Elle suit son plan de carrière et un album titré «Plan B» vient s’ajouter aux deux qu’elle a déjà sortis. Adiouza a officiellement présenté sa nouvelle production. Par Moussa Seck –

C’est l’histoire d’un princesse, d’une presque princesse dans son imaginaire et qui ne demandait qu’à atteindre la Ville Lumière pour donner corps à son rêve. Seulement, la réalité fut autre et la rêveuse a fini par manger aux restos du cœur. Les deux mondes parallèles cohabitent dans le texte que Adiouza raconte en chanson. Une musique d’ailleurs vient soutenir l’expression d’un rêve brisé dans une langue wolof pour dire une réalité vécue par des milliers d’autres, qui étaient ivres d’une vie à la Cendrillon mais qui, ayant quitté leur village, virent que ville et cité, étaient plus mirage qu’autre chose. La désillusion qui traverse l’histoire d’une Princesse à Paris n’empêche pas la douceur dans le rendu. Rendu, dans lequel on entend un vieil air musical qui a accompagné, dans plus d’une chanson à travers l’Afrique, la répétition des mots «Doni». Et on s’imagine Pierre Tchana, Cheikh Lô et Africando souffler qu’ «il n’est jamais trop tard»….
Dans tous les cas, il y a une idée de départ, une idée d’un ailleurs préféré à un ici étouffant. Aussi y a-t-il l’idée d’un échec. Echec, parce qu’il y a eu arrivée. Car, s’il y a des rêves de princesse qui s’écrasent sur le bitume parisien, il existe mille autres qui auront le ventre de l’Atlantique comme cimetière. Dans son nouvel album titré Plan B, Adiouza parle en effet de l’immigration clandestine qui est sans doute le plan Z pour plusieurs jeunes Sénégalais. Le sujet tient à cœur à la chanteuse qui a organisé une séance d’écoute ce 4 novembre 2023, puisqu’une décennie auparavant, elle traitait du même phénomène dans Boroom Gaal. En 2023, elle donne la parole à cet autre qui n’en peut plus de rester au Sénégal et qui dit à «baby » : «I got to go…», parce que «life is hard in here…» et qui a pris le «gaal». «Teral yaay» oblige. Les enfants aussi. Cette «yaay» ne verra peut-être plus son fils. La chanteuse pleurera pour elle, et pour l’Afrique qui voie ses fils partir, et partir, et partir. Et aussi longtemps que le drame de ce voyage en mer existera, Adiouza annonce qu’elle ne se lassera pas de sensibiliser.

Désillusion d’une princesse, comme pour représenter celle d’une jeunesse. Eaux troubles. Trouble aussi, la réalité de ce mariage dont parle le titre Sa téléphone. Ce téléphone d’un mari qui a changé. Ce téléphone bien codé et dont l’accès est plus sécurisé que celui de la Banque centrale (la gravité du texte n’empêche pas l’humour). Quel méchant garçon alors, ce mari. Quel méchant aussi, l’autre qui disait aimer, n’avait peut-être pas aimé, mais a fait aimer et promis un mariage…et a trahi ! Cet autre méchant qui faisait du personnage de Plan B, titre de l’album éponyme, un simple…plan B.

C’est un «outil de transformation sociale».
Mais, et heureusement, il n’y a pas que ce garçon dans l’album de la dame qui avait conquis son public avec Nobeel en 2008. Il y a un Joli garçon, 100% «chon», bon et plein de tendresse… beau, oui, mais dont le cœur est encore plus beau que la beauté physique. Ainsi est-il décrit dans le texte et il sera chanté sur 3 minutes au troisième titre du troisième album de 12 titres. Ce  Joli garçon deviendra probablement un Monsieur bonheur (titre 9) près d’une Madame bonheur (titre 10). Madame bonheur ? Khalé féroce (titre 11) oui !  Adiouza n’a pas manqué de s’offrir un egotrip dans la 12e chanson de son nouvel album. Un egotrip, une férocité d’un autre type, pour un autre contexte, et pour clasher les kpakpato (entendez commères) en Nouchi. Un douzième titre qu’on pourrait jumeler au onzième, les neuvième et dixième se couplant naturellement et qui annulent l’horreur d’un Mariage forcé (titre 5), un troisième qui dit le contraire d’un premier et qui inclue un deuxième dans la thématique générale de la relation amoureuse, un septième dans la même thématique du départ qu’un quatrième…

L’album de la fille de Père Ouza semble ainsi architecturé selon une logique d’équilibrage. Equilibre d’un album d’une part, une parole qui veut jouer sa part dans l’équilibre de la société, d’autre part. Et voilà le huitième titre, qui avait l’air d’un cheveu dans la soupe des autres histoires des autres chansons racontées en miroir, et qui vient rappeler que la parole de l’artiste peut jouer un rôle d’équilibre dans une société secouée. Dialogue social, est le huitième titre. Ça dit ce que ça dit… Et l’album en lui-même, vu les thèmes qui y sont traités, s’apprécie comme une «réponse artistique et culturelle» aux maux de la société. L’expression est de Abdoulaye Sène, un conseiller de la chanteuse. Qui lui attribue en outre le statut d’ «outil de transformation sociale». Qu’il faut, toujours selon M. Sène, écouter avec le cœur et pas avec les oreilles seulement.

Afro-mbalax ! Afro-mbalax ?
Pour ce qui est du style musical, «on est resté dans l’afro-mbalax et le mbalax en quelque sorte». C’est l’artiste elle-même qui s’exprimait ainsi sur ce qu’elle a proposé, précisant que pour ce qui est de ce style musical, elle fait partie des pionniers au Sénégal. C’était en 2015, «on était incompris», peu osaient, «et j’attendais ce moment du troisième album pour le dire». Chose dite, «nouveauté» adoptée par la jeune génération. Seulement, l’ajout d’un tama, d’un sabar à un style musical déjà existant n’est pas en soi une création ! L’idée est de Michael Soumah, lui aussi, venu assister à la séance de lancement de Plan B. Et qui a souligné le fait que les artistes sénégalais ne créent pas. A l’en croire, «le mbalax est resté une affaire sénégalo-sénégalaise» qui «ne sort pas de nos frontières». M. Soumah en appelle ainsi à la recherche et à la créativité des artistes du pays. Cette vague dont Adiouza se réclame a pour sa part trouvé son monde ! Et du monde a acheté son album qui a été vendu sur place. Vendu à 5000 F Cfa, 10 000, 25 000, 50 000, 75 000, 100 000 et 1 000 000 de francs Cfa. Un certain Matar Diop (de Soubatel) a décaissé la somme dernièrement citée pour s’offrir l’album qui devait être sur le marché depuis 2020 et dont la sortie avait été retardée par le Covid-19.