Bio-bibliographie de Me Wade

Né à Saint-Louis le 29 mai 1926, Abdoulaye Wade appartient à la première génération d’Africains diplômés de l’école fédérale de formation des instituteurs d’Aof : Ecole Normale William Ponty, créée à Saint-Louis en 1903. Après avoir obtenu des diplômes de Mathématiques élémentaires et supérieures au lycée Condorcet à Paris, il étudie le Droit à l’université de Franche-Comté-Besançon et à l’université de Grenoble, en France. Il est également diplômé d’Economie et effectue un stage en économétrie à l’université de Boston aux Etats-Unis en 1967. Professeur de Droit, Abdoulaye Wade enseigne à la Faculté des sciences juridiques de l’université de Dakar (dont il est élu Doyen en 1970). Avocat, il travaille comme consultant international pour l’Oua, la Bad et autres institutions multilatérales panafricaines.
Membre de plusieurs organisations internationales parmi lesquelles on peut citer l’Aca­démie Internationale de Droit Comparé (Stockholm, Suède), l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (Paris, France), International Academy of Trial Lawyers (San Jose, California), Me Wade est président d’Africa-WIC, Wade Interna­tional Consulting, Ajman, Emirats. Il est aussi auteur de nom­breux articles en Econo­mie, Droit et Sciences juridiques et de plusieurs ouvrages dont L’Economie de l’Ouest-africain : Unité et croissance, Présence africaine, 1964, «La doctrine économique du Mouridisme», in Annales de la Faculté de Droit et des Sciences économiques et Interafricaine d’éditions, Dakar, Sénégal, 1965, «Le transfert technologique», in Revue économique, Paris, 1968. C’est en tant que président de la République du Sénégal qu’il a écrit Un destin pour l’Afrique, publié aux éditions Michel Lafon en 2005.

Le Pds : des origines à l’an 2000
A l’indépendance en 1960, la vie politique au Sénégal est marquée par le monopartisme de fait qui, toutefois, n’a duré qu’une décennie avant d’être abandonné au profit d’une ouverture démocratique. Cette ouverture, connue plus tard sous l’appellation de «multipartisme limité», permet la naissance d’une opposition parlementaire constituée principalement de quatre formations politiques dont le Parti démocratique sénégalais (Pds), créé le 8 août 1974.
A ce moment, il n’y avait pas encore de législation sur les courants de pensée.
Le Pds, au cours de son 1er congrès tenu à Kaolack du 30 au 31 janvier 1976, s’attribue l’étiquette ainsi que la doctrine du socialisme-travailliste. Mais lorsque la loi sur les courants de pensée politique est intervenue, le parti est contraint de se référer au courant libéral et démocratique, tout en restant fidèle à sa base doctrinale qu’est le social-travaillisme par lequel il entendait élaborer son projet de société visant la réalisation, par la voie de la démocratie, d’une société démocratique et socialiste, en supprimant toutes les formes d’inégalités, d’injustices, d’exploitation et d’aliénation, et en mettant à profit, au bénéfice de la nation, des ressources naturelles, intellectuelles et morales du pays, l’indépendance nationale et l’unité africaine.
A sa création, le Pds se voulait alors une opposition contributive. En novembre 1975, il participe, sans succès, aux élections municipales à Diourbel et à Louga, puis à l’élection présidentielle de 1978. Son candidat, Me Abdoulaye Wade, fondateur du parti, est battu par le Président Senghor, mais le Pds remporte 18 sièges à l’Assem­blée nationale. Ainsi débutait un long périple de vie d’opposant qui allait durer près de trois décennies, jusqu’au 19 mars 2000 quand Me Wade dont la candidature était portée par une vaste coalition politique dénommée Fal 2000, accédait enfin à la tête de l’Etat du Sénégal.

Les grandes réalisations du Président Wade
Dès le début de son magistère en 2000, le Président Wade s’engage dans une politique volontariste hautement pragmatique qui tranche carrément avec les vingt ans d’immobilisme de la Présidence de Abdou Diouf (1981-2000). Il lance une rafale de grands chantiers pour accompagner le développement attendu et multiplier ainsi les emplois dont la jeunesse sénégalaise a un besoin très urgent. Sans rompre avec la spirale de l’aide et de l’endettement, le régime de l’«Alternance 2000» se donne les ambitions d’une entreprise ouverte aux initiatives privées. Le désengagement de l’Etat sur le plan macro-économique se veut total. Il est confirmé par la Politique de redéploiement industriel (Pri) en 2002 et la privatisation de sociétés comme la Sonacos.
Parallèlement, le régime met en place un programme d’urgence visant à relancer les cultures vivrières (Goana, Plan Reva, etc.). Le Dsrp (2002-2003) a permis de réaliser une croissance économique de 5%, une maîtrise de l’inflation à hauteur de 2% et une amélioration de la gestion des finances publiques. Aussi, la Stratégie de croissance accélérée (Sca 2005-2015) devrait permettre au Sénégal d’atteindre le stade de l’émergence à l’horizon 2015. C’est sous le régime libéral que le pays s’ouvre et se connecte au reste du monde, avec l’avènement de la téléphonie portable, l’ordinateur et l’Internet. On assiste à la multiplication des organes de presse, des télévisions privées naissent et les radios se multiplient. Dans sa vision «développementaliste», le Président Wade accorde une grande importance à l’éducation et à la formation, sans lesquelles, pensait-il, un pays ne peut pas se développer. A cet effet, après avoir lancé la densification de la carte scolaire et universitaire, le régime consacre 40% du budget de l’Etat au secteur de l’éducation et à la formation.
Toutefois, si le passage de Wade au pouvoir avait connu un plein succès au regard de tout ce qui est rappelé ci-dessus en termes de réalisations tant sur le plan matériel qu’immatériel, et qui ont donné au Sénégal une nouvelle allure dans sa marche vers l’émergence, il est important aussi de noter que le régime libéral avait été confronté à des problèmes qui lui ont valu d’importantes critiques de la part du Peuple sénégalais. Ces critiques allaient être déterminantes dans la chute du Président Wade en 2012. A l’élection présidentielle du 25 mars 2012, il est battu (au second tour) par le candidat de la Coalition Benno bokk yaakkar (Bby), son ex-Premier ministre, Macky Sall, actuel président de la Répu­blique du Sénégal qui, aujourd’­hui, fait face aux mêmes critiques que son prédécesseur.

La portée des actions du Président Wade
Les critiques dont le régime libéral avait fait l’objet durant, notamment, son second magistère, en réalité, n’auraient jamais été possibles si le Président Wade n’avait pas levé les «censures» sur les libertés et mis à la disposition du Peuple sénégalais les moyens de la critique de l’Etat, dans une sorte de «glasnost» à la sénégalaise. Toutefois, malgré les insuffisances de son régime et les critiques ayant entraîné sa chute en 2012, Me Wade a quand même le mérite de la Nation sénégalaise pour lui avoir permis de rompre avec l’«immobilisme» et de sortir du marasme économique dans lequel le régime socialiste l’avait plongé.
Le Président Senghor avait certes le mérite de s’être battu pour l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale et d’avoir posé les fondements d’une Nation sénégalaise stable et respectée à l’international, mais il avait freiné le développement du pays. Abdou Diouf s’est inscrit dans la continuité «senghorienne» et, pendant ses vingt ans au pouvoir (1981-2000), les acquis de son prédécesseur ont certes été bien consolidés, mais il n’a pas pu faire mieux dans les domaines de l’économie et de la société.
Quand Wade est arrivé, il a changé complètement les mentalités, éveillé les consciences, accordé toutes les libertés, entrepris de grands travaux dans le domaine des infrastructures, démocratisé l’accès à l’éducation et boosté la productivité. Son passage au pouvoir a été un véritable déclic vers le changement social et l’émergence économique. Sans le Président Wade, en vérité, le Sénégal ne serait pas à ce niveau de stabilité qui fait sa particularité dans la sous-région. En plus, le pays aurait mis encore plus de temps pour arriver à son niveau actuel de progrès économique et social.
A ce titre, le Peuple sénégalais doit avoir l’honnêteté de lui reconnaître le rôle primordial qu’il a effectivement assumé dans l’orientation du pays vers la voie du changement (le «Sopi»). Aujourd’hui, malgré les réalisations de haute facture de son successeur, Macky Sall, les Sénégalais se plaignent toujours et font au régime en place les mêmes reproches qu’ils avaient faits au régime libéral, il y a douze ans. Ce qui doit amener les intellectuels à réfléchir sur les vrais problèmes du pays afin de comprendre les raisons qui font que, malgré les efforts colossaux fournis par les régimes successifs, dans presque tous les domaines, les résultats n’ont jamais été à la hauteur des attentes de la population.

Moustapha CAMARA
Professeur d’histoire et de géographie mcamara57@yahoo.fr