédi à Saré Liw, il a été le photographe préféré. Seul le flash de son appareil faisait plaisir aux populations. Et au-delà d’un métier, Mamoudou considère la photographie comme un art, à l’image des artistes-chanteurs Demba Ndiaye Ndilane qu’il a eu à héberger chez lui à Ouakam avant de s’installer définitivement à Thilogne.Par Demba NIANG –
A Thilogne comme un peu partout au Fouta, on le connaît plus par son nom que son prénom. Basse se rappelle encore l’année 1994, car c’est en cette année qu’il achète son premier appareil-photo appelé autrefois 110 pour, dit-il, «pratiquer l’art de la photographie». Ses premiers pas se feront en solo puisqu’il n’a pas eu de maître. Les premiers mois qu’il consacre à la photographie, au labo, Basse se rendait compte qu’il prenait des photos sans tête ou pied. Mais dans la tête du futur célèbre photographe du Fouta, c’était le temps de l’apprentissage. Celui qui considère la photographie comme un art finit au bout de quelques mois, par maîtriser le b.a.-ba de la photographie professionnelle. Il s’achète alors un nouvel appareil, un Pentax K 1000 à 40 000 francs. L’appareil est vétuste, mais il est conservé dans un paquet et bien emballé. Il porte même un nom : «ngaabdi» (porte chance en français). Durant trois ans, sa maîtrise se renforce et son nom circule dans les rues de Ouakam. En 1997, il passe la fête de Tabaski à Thilogne, sa ville natale. Le voyage se fait bien sûr avec son appareil photo et plusieurs pellicules. Et c’est l’épuisement des pellicules qui vont sonner la fin de son séjour. Faute de pellicules, il ne peut plus prendre de photos et reprend donc le chemin de Dakar quelques jours après la Tabaski de 1997. Mais c’est juste pour préparer un retour plus définitif. Rentré à Dakar, il prendra ses affaires pour retourner à Thilogne mettre en place son premier studio-photos.
A partir de cette date et jusqu’en 2012, Basse photographe a sillonné de nombreuses localités du Fouta pour des reportages dans les mariages et baptêmes. Durant ses séjours hors de Thilogne sur demande de clients, d’autres venus du Diéri et du Dandé Maayo l’attendaient à la maison car le studio ne désemplissait pas. Cette célébrité, le photographe la doit plus à la qualité de ses photos, mais aussi à son humeur car l’homme est éloquent et comique. Basse a bien vécu son art, pour ne pas dire son métier, car il a pu construire sa maison, y installer l’électricité (la ligne était très éloignée de chez lui avant les années 2000) et ainsi équiper son labo. Pour satisfaire sa clientèle, le photographe préféré des Foutankés en ce temps-là, allait chaque semaine à Dakar dans les grands labos pour la reproduction de ses photographies. Une autre date marquante de la vie du photographe, c’est l’année 2009. Cette année-là, à cause de l’étroitesse du studio installé dans sa maison, il déplace celui-ci près de la Route nationale no2, et jusqu’en 2012, ses appareils continueront à crépiter à plein régime.
Photographe autodidacte
Photographe de la vieille école, Basse ne cache pas sa préférence pour les appareils argentiques qui, pour lui, «dégagent le professionnalisme du photographe». Basse révèle : «J’ai eu plusieurs fois la chance ici à Thilogne comme dans d’autres localités, de faire l’album d’une mariée et de la fille de celle-ci, mais à des années de différence.» Son appareil photo lui a permis de visiter le Fouta d’est en ouest et du nord au sud, de même que la Mauritanie. Vecteur de cette nostalgie qui l’étreint au moment de dérouler le cahier de ses souvenirs, le photographe use d’une interjection : «Haa goranam !» Elle exprime à la fois le regret et la nostalgie du temps perdu. Ce temps où les séances se succédaient, mariages comme baptêmes, ou simplement des photos souvenirs de précieux moments et qui seront accrochés aux murs des chambres. L’homme révèle : «Un jour, un client est venu dans mon studio me commander une photo et m’a payé 10 000 francs.» Une fortune pour un tel service. Souvenir pour souvenir, Basse dit avoir gravé dans sa tête les 150 000 francs qu’il a gagné à Galoya après avoir photographié un album de 102 photos lors d’un mariage. Il confie : «Je ne suis pas près d’oublier car on devait me payer 50 mille, alors imaginez, j’ai eu le triple.» Fervent talibé Tidiane et lié à la famille de Thierno Mamadou Seydou de Madina Gounass, il dit avoir rendu service avec son métier de photographe. Aujourd’hui, avec l’arrivée des appareils électroniques et téléphones Android, Basse photographe n’est pas inquiet car avec son âge (54 ans), la retraite l’appelle et il est prêt à répondre. Autodidacte, Mamoudou Basse a vécu de son art et a eu à former plusieurs jeunes à la photographie. Et comme beaucoup de photographes du Fouta, il lui arrive de se convertir en caméraman pour immortaliser certaines cérémonies comme les ziarras et mariages encore aujourd’hui.
Correspondant