Le raout de Marrakech aura vécu, jamais une assemblée du Fmi et de la Banque mondiale en terre africaine sous le signe du financement climatique et de la réforme de ces institutions de Bretton Woods n’a créé autant de remontrances et de déception sur le continent. Sur la pauvreté, la dette ou le surendettement, les promesses du G7 sur les Droits de tirages spéciaux et enfin sur le financement des effets climatiques, l’Ag de Marrakech est restée muette après ses bombances au royaume chérifien. La montagne a vraiment accouché d’une souris. Tout au plus de vœux pieux pour l’Afrique.

Impulsion de réformes urgentes, catalyseur d’initiatives de relance, le Groupe de la Banque mondiale semble bousculé par les urgences tous azimuts sur le continent, et surtout pour l’usure et l’’ineffectivité de ses instruments traditionnels d’intervention. Les problématiques sont trop complexes sur le continent dans un monde en devenir et en mutations continuelles. La bureaucratie de Bretton Woods doit réinventer ses interventions. Malheureusement, elle ne peut le faire car ne parvenant plus elle-même à se reformer et évaluer son action sur le continent.

L’Afrique, ce sont 4000 milliards Us dollars de Pib, soit moins de 3% du Pib mondial, 1.2 milliard d’âmes pour 45% de taux de pauvreté, bientôt 30 millions de jeunes sur le marché de l’emploi chaque année sur le continent dont plus de la moitié de jeunes filles sans diplôme universitaire. Enfin, 21 pays identifiés, présentant un risque élevé de surendettement extérieur,  le Tchad, la Zambie et le Ghana, ont ainsi entamé des efforts de restructuration de la dette, afin de rétablir la viabilité et reconstituer l’espace budgétaire. Un tableau presque désespérant qui résume 60 ans de pilotage économique, social et financier du continent sous l’égide du Fmi et de la Banque mondiale. La prochaine revue de nos pays par Fitch, Moody’s et Standard & Poors n’augure rien de rassurant pour notre continent et l’Investissement direct étranger en prendra un coup.

Depuis les politiques d’ajustement structurel des années 70 et 80, puis de privatisation et de réformes libérales subséquentes des années 80-90, ensuite de relance et d’alignement au consensus de Washington après le plan Brady des années 2000, et enfin aujourd’hui de déficit chronique des balances de paiement, de croissance à un seul chiffre avec une inflation souvent à deux chiffres, de chômage endémique et endettement ou sur-surendettement, c’est l’échec des thérapies de Bretton Woods. L’Asie a ses tigres et a émergé depuis ; mais l’Afrique dépend plus que jamais des matières premières brutes et ne parvient même plus à se nourrir convenablement, avec une agriculture rudimentaire, au rendement faible, fortement impactée par les changements climatiques. L’industrie et l’industrialisation presque embryonnaires. 75% des exportations de marchandises en Afrique en 2020 sont des matières premières, les produits manufacturiers n’en représentent que 9%, souvent des consommations intermédiaires ou produits semi-finis.

Dans ce contexte, le Fmi et la  Banque mondiale se tournent enfin vers le secteur privé. En 60 ans de relations institutionnelles avec nos Etats, leurs politique et démarche auront contribué à marginaliser ce secteur privé au profit d’administrations rigides, non-réformatrices, tatillonnes, qui ne donnent aucune place à un secteur privé dynamique et conquérant. Tout au contraire, c’est le secteur informel qui en a profité sur tout le continent, accentuant nos économies désarticulées et trop peu fiscalisées. La Sfi, Miga et Cirdi sont juste des instruments ad-hoc de financement  pour les mines et hydrocarbures afin d’aider les pays du Nord à s’approvisionner en matières premières pour leurs besoins. Il serait intéressant d’évaluer l’impact des financements de la Sfi dans la création d’activités à haute intensité de main-œuvre pour atténuer un tant soit peu le chômage massif des jeunes sur le continent.

Le secteur privé en Afrique,  hormis quelques réussites éparses comme Dangote au Nigeria, reste juste anecdotique sur un continent qui n’impose aucune réforme d’envergure pour le travail, l’initiative privée, la productivité et l’innovation. Même une réforme foncière qui booste le secteur agricole est devenue impossible.

Le secteur privé africain n’est pas du tout prêt pour ce nouveau rôle -le Fmi et la Bm sont dans l’incantation-, osons d’abord les réformes de tout ordre pour libérer la fluidité du capital et son allocation optimale, combattre la corruption dans nos administrations, la formation d’un capital humain dense et diversifié, surtout dans le numérique, l’ingénierie et l’environnement, qui sont les bassins d’emploi de demain. L’Afrique a besoin d’une croissance inclusive et holistique pour ces jeunes hommes et femmes avec son secteur privé comme catalyseur et aiguillon.
 
Moustapha DIAKHATE
 Ex-Conseiller Spécial Primature
 Consultant en finance d’infrast.