Pour accompagner ses dix ans de carrière en solo qu’il fêtera sur scène l’an prochain, le rappeur français d’origine guinéenne, Black M, s’est doté d’un quatrième album intitulé La Légende Black. L’ancien membre du collectif Sexion d’assaut y décline le présent en s’appuyant sur son passé.

Rap à l’ancienne ? Black M assume, dès la première phrase de son nouvel album, et rappelle à ses potentiels détracteurs en guise de mise au point liminaire, qu’il a «fait quelques diamants», allusion à ses succès certifiés par l’édition phonographique. Pour donner une suite à Il était une fois… paru en 2019 (un vendredi 13, comme le suivant quatre ans plus tard !), le quasi quadragénaire s’est inspiré d’une des chansons de son tout premier Cd, il y a près d’une décennie, dont il a fait cette fois le titre de son nouveau projet. Entre passé et présent, le lien se manifeste aussi à travers la participation de LeDoc, autre nom du Docteur Bériz, complice de longue date, déjà présent sur La Légende Black, le morceau, et qui apporte ici son chant à deux reprises.

La notion de fidélité dans l’univers de Black M se voit aussi ailleurs, en particulier dans le choix des producteurs-compositeurs avec lesquels il a finalisé ces quatorze titres qui enrichissent son répertoire. Sur trois d’entre eux, on retrouve Stan-E, qui figurait déjà sur les albums de la Sexion d’assaut et a apporté ensuite son savoir-faire à ses différents membres lors de leurs aventures en solo, avant de s’illustrer en tant que Stany cette année avec Pi ! Pou ! (Et la joyeuse bande des Ghetto Kids ougandais, stars des réseaux sociaux, pour le clip).

Autre habitué, responsable de sept chansons : Dany Synthé, déjà sollicité à l’époque des Yeux plus gros que le monde en 2014. Perméable aux influences de la musique congolaise avec laquelle il a grandi, ce pianiste de­ve­nu beat­maker a été l’artisan de quel­ques hits de Gims, MHD, et travaillé avec Papa Wemba peu avant la disparition du roi de la sape. Il était aussi en featuring sur C’est Dieu qui donne, le single sorti en avril dernier par Black M, avec la participation du Malien Sidiki Diabaté…, mais qui étrangement ne figure pas sur La Légende Black.

Le rappeur d’origine guinéenne avait déjà enre­gistré Mama avec le Petit Prince de la kora en 2018, prévu pour un album annoncé comme un retour aux sources aux couleurs de l’Afrique, finalement avorté malgré des duos avec le Sénégalais Youssou Ndour, l’Algérien Kader japonais ou le Guinéen Kandia Kora.
S’il s’est produit à Conakry en 2016, Black Mesrimes, c’est ainsi qu’il se faisait appeler à ses débuts, allusion au film sur le braqueur Jacques Mesrines, avait dû affirmer ses attaches avec son pays de naissance la même année à travers Je suis chez moi, réponse musicale à la polémique suscitée par sa programmation à Verdun dans le cadre des commémorations de la Grande Guerre. Au regard du tumulte politique dans lequel il s’était alors retrouvé à son insu, ce petit-fils de tirailleurs sénégalais (nom donné dans l’Armée française à une partie des troupes coloniales) s’était promis qu’on ne l’y reprendrait plus et évite désormais de prendre position sur certains sujets. De quoi alimenter cette image de rappeur familial, non clivant, pour un public de 7 à 77 ans, même si cela ne l’empêche tout de même pas d’affirmer certaines convictions. En témoignait en 2019 Monsieur l’agent, réaction aux bavures policières, et aujourd’hui Le Pouvoir, pointant le racisme, astucieusement articulé avec le standard Black Brown And White de Big Bill Broonzy, chanteur de blues américain de la première partie du XXe siècle.

Sans remonter aussi loin, d’autres morceaux de La Légende Black font référence à des tubes qui ont marqué le rappeur dans sa jeunesse dans les années 90 : Alpha (son prénom à l’état civil) est une version personnalisée du Lève-toi, bats-toi des Neg’Marrons, invités pour l’occasion, tandis que Bye, en duo avec son épouse Léa Djadja, fait remonter le souvenir de Ménélik, l’un des premiers représentants de la jeune scène hip-hop française à avoir rencontré un succès populaire. En revendiquant cet héritage, Black M affirme un peu plus son positionnement.
Rfi Musique