Cheikh Omar Diaw dit Bouli est un artiste-comédien, acteur, formateur, metteur en scène. Jouant dans la série «Njabaar» (entendez le maraboutage), ce dernier nous parle de son parcours dans le théâtre et le cinéma.

Parlez-nous de Serigne Bouli, le personnage que vous incarnez dans «Njabaar» ?
Je suis natif de Kaolack et j’ai grandi à Dakar, je suis originaire du Djolof. Serigne Bouli, c’est un personnage que j’incarne dans «Njabaar». Le travail se résume à deux faces, il y a un travail que l’on élabore, qu’on demande à exécuter sans pour autant demander l’avis des uns et des autres, et il y a un travail déjà élaboré qui adopte une démarche inclusive en prenant en compte l’avis de ceux qui sont appelés à le dérouler. Je veux saluer les responsables d’Evenprod, une structure production, qui sont venus me voir dans le cadre de la diffusion de la série télévisuelle «Njabaar» et à qui j’ai proposé de porter le surnom de Bouli dans le rôle qui devait me revenir, qui est d’incarner le rôle de marabout. Bouli, c’est un ami avec qui j’ai appris le métier, il s’appelle Oumar Boun Khatab. Chez les Socés, au lieu de dire Boun Khatab, on préfère dire Bouli. Une fois qu’on m’a expliqué comment ce personnage devait être et que le rôle qu’il devait incarner appelle une extravagance et un langage cru, je me suis dit qu’il faille que ce personnage porte le sobriquet de Bouli, pour être conforme à ce personnage. C’est ce qui a conduit à ce que je choisisse Serigne Bouli.

Dans quelle troupe théâtrale évoluez-vous ?
J’évolue dans la troupe théâtrale de «Daaray Xaamlé» de Grand Médine dont je suis le président, je suis en même temps leur metteur en scène. Parce qu’il y avait Alé Niang qui était aux manettes dans cette troupe théâtrale et notre regretté père Mamadou Diop, que Dieu ait pitié de son âme. Alé est affecté à Sédhiou et avec le décès de Mamadou Diop, la charge m’est revenue de diriger la troupe théâtrale. C’est une troupe qui compte de jeunes talentueux acteurs. Il y a beaucoup d’acteurs dans les séries télévisuelles, le cinéma ou le théâtre sur scène qui sont issus de notre troupe théâtrale. Ils sont tous formés à «Daaray Xaamlé» qui est une école de formation.

Avant «Njabaar», quelles sont les autres productions dans lesquelles vous aviez joué ?
J’ai pris part à plusieurs pièces de théâtre. C’est «Njabaar», avec le personnage Serigne Bouli que j’incarne, qui constitue la série qui m’a révélé au grand public. Parce que j’ai participé à des sketchs qui passaient sur Walfadjiri avec les Tan Bombé, Tony, j’étais le marabout qui les trompait en se gavant des poulets qu’ils préparaient. J’ai pris part à la série télévisuelle où j’incarne le personnage qui se nomme Bil, produite par Pikini Production de Alioune Ndiaye. J’y incarne le personnage qui avait un handicap au bras. Je dirais que c’est la série qui m’a le plus marqué pour la bonne et simple raison que ma mère est décédée des suites d’un Avc. J’ai incarné ce personnage qui avait un Avc dans cette série, ce qui fait que lorsque je jouais ce rôle dans cette série, toute mes pensées sont allées vers ma regrettée mère, pour qui je prie afin que le Paradis lui soit accordé par Dieu.

Quel message cherchez-vous à faire passer à travers «Njabaar», avec le rôle qui vous est dévolu dans cette série télévisuelle ?
Serigne Bouli est un personnage que j’ai adopté dans «Njabaar» pour tout simplement éveiller les consciences. Il y a ceux qui sont experts dans leur domaine, alors que d’autres n’y connaissent rien et ne cherchent qu’à tromper leur monde. Tout est sens dessus dessous. Serigne Bouli ne connaissait absolument rien et recourait à l’expertise de Serigne Dieumbory pour donner l’impression que c’est lui qui est à l’origine des résultats que ses obtiennent une fois qu’ils louent ses services. C’est pour dire qu’il y a du courtage dans tous les domaines. La série cherchait à mettre en avant les marabouts qui maîtrisent ce qu’ils font, contrairement aux autres qui n’ont aucune connaissance.

Vous êtes aussi actif dans le cinéma ?
J’ai participé à plusieurs films dans le cinéma. J’ai pris part au film «Dem-Dem» dans lequel j’ai travaillé avec un Français du nom de Christophe. Ce film a été projeté au Sénégal à plusieurs reprises. J’ai participé au film «La pirogue» de Moussa Touré. J’ai joué dans «Minuit» qui est un film dans lequel j’incarne le personnage de minuit. C’est un film réalisé par un Belge. «Capitaine» est le dernier film auquel j’ai participé. Je suis revenu avant-hier (dimanche) d’Italie pour les besoins de ce film. Ce film, je l’ai joué au Sénégal, mais c’est en Italie qu’il a été projeté. Matteo, qui est le réalisateur et producteur de ce film, fait partie des 4 grands réalisateurs du monde. C’est le jour du Magal que je suis parti en Italie. Le film a remporté trois trophées au Festival de Venise dont l’un a été remporté par Mattéo en tant que réalisateur, et le film a été distingué à travers un trophée remporté par Seydou, l’acteur principal. Il y a aussi Moustapha, un autre acteur sénégalais, qui a joué dans ce film. Je peux dire que c’est une victoire pour moi, pour avoir participé à ce film qui a été primé et dans lequel il y a 135 Sénégalais ont été recrutés pour faire ce film qui a été tourné au Maroc, au Sénégal et en Italie. Je suis Sisco dans «Capitaine». Khady Sy, c’est la mère de Seydou, l’acteur principal. Elle a pris part au film «Capitaine», elle est de l’Arcots Dakar. Ce film sera diffusé en France, aux Etats-Unis. Il sera diffusé au Sénégal, même si on ne connaît pas encore la date de sa diffusion. Des décorateurs ont joué leur partition dans ce film.

 De quoi parle le film «Capitaine» ?
«Capitaine» parle de l’émigration clandestine. J’y ai joué le rôle de celui qui est le plus expérimenté pour avoir tenté plusieurs fois l’aventure de l’émigration clandestine. Une fois que je parviens à réaliser mon rêve, les choses ne se passent comme prévu et je décide de retourner au bercail. En somme, je conseillais ceux qui tentaient de rallier l’eldorado à travers les pirogues.

Pensez-vous que des solutions peuvent être trouvées pour mettre fin à l’émigration clandestine ?
Des solutions peuvent être trouvées pour mettre fin à l’émigration clandestine. Je pense que l’une des solutions réside dans la formation des jeunes, qu’on arrive à les aider à avoir un métier et qu’on les aide surtout à travailler après pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs parents. On m’a demandé de rester travailler en Italie, j’ai refusé en leur disant que je veux servir mon pays à travers le théâtre. Mieux vaut rester dans mon pays que d’aller ailleurs. Même si tout n’est pas rose, je préfère rester au Sénégal. J’ai 100 jeunes sous ma responsabilité que je forme au théâtre. Si je choisis de rester en Italie, est-ce que je ne risque pas de compromettre leur avenir ?

 Cela veut dire que vous ne vous plaignez pas. Vous gagnez bien votre vie à travers le théâtre ?
Je joue pour gagner quelque chose. J’entretiens ma famille avec les cachets que je gagne, et que je ne souhaite pas dévoiler. Le cinéma paie beaucoup plus. Ce que je gagne dans le cinéma est beaucoup plus consistant que dans les séries télévisuelles sénégalaises où on me paie par journée. Je suis payé par séquence dans le cinéma et par journée dans les séries télévisuelles. J’ai gagné 520 mille francs par séquence dans le film «Capitaine». J’ai tourné deux séquences.

Je ne fais pas de concession, parce que c’est mon métier. Je l’ai appris avec Mamadou Diop, un formateur qui a travaillé avec Jean-Pierre Leurs, il a formé Ibrahima Mbaye Sopé, Mame Mor Thioune, beaucoup d’artistes comédiens.  Alé Niang, qui est comédien, a été aussi formateur. J’ai remporté les prix de meilleur artiste zonal dans le théâtre populaire, de meilleur artiste de la Semaine de la jeunesse. La vie est faite de hauts et de bas. Les difficultés existent partout.

Les séries télévisuelles semblent être prisées par les Sénégalais, même si le théâtre sur scène se signale avec des productions ?  
Chaque week-end, au Centre Blaise Senghor, il y des spectacles de théâtre qui y sont produits. Il y a des pièces qui sont rachetées par des producteurs européens pour les ramener en Europe. Le problème est que s’il y a des producteurs du côté des séries télévisuelles qui parviennent à décrocher des sponsors, ce n’est pas le cas au théâtre sur scène, qui manque de producteurs. C’est ce qu’on déplore. Si le théâtre sur scène arrive à disposer de producteurs, ça ne ferait que du bien au secteur qui compte beaucoup de jeunes qui s’y investissent, mais qui ont fini par intégrer les séries. Beaucoup de producteurs rechignent à mettre leur argent dans le théâtre sur scène. Les rares qui osent y mettre leurs billes le font avec leurs propres moyens, parce que n’ayant pas de partenaires pour les accompagner. Je tire mon chapeau au Centre culturel Blaise Senghor qui se bat pour développer le théâtre sur scène.

Serez-vous opposé à ce que vos enfants fassent du théâtre comme vous ?
Je ne serai pas opposé à ce que mes enfants deviennent des acteurs comédiens dans le futur, s’ils souhaitent le devenir. Parce qu’on ne peut embrasser un métier avec lequel on est parvenu à entretenir sa famille et dire qu’on est contre que sa progéniture choisisse ce métier. C’est comme si ce que nous faisons n’est pas du tout bien. Mais ce que je ne veux pas qu’ils connaissent, ce sont les dures situations que j’y ai vécues. Parce qu’au Sénégal, quand on est artiste, bonjour les difficultés, parce qu’on n’est pas suffisamment accompagné. Ceux qui sont destinés à vous aider ne le font pas. Vous êtes laissé à vous-même. Vous êtes obligé de vous battre pour trouver votre place au soleil. Quand on atteint le sommet, c’est difficile de distinguer ceux qui vous aiment et ceux qui ne vous aiment pas. Si mes enfants veulent faire ce que je suis en train de faire, je les orienterai pour franchir les obstacles. Le théâtre constitue un travail noble. «Keur Baye Ngoné» est une série qui passe actuellement sur la Sen Tv, réalisée par Ousseynou. J’y joue le rôle de Djiagaan.

Vous ne pratiquez pas que le théâtre et le cinéma ?
Non, je suis aussi tailleur. J’ai mon atelier qui se trouve aux Parcelles Assainies. Je reprends le travail demain (mardi), après avoir observé deux jours de repos.
Parlez-nous de votre association créée pour venir en aide aux artistes-comédiens…
Nous avons mis en place l’Association pour le développement social et la solidarité pour aider les artistes à disposer d’un toit. Nous sommes en train de négocier avec des promoteurs immobiliers pour arriver à concrétiser ce vœu. Nous disposons aussi d’une couverture maladie universelle et d’une assurance. Notre association est forte de plus d’une centaine de membres. Tane Bombé est le président, Souleymane Sow, le président d’honneur. Moussa Dieng est le trésorier et Lébou est le commissaire aux comptes. Ousseynou Béye est le Secrétaire général et je suis le porte-parole de l’association.
Recueillis par Amadou MBODJI –ambodji@lequotidien.sn