Position – Souleymane Boun Daouda Diop, ancien Dhc : «Je ne vois pas la nécessité de la création d’un Office de gestion des infrastructures»

Ancien Directeur de la haute compétition (Dhc), Souleymane Boun Daouda Diop dit ne pas comprendre la création d’un Office national de gestion des infrastructures sportives (Ogis) qui vient d’être mis sur pied par le ministère des Sports. Explications.
Ça bouge au niveau des infrastructures sportives, avec la création récente d’un Office national de gestion. Que pensez-vous de cette nouvelle structure du ministère des Sports ?
Je demeure convaincu que le contexte actuel des infrastructures sportives du Sénégal ne nécessite point la création d’un Office national de gestion. Ma conviction se fonde sur le nombre d’infrastructures gérées par l’Etat, mais aussi la localisation de ces infrastructures. En effet, il ne faut pas perdre de vue que notre pays a opté pour une politique irréversible de décentralisation, avec 9 compétences transférées aux collectivités territoriales dont le sport, et qui leur donnent le droit de gérer les stades départementaux et communaux. Il faut aussi tenir compte qu’actuellement, le Stade Demba Diop est entre les mains de la Fédération sénégalaise de football. Les sportifs ont été spoliés du Stade Assane Diouf et du Dojo national au profit d’autres intérêts méconnus. La Piscine olympique est rétrocédée à la Ville de Dakar. Cette même Ville de Dakar revendique en même temps la paternité du Stade Iba Mar Diop. Dès lors, pourquoi créer un Office de gestion qui n’aura une compétence que sur le Stade Abdoulaye Wade de Diamniadio, le Stade Léopold Sédar Senghor, l’Arène nationale et le Dakar Arena. Tous ces stades sont situés dans un rayon de 20 kilomètres et sont dans la région de Dakar. Ce qui ôte d’emblée à l’Office de gestion, son caractère national. A titre de comparaison, l’Office de gestion des stades de la Côte d’Ivoire gère une soixantaine d’infrastructures à travers tout le pays. A mon avis, il serait plus judicieux de mettre à la tête de chaque structure, un directeur, afin d’orienter le budget de fonctionnement de l’office dans l’entretien et la maintenance des stades. Mais, comme l’Office de gestion est acté, il faut se pencher maintenant sur la manière de le rendre opérationnel au grand bénéfice des sportifs.
N’est-ce pas une solution pour résoudre le problème de maintenance, surtout d’entretien de nos infrastructures ?
Je pense que la résolution d’un problème passe par un bon diagnostic de la cause. Et, le sentiment le mieux partagé chez les acteurs du sport est que nos stades souffrent d’un déficit de ressources humaines, matérielles et financières.
Le manque de ressources humaines est caractérisé par l’absence d’un personnel qualifié. Le manque de ressources financières est la conséquence d’un budget d’entretien et de maintenance inexistant ou insuffisant. Le manque de ressources matérielles se manifeste par l’incapacité des stades à faire face à une dégradation accélérée. A cela s’ajoute le manque d’activités annexes dans les stades.
Si nous prenons le Stade Abdoulaye Wade ou Dakar Arena, ils peuvent rester un trimestre sans aucune activité. Or, aujourd’hui, les infrastructures sportives sont devenues des lieux multifonctionnels qui peuvent abriter, au-delà des activités sportives, plusieurs autres événements.
Ainsi, pour que l’Office national puisse valablement résoudre les problèmes de gestion et de maintenance, il faudra d’abord que les hommes et les femmes chargés de sa gestion soient porteurs des compétences requises, et ensuite que la volonté politique de régler la situation se manifeste auprès des décideurs.
Est-ce que la gestion doit être la même pour toutes les infrastructures sportives et quelle sera l’implication du ministère des Sports et des fédérations ?
Je pense que la réponse à ces questions relève de la responsabilité des autorités. Il leur appartient, à travers des arrêtés, des circulaires et des notes, de dire effectivement quelle orientation elles veulent donner à l’office pour bien gérer les infrastructures sportives.
Cependant, de mon point de vue, il faut nécessairement avoir une approche différenciée dans la gestion au regard de la naissance et de la vocation de ces infrastructures.
Il faut comprendre que l’Arène nationale doit sa naissance à la popularité de la lutte avec frappe au Sénégal, donc le Cng et, à travers lui, les composantes de la lutte doivent avoir une place prépondérante dans la gestion de l’arène. C’est la même chose pour le complexe Dakar Arena dont la volonté de le matérialiser est venue à la suite de la victoire des Lionnes à l’Afrobasket organisé à Yaoundé, au Cameroun. Aussi, l’implication de la Fédération sénégalaise de basket dans la gestion de l’infrastructure est plus que normale.
Pour ce qui est du Stade Abdoulaye Wade, sa construction est consécutive à la victoire du Sénégal sur la Pologne à la Coupe du monde de Russie 2018. Le Président Macky Sall, venu saluer les joueurs dans les vestiaires après la rencontre, leur a promis, au nom de la victoire, de construire le même stade au Sénégal. Ce qui donne à la Fédération de football, la légitimité d’être impliquée dans sa gestion.
Pour ce qui est du Stade Léopold Sédar Senghor, la première discipline olympique, à savoir l’athlétisme, a sa place dans le Comité de gestion, au nom de l’histoire déclinée en Centre d’accueil de la Confédération africaine d’athlétisme (Caa), du Centre régional de développement de l’athlétisme (Crd), du Centre international d’athlétisme de Dakar (Ciad) et au nom de Lamine Diack et de Garang Coulibaly, son premier directeur. Il faut aussi, à mon avis, faire largement appel aux autorités politiques et administratives locales dans la gestion des infrastructures. En un mot, il faut une réelle gestion inclusive et participative pour la réussite de la mission. Quant au ministère des Sports, je pense qu’il va naturellement assurer la tutelle de l’Ogis.
Actualité oblige, parlons des Jeux africains d’Accra. En tant qu’ancien Dhc, quelles sont les chances du Sénégal pour cette 13e édition ?
Les Jeux africains de cette année ont un caractère très spécial, dans la mesure où huit disciplines sont qualificatives pour les Jeux Olympiques de «Paris 2024». Ces huit disciplines sont : la lutte, le tennis, le cyclisme, l’athlétisme, la natation, le badminton, le tennis de table et le triathlon.
Comme d’habitude, nos chances de médaille sont à chercher dans les arts martiaux, la lutte et le football, sans oublier l’athlétisme qui, à force de travail et d’un bon encadrement, est en train de remonter merveilleusement la pente. C’est une opportunité pour le Sénégal, car avec la compétition, tout reste possible. Mais, il faut le reconnaître, la concurrence sera rude, si on sait que les pays vont participer en masse, avec leurs meilleurs athlètes. Mais espérons un exploit du côté de la lutte et de l’athlétisme. Le Sénégal, avec une forte délégation d’athlètes issus de 12 disciplines, à mon avis, a de réelles chances de faire mieux qu’au Maroc, où nous avions glané un seul titre.