Le temps des fêtes est un moment où Dakar ne se prive pas de ses beaux atours. La ville est lumineuse, il y a de la joie dans l’air, les couleurs sont au rendez-vous. Je m’amuse, dans un tel climat et avec cette atmosphère, à faire le tour de la ville. Vadrouille de nuit, allons-y.

L’expérience de la conduite dans Dakar est une de ces choses qu’on ne peut conter. Il faut être au volant pour mesurer l’ampleur d’une anarchie joyeuse dans laquelle on finit tous par se retrouver. Le désordre devient ordre, si au bout du compte on parvient à en faire sens. Mais, il y a une particularité de conduire la nuit dans cette ville. A part les week-ends et les veilles de jours fériés, la route est assez agréable pour une ville qui donne à se découvrir. Tous les points sont subitement plus proches dans la presqu’île. Les axes comme la Vdn ou l’autoroute Malick Sy sur lesquels on peut passer des heures sont d’une fluidité qui pousse des fous du volant à rouler à tombeau ouvert. Les rares transports publics qui roulent un peu tard dans la nuit, convoient les derniers travailleurs pour rejoindre leur domicile.

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Contact mis, je roule depuis un moment quittant le Nord (précisément le quartier de Yoff), pour descendre tout au Sud dans le centre-ville. En faisant ce trajet, on comprend aisément que tous les déplacements dans notre ville-monde se font du Nord vers le Sud et de l’Est vers l’Ouest. C’est pour ensuite amorcer le mouvement contraire, à l’heure de la descente. On peut comprendre donc que les principaux couloirs soient bouchés aux mêmes heures.

Sur le chemin, de nouveaux lampadaires, des effets lumineux et des décorations donnent de la gaieté à la ville. Je traverse les allées Cheikh Béthio Thioune, pour passer Mermoz et prendre la Corniche-ouest. Le spectacle y est beau. Des palmiers enguirlandés donnent l’effet d’une voie éclairée avec des lucioles qui accompagnent tout le chemin. Des sportifs, des marcheurs, des familles, il y a tout un monde qui profite des trottoirs qui ne sont pas encombrés par des voitures, contrairement à plusieurs ruelles de la capitale en journée où il est impossible pour les piétons de marcher. Une ville avec ses trottoirs est une ville qui garde son âme, dit-on.

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A différentes étapes de la Corniche-ouest, il y a de petits commerces qui s’activent. Thé, coco, glace, fast-food, l’offre est variée et le monde tout autour montre un intérêt pour les produits proposés. On peut juste regretter que ces activités ne soient pas mieux encadrées, pour en offrir davantage et surtout rendre vivant le beau front de mer qu’est la Corniche, à l’image de toutes les promenades dignes de ce nom dans le monde.

Le rond-point de l’Ucad est dépassé à une cadence réduite. Une congestion est due au nombre important de voitures qui se retrouvent à cette étape de la Corniche pour apprécier la brise dakaroise. Les loups sauront que c’est en fonction du monde croisé à cet endroit que l’on mesure si la nuit sera intense ou non dans la ville. Le chemin se poursuit vers la Cour suprême. Là encore, le trafic est plus dense. Les enseignes hôtelières scintillent de décorations et le fort trafic à leur entrée renseigne d’une saison de longues nuits…

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La Place du Millénaire et la nouvelle promenade qui y est aménagée sont les attractions majeures. On dirait que toutes les personnes qui vivent dans la Médina, à Rebeuss et Fass s’y donnent rendez-vous. Le décor y est le même avec des enfants sur les manèges et balançoires, les petits commerces sont nombreux et les amoureux semblent investir ce petit tracé.

J’arrive au centre-ville après vingt bonnes minutes à rouler au petit trot. L’avenue de la République est festive, tout y est couleur. A l’entrée de Sorano, les affiches de soirée de gala s’empilent les unes sur les autres, quelques imprudents traversent la route sans se soucier du trafic. Ils sont sans doute dans un état d’extase en sortant d’une prestation de leur artiste favori. Les restaurants encore ouverts gardent leur monde. Mon dernier point de chute est la Place de l’Indépendance.

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Elle est bondée de monde. Les gens sortent de toutes les artères du centre-ville pour la rejoindre. Tous les chemins y mènent. Elle est belle avec des couleurs vives et des décorations qui laissent planer un imaginaire. Les couleurs du drapeau national sont au centre de ce lieu comme pour rappeler que ce qui nous unit est bien plus fort que tout. Des policiers avec beaucoup de sollicitude aident des voitures à se garer et rodent dans toute la place. D’autres aiguilleurs de la route ont fini d’organiser un business d’aide au stationnement qui ne manque pas d’irriter certains visiteurs. Les familles sont nombreuses avec des enfants qui font la queue pour immortaliser des moments à côté de beaux objets tout en lumière. Les quelques commerces sont entourés d’une forêt de monde. Les éclats de rires et cris heureux servent de bande son que percent incessamment des pétards et feux d’artifice.

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En regardant tout autour, on voit des gens qui viennent s’illuminer et toucher à un rêve. On voit des composantes d’un Peuple qui songe dans son ensemble à de la paix, de la joie et de la communion. Les lumières de Dakar brillent fort, le baume qu’elles mettent au cœur des enfants de cette ville n’a pas de prix. Feu Oumar Ndao nous disait que Dakar est ineffable et que le véritable monde de cette ville est souterrain. Pendant le temps des fêtes, cette ville se dévoile et se révèle à ses habitants sous des atours tout joyeux, après deux années de folles épreuves. C’est une ville qui réussit à charmer par la débrouille qui y règne, son désordre cohérent et sa faculté à mettre tout le monde à l’aise. J’aurais tourné dans Dakar toute une nuit, je me coucherai avec un amour plus fort pour cette ville, ses gens et surtout son esprit. Dakar se vit pour se comprendre. A l’année prochaine.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn